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10/02/2009 | FRANCE | N°08BX01049

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 10 février 2009, 08BX01049


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 avril 2008, présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ;

Le PREFET DE LA GIRONDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0800140 en date du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en date du 19 octobre 2007 rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme X, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X audit tribunal administratif ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 avril 2008, présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ;

Le PREFET DE LA GIRONDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0800140 en date du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en date du 19 octobre 2007 rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme X, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X audit tribunal administratif ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2009,

le rapport de M. Péano, président assesseur ;

les observations de Me Jouteau pour Mme X ;

et les conclusions de Mme Viard, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'après être entrés irrégulièrement en France, M. et Mme X ont présenté, ainsi que leurs filles Lilida et Lucine, des demandes d'admission au statut de réfugié qui ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Commission des recours des réfugiés ; qu'à la suite du rejet de ces demandes, M. et Mme X ont sollicité de la préfecture de la Gironde la délivrance de titres de séjour en qualité d'étranger malade ; que le PREFET DE LA GIRONDE relève désormais appel du jugement n°0800140 en date du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a annulé l'arrêté en date du 19 octobre 2007 rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme X, de nationalité azérie, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays à destination duquel elle sera renvoyée, d'autre part, a enjoint au préfet de délivrer à cette dernière une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : « Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président » ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme X à l'aide juridictionnelle ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2007, le Tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le motif que le PREFET DE LA GIRONDE avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que, pour soutenir que la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté contesté porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme X fait valoir que depuis son entrée en France, elle a reconstruit sa cellule familiale en France où ses enfants sont scolarisés, que sa belle-mère, atteinte d'une grave maladie, vit en France où elle est titulaire d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade et que son mari et elle souffrent également d'une pathologie lourde qui nécessite un suivi médical régulier et un traitement contraignant ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que Mme X, qui a quitté l'Arménie en 1999 et a vécu en Russie puis en Ukraine avant d'entrer en France en 2005, ne disposerait plus d'attache dans son pays d'origine et serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France ; que, dans ces conditions, compte tenu notamment de la brièveté et des conditions de séjour en France de Mme X, le refus de titre de séjour contenu dans l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2007, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) » ;

Considérant qu'il est constant que Mme X a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides confirmée par la Commission des recours des réfugiés ; que l'arrêté contesté se borne à tirer les conséquences, au regard de son droit au séjour, du rejet de sa demande d'asile ; qu'en conséquence, Mme X ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précité, à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour qui a été prise en réponse à la demande qu'elle avait formulée ;

Considérant qu'en visant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les dispositions des articles L.741-1 à L.742-2 concernant le droit au séjour des étrangers demandeurs d'asile et en faisant état de circonstances de fait propres à la situation de Mme X, le PREFET DE LA GIRONDE a suffisamment motivé en droit et en fait la décision de refus de titre de séjour au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. [...] » ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé [...]. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé [...] » ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 : « [...] le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; / - et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. / Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales » ;

Considérant que Mme X soutient qu'elle souffre de troubles qui nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences graves et qu'elle est l'objet d'un suivi médical régulier et constant ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique du 17 septembre 2007, qui est suffisamment motivé, que Mme X ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son suivi médical nécessiterait sa présence indispensable en France ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet qui, dans l'arrêté contesté, après avoir visé l'avis du médecin inspecteur de la santé publique, a énoncé les considérations de fait, médicales et autres, et de droit justifiant le refus opposé à Mme X se serait cru à tort lié par cet avis ; qu'ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Gironde n'a ni méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur d'appréciation de l'état de santé de Mme X ;

Considérant que si Mme X fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France et qu'elle est ainsi intégrée à la société française, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder la décision portant refus de titre de séjour, qui n'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts, comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en date du 19 octobre 2007 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et lui a enjoint, en exécution de cette annulation, de délivrer à Mme X une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L.742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI.» ;

Considérant que la décision par laquelle l'autorité administrative oblige un étranger à quitter le territoire français est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'alors même qu'il vise l'article L.742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté en date du 19 octobre 2007 ne comporte pas de mention spécifique rappelant les dispositions législatives qui permettent au préfet d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et ne satisfait donc pas aux prescriptions de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, l'arrêté en date du 19 octobre 2007 est illégal en tant qu'il a obligé Mme X à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays à destination duquel elle sera renvoyée ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de Mme X, le PREFET DE LA GIRONDE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en date du 19 octobre 2007 en tant qu'il a obligé Mme X à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de tout ou partie de la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Mme X est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n°0800140 en date du 27 mars 2008 du Tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il a annulé la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du PREFET DE LA GIRONDE en date du 19 octobre 2007 et lui a enjoint, en exécution de cette annulation, de délivrer à Mme X une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » .

Article 3 : L'arrêté du PREFET DE LA GIRONDE en date du 19 octobre 2007 est annulé en tant qu'il a obligé Mme X à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA GIRONDE et les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

2

08BX01049


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme VIARD
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 10/02/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08BX01049
Numéro NOR : CETATEXT000020288608 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-02-10;08bx01049 ?
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