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22/01/2009 | FRANCE | N°07BX00753

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 22 janvier 2009, 07BX00753


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 avril 2007 sous le n° 07BX00753, présentée pour Mlle Cyrielle X et M. Olivier Y, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants de leur fils mineur Hugo X, demeurant tous deux ..., par Maître Coubris, avocat ;

Ils demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502857 du 15 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saintes à verser à Mlle X la somme de 703.979,35 euros, à M. Y et à leur fils Hu

go la somme de 20.000 euros chacun ;

2°) de condamner le centre hospitalier ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 avril 2007 sous le n° 07BX00753, présentée pour Mlle Cyrielle X et M. Olivier Y, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants de leur fils mineur Hugo X, demeurant tous deux ..., par Maître Coubris, avocat ;

Ils demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502857 du 15 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saintes à verser à Mlle X la somme de 703.979,35 euros, à M. Y et à leur fils Hugo la somme de 20.000 euros chacun ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saintes à leur verser les sommes sollicitées avec intérêts ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Saintes aux dépens ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Saintes à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2008,

- le rapport de M. Lafon, conseiller ;

- les observations de Me Zridi, substituant Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Saintes ;

- et les conclusions de M. Zupan, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mlle X a été victime, au cours du troisième trimestre de sa première grossesse, d'une complication de l'hypertension artérielle constituée d'une pré-éclampsie et de deux crises convulsives d'éclampsie ; que ces deux crises ont eu lieu l'une avant et l'autre après l'intervention césarienne pratiquée au centre hospitalier de Saintes le 12 juin 2002 ; que Mlle X et M. Y, son compagnon, agissant tous deux à titre personnel et au nom de leur fils, le jeune Hugo, interjettent appel du jugement en date du 15 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saintes à réparer les préjudices subis du fait des conditions de prise en charge de Mlle X dans cet établissement ;

Sur la responsabilité :

Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par une ordonnance du 12 mars 2004 du juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers, que le centre hospitalier de Saintes n'a commis aucune faute dans les soins apportés à Mlle X à la suite de l'intervention césarienne pratiquée le 12 juin 2002 ; qu'en particulier, l'amélioration de l'état clinique de Mlle X ne justifiait pas l'administration immédiate de sulfate de magnésium, dont les effets sont d'ailleurs en partie redondants avec ceux du Loxen déjà prescrit ; qu'en outre, si les requérants soutiennent que Mlle X aurait dû bénéficier d'un traitement par cortisone, l'administration de ce produit aux fortes doses requises n'apportait aucune garantie certaine contre l'aggravation des troubles biologiques de la coagulation et risquait d'accentuer dangereusement l'hypertension artérielle ;

Considérant en second lieu, qu'il résulte de l'expertise susmentionnée que Mlle X présentait, lors d'une consultation réalisée le 10 juin 2002 au centre hospitalier de Saintes, des symptômes évocateurs d'un risque de complication de l'hypertension artérielle de la grossesse ; que ces prémisses cliniques d'une pré-éclampsie sévère ont, à cette occasion, fait l'objet d'une appréciation insuffisante ; qu'il était indiqué d'hospitaliser immédiatement Mlle X pour évaluer son état vasculaire, apprécier ses risques de complications et choisir le moment et les moyens de la meilleure thérapeutique ; que Mlle X n'a été admise au centre hospitalier de Saintes que le 12 juin 2002 ; que ce retard de 48 heures constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Saintes ;

Considérant qu'il résulte de l'expertise qu'une hospitalisation dès le 10 juin 2002, au lieu du 12 juin 2002, aurait favorisé une prise en charge médicamenteuse et obstétricale plus précoce de Mlle X, compte-tenu notamment de son état de santé au soir du 11 juin 2002 ; que la précocité d'une telle prise en charge aurait réduit les risques de crises d'éclampsie et de leurs séquelles neurologiques ; que, dans ces conditions, le retard fautif de l'hospitalisation de Mlle X a entraîné pour l'intéressée une perte de chance d'échapper aux deux crises d'éclampsie qui ont compliqué son accouchement et aux séquelles neurosensorielles dont elle a été affectée ;

Sur les préjudices :

Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant que les séquelles des crises d'éclampsie dont a été victime Mlle X sont à l'origine d'une interruption temporaire totale de travail d'une durée de trois ans et d'un taux d'incapacité permanente partielle de 65 % ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis, y compris les préjudices d'agrément, sexuel et psychologique, en les évaluant à 130.000 euros ; que les souffrances endurées par Mlle X ont été chiffrées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice en résultant en l'évaluant à 5.000 euros ; qu'il sera fait également une juste appréciation du préjudice lié au retentissement des séquelles des crises d'éclampsie sur la vie professionnelle de Mlle X en l'évaluant à 90.000 euros ; qu'en revanche, Mlle X ne démontre pas l'existence de frais liés à l'assistance quotidienne d'une tierce personne ; qu'il résulte de ce qui précède que les dommages subis par Mlle X à la suite des crises d'éclampsie dont elle a été victime doivent être évalués à la somme de 225.000 euros ;

Considérant que M. Y, compagnon de Mlle X, a subi des troubles dans ses conditions d'existence du fait de la situation de cette dernière, dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 6.000 euros ; qu'en revanche, les requérants ne démontrent pas l'existence d'un préjudice pour le jeune Hugo du fait de l'absence de sa mère durant les premières heures de sa vie ;

Considérant que les préjudices dont Mlle X et M. Y peuvent obtenir réparation ne correspondent pas aux dommages qui viennent d'être évalués, mais à la perte de chance d'éviter les séquelles liées aux crises d'éclampsie, qui doit être évaluée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'expertise médicale, qu'en l'espèce le préjudice indemnisable doit être évalué à 33 % du dommage corporel ; que le centre hospitalier de Saintes doit par suite être condamné à verser à Mlle X la somme de 75.000 euros et à M. Y la somme de 2.000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X et M. Y sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saintes ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mlle X et M. Y ont droit aux intérêts qu'ils demandent des sommes de 75.000 euros et 2.000 euros à compter du 5 avril 2007, date de l'enregistrement de leur requête devant la Cour de céans, conformément à leur demande ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés aux sommes de 1.960 euros, 800 euros et 1.865 euros par le président du Tribunal administratif de Poitiers, à la charge du centre hospitalier de Saintes ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Saintes à verser à Mlle X et à M. Y la somme globale de 1.300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 3 et 4 du jugement du 15 février 2007 du Tribunal administratif de Poitiers sont annulés.

Article 2 : Le centre hospitalier de Saintes est condamné à verser à Mlle Cyrielle X la somme de 75.000 euros et à M. Olivier Y la somme de 2.000 euros. Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 5 avril 2007.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés aux sommes de 1.960 euros, 800 euros et 1.865 euros sont mis à la charge du centre hospitalier de Saintes.

Article 4 : Le centre hospitalier de Saintes versera une somme globale de 1.300 euros à Mlle Cyrielle X et à M. Olivier Y en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 07BX00753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07BX00753
Date de la décision : 22/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : COUBRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-01-22;07bx00753 ?
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