La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2009 | FRANCE | N°08BX01781

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 06 février 2009, 08BX01781


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 juillet 2008, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;

Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 26 juin 2008 portant décision de reconduite à la frontière de M. Sekouba X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

............................................................................................

..........

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la cour dés...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 juillet 2008, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;

Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 26 juin 2008 portant décision de reconduite à la frontière de M. Sekouba X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la cour désignant notamment M. de Malafosse, président de chambre, en qualité de juge habilité à statuer en matière d'appel des jugements de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 30 janvier 2009, fait le rapport et entendu :

- les observations de Me Hachet, avocat de M. X ;

- et les conclusions de Mme Dupuy, commissaire du gouvernement ;

Sur l'aide juridictionnelle :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Au fond :

Considérant que, par un arrêté du 26 juin 2008, le PREFET DE LA VIENNE a décidé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant guinéen, et a fixé la Guinée comme pays de renvoi ; que le PREFET DE LA VIENNE fait appel du jugement du 1er juillet 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté dont il s'agit, le premier juge s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant dès lors que la fille de M. X, née le 20 novembre 2006, encourait le risque de subir une excision en Guinée ; que, toutefois, la circonstance que la mère de l'enfant ait elle-même été victime de cette pratique ne suffit pas à établir le caractère effectif de ce risque pour sa fille ; que même en admettant, comme le soutient M. X, que la pratique de l'excision reste répandue en Guinée, notamment dans la région dont il est originaire, le PREFET DE LA VIENNE fait valoir, sans être contredit, que les autorités guinéennes luttent activement contre cette pratique et qu'il existe, en Guinée, des organisations, officielles ou non gouvernementales, participant à cette lutte et prenant en charge les femmes qui refusent cette pratique ou d'y soumettre leurs filles ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de M. X serait effectivement exposée en Guinée au risque d'être excisée ; que, dès lors, le PREFET DE LA VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté en date du 26 juin 2008, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le motif sus-analysé ;

Considérant toutefois qu'il appartient au juge d'appel des reconduites à la frontière, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le tribunal administratif ;

Considérant que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose en son II : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité... » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X n'est pas en mesure de justifier d'une entrée régulière en France et qu'il n'était titulaire, à la date de l'arrêté litigieux, d'aucun titre de séjour en cours de validité ; que, par suite, il entrait dans le champ d'application des dispositions précitées dudit code, qui permettent au préfet de décider de reconduire un étranger à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux, qui mentionne expressément l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui précise notamment que M. X « n'est pas en mesure de produire un document de voyage faisant état d'un visa », « est actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité » et « se maintient sur le territoire national en situation irrégulière », indique ainsi suffisamment, contrairement à ce que soutient M. X, que le préfet s'est fondé sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1-II dudit code, et n'est pas insuffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, que les circonstances dans lesquelles un étranger a été interpellé sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ; que, dès lors, le moyen de M. X tiré de ce que l'administration aurait fait preuve de « déloyauté » à son égard en ayant fait procéder à son interpellation alors qu'il se trouvait au guichet de la préfecture doit être écarté comme inopérant ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : ...4° La demande d'asile...constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente » ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4°de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence aucune mesure d'éloignement...ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office » ; que l'article L. 742-5 dispose : « Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1 » ; que cet article L. 723-1 précise que : « L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4... » ; qu'enfin, selon l'article L. 742-1 : « Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides... » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE LA VIENNE, qui n'a pas délivré à M. X le 26 juin 2008, jour où celui-ci s'est présenté à la préfecture pour déposer une demande de réexamen de sa situation au regard de l'asile, le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 précité, mais, au contraire a, le jour même, pris à son encontre une mesure de reconduite à la frontière et une mesure de placement en rétention administrative, doit être regardé comme ayant ainsi refusé, après avoir estimé que ladite demande présentait un caractère abusif ou dilatoire, d'admettre M. X au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, contrairement ce que soutient M. X, le préfet n'était pas tenu de prendre, au titre de l'article L. 742-5 précité, une décision expresse de refus d'admission au séjour ; que la demande de M. X à fin de réexamen de sa situation au regard de l'asile, qui a été adressée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 juin 2008, ne devait pas nécessairement être transmise à l'office avant que ne fût prise la mesure d'éloignement litigieuse ; que si, dans l'attente de la décision de l'office, le PREFET DE LA VIENNE ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 742-6 précité, mettre à exécution la mesure d'éloignement, ladite demande de réexamen ne faisait pas par elle-même obstacle, dès lors qu'elle revêtait un caractère abusif au sens du 4° de l'article L. 741-4 précité, à ce que le préfet décide la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant, enfin, que M. X et sa compagne sont tous deux en situation irrégulière sur le territoire français ; que, s'ils ont deux enfants nés en France en 2005 et 2006, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine ; que, par suite, la mesure d'éloignement litigieuse ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 26 juin 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme réclamée par celui-ci au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;

DÉCIDE

Article 1er : M. X est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement, en date du 1er juillet 2008, du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

4

No 08BX01781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08BX01781
Date de la décision : 06/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : HACHET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-02-06;08bx01781 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award