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24/02/2009 | FRANCE | N°08BX01672

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 24 février 2009, 08BX01672


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 4 juillet 2008 et en original le 9 juillet 2008 sous le numéro 08BX01672, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. Yves Parfait X, annulé son arrêté en date du 14 janvier 2008 lui refusant l'admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 4 juillet 2008 et en original le 9 juillet 2008 sous le numéro 08BX01672, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. Yves Parfait X, annulé son arrêté en date du 14 janvier 2008 lui refusant l'admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2009,

le rapport de M. Verguet, premier conseiller ;

et les conclusions de Mme Viard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, de nationalité congolaise, a sollicité le 23 mai 2007 un titre de séjour sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 14 janvier 2008, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui en a refusé la délivrance à quelque titre que ce soit et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE relève appel du jugement du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. X, prononcé l'annulation de ces décisions ;

Sur l'aide juridictionnelle :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Sur la légalité de l'arrêté du 14 janvier 2008 :

Considérant que si M. X, entré irrégulièrement en France le 1er mai 2001, a participé à compter de l'année 2005 à quelques expositions de peinture et à une mission d'animation culturelle dans une école primaire, cette circonstance ne suffit pas à établir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour prononcer l'annulation de sa décision refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde et satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'annulation d'une mesure de reconduite à la frontière n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour, mais seulement que le préfet statue à nouveau sur le droit de l'étranger à un titre de séjour ; que M. X n'est dès lors pas fondé à invoquer l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 30 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse a annulé la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre, pour soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour est entaché d'illégalité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée » ; que, pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que, pour soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour opposé par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE dans sa décision en date du 14 janvier 2008, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, M. X soutient qu'il dispose d'intenses attaches au titre de sa vie privée en France où il vit depuis plus de six années ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si l'intéressé vit sur le territoire national depuis le 1er mai 2001, il a conservé des liens familiaux importants au Congo où résident ses quatre enfants et sa concubine ; que, dans ces conditions, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour et n'a ainsi pas méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1.I. du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace d'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle l'autorité administrative fait obligation à un étranger de quitter le territoire français n'a pas à être motivée, quand bien même l'administration n'est pas en situation de compétence liée pour la prendre ; que, par suite, M. X ne saurait utilement invoquer l'insuffisante motivation de cette décision ;

Considérant, en deuxième lieu, que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, saisi le 23 mai 2007 par M. X d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas, compte tenu du changement dans les circonstances de droit et de fait intervenu depuis le jugement du 24 mars 2005, devenu définitif, prononçant l'annulation de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de l'intéressé au motif que cette mesure était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ce jugement ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard aux circonstances précédemment exposées, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en obligeant M. X à quitter le territoire français à destination du Congo, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants » ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. »

Considérant que M. X ne produit aucune pièce permettant d'établir la réalité des risques qu'il prétend encourir en cas de retour dans son pays d'origine ; que, d'ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la commission de recours des réfugiés ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 14 janvier 2008 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour à quelque titre que ce soit et l'obligeant à quitter le territoire français à destination du Congo ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le requérant en faveur de son avocat doivent dès lors être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : M. X est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 6 mai 2008 est annulé.

Article 3 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

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08BX01672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX01672
Date de la décision : 24/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Hervé VERGUET
Rapporteur public ?: Mme VIARD
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-02-24;08bx01672 ?
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