La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/01/2009 | FRANCE | N°08BX01259

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 06 janvier 2009, 08BX01259


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 13 mai 2008, présentée pour M. Rahmi X, demeurant chez M. Siddik X, ..., par Me Brel, avocat au barreau de Toulouse ;

M. Rahmi X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 28 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 4 décembre 2007 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d

'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le déla...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 13 mai 2008, présentée pour M. Rahmi X, demeurant chez M. Siddik X, ..., par Me Brel, avocat au barreau de Toulouse ;

M. Rahmi X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 28 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 4 décembre 2007 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat à payer une somme de 1500 euros au conseil du requérant, sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2008 :

- le rapport de M. Dronneau, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Gosselin, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré enregistrée au greffe de la cour le 22 décembre 2008, présentée pour M. X ;

Considérant que, par arrêté en date du 4 décembre 2007, le préfet de la Haute-Garonne a refusé l'admission au séjour de M. X, ressortissant turc d'origine kurde, en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et en fixant le pays à destination duquel il serait reconduit au terme de ce délai ; que l'intéressé relève appel du jugement en date du 28 mars 2008, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur le refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace pour l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » ;

Considérant que M. X est entré irrégulièrement sur le territoire français, le 2 septembre 2005, en compagnie de sa femme et de leurs trois enfants mineurs ; que si M. X soutient que ses parents, ses frères et soeurs vivent en France, que deux de ses trois enfants y sont scolarisés, que sa femme est enceinte d'un quatrième enfant et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort toutefois des pièces du dossier que sa femme, également de nationalité turque et d'origine kurde, est en situation irrégulière et a fait, le même jour, l'objet d'un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire à destination de la Turquie ; que l'intéressé n'est pas dépourvu de tous liens dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans ; que, dans ces conditions et eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M. X, le refus de séjour pris à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que si M. X fait valoir que l'arrêté en litige porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses trois enfants mineurs dont deux sont scolarisés, il résulte de ce qui précède que sa femme, également en situation irrégulière, a fait l'objet d'une mesure similaire et que rien ne s'oppose à ce qu'il emmène ses enfants avec lui et sa femme dans son pays d'origine ; que, par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a méconnu, par la décision contestée, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni la convention internationale des droits de l'enfant précitée ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision du préfet de la Haute-Garonne lui refusant le renouvellement de son titre de séjour ; que, par suite, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne manque pas de base légale ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que si l'office français pour la protection des réfugiés et apatrides a rejeté, le 9 février 2006, la demande d'asile de M. X et si cette décision a été confirmée, le 6 novembre 2007, par la commission de recours des réfugiés, il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments produits devant la cour, que l'intéressé est recherché par la justice turque à raison de ses activités politiques et de son soutien au PKK ; qu'eu égard à ces éléments, il y a lieu de regarder M. X comme étant exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Turquie ; que, dès lors, l'intéressé est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Haute-Garonne a, par la décision contestée du 4 décembre 2007, fixé la Turquie comme pays de renvoi et à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement attaqué, ensemble de ladite décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions relatives à la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi, implique nécessairement que le préfet de la Haute-Garonne délivre une autorisation provisoire de séjour à M. X jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. X ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 300 € au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en l'absence de décision attributive de l'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Me Brel, conseil de M. X, présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 28 mars 2008, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X dirigées contre la décision du préfet de la Haute-Garonne du 4 décembre 2007 fixant la Turquie comme pays de renvoi, ensemble dans cette mesure ledit arrêté, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. X.

Article 3 : L'Etat versera à M. X, une somme de 1 300 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.

2

No 08BX01259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX01259
Date de la décision : 06/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DRONNEAU
Rapporteur ?: M. Michel DRONNEAU
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : BREL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-01-06;08bx01259 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award