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12/03/2009 | FRANCE | N°08BX02017

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 5), 12 mars 2009, 08BX02017


Vu, I, sous le n° 08BX02017, la requête enregistrée le 1er août 2008, présentée pour la société par actions simplifiée CHATEAU MONDOT, dont le siège est au Château Troplong-Mondot à Saint-Emilion (33330), par la société civile professionnelle Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société CHATEAU MONDOT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'ori

gine contrôlée Saint-Emilion grand cru ;

2°) de rejeter les demandes tendant...

Vu, I, sous le n° 08BX02017, la requête enregistrée le 1er août 2008, présentée pour la société par actions simplifiée CHATEAU MONDOT, dont le siège est au Château Troplong-Mondot à Saint-Emilion (33330), par la société civile professionnelle Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société CHATEAU MONDOT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru ;

2°) de rejeter les demandes tendant à l'annulation dudit arrêté interministériel ;

3°) de mettre à la charge de chacun des requérants de première instance le paiement d'une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, II, sous le n° 08BX02018, la requête enregistrée le 1er août 2008, présentée pour la société par actions simplifiée CHATEAU MONDOT, dont le siège est au Château Troplong-Mondot à Saint-Emilion (33330), par la société civile professionnelle Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société CHATEAU MONDOT demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 1er juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru , par les mêmes moyens que ceux exposés dans sa requête n° 08BX02017 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, III, sous le n° 08BX02172, le recours enregistré le 14 août 2008, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru ;

2°) de rejeter les demandes tendant à l'annulation dudit arrêté interministériel ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, IV, sous le n° 08BX02173, le recours enregistré le 14 août 2008, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 1er juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru , en se référant aux moyens exposés au soutien de son recours n° 08BX02172 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, V, sous le n° 08BX03180, la requête enregistrée le 9 décembre 2008, présentée pour la société civile immobilière CHATEAU BELLEFONT BELCIER, dont le siège est à Saint-Laurent-des-Combes (33330), la société civile DAURIAC, dont le siège est au Château Destieux à Saint-Hyppolyte (33330), la société civile d'exploitation agricole FLEUR CARDINALE, dont le siège est à Saint-Etienne-de-Lisse (33330), la société civile d'exploitation ALAIN GIRAUD, dont le siège est Château Grand Corbin à Saint-Emilion (33330), la société civile d'exploitation VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, dont le siège est Château Grand Corbin-Despagne à Saint-Emilion (33330), la société par actions simplifiée CHATEAU MONBOUSQUET dont le siège est à Saint-Emilion (33330) et la société civile d'exploitation agricole du CHATEAU PAVIE MACQUIN dont le siège est à Saint-Emilion (33330), par Me Carpentier ; les sociétés requérantes demandent à la Cour :

1°) à titre principal, de prononcer l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 28 octobre 2008 du Tribunal administratif de Bordeaux rejetant leur tierce opposition au jugement du 1er juillet 2008 par lequel la même juridiction a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter aux seuls requérants de première instance les effets de l'illégalité de l'arrêté précité ;

Elles se réfèrent aux moyens exposés par elles dans leur mémoire en intervention dans l'instance n° 08BX02172 ;

..........................................................................................................

Vu, VI, sous le n° 08BX03257, la requête enregistrée le 23 décembre 2008, présentée pour la société par actions simplifiée CHATEAU MONDOT, dont le siège est Château Troplong-Mondot à Saint-Emilion (33330), par la société civile professionnelle Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société CHATEAU MONDOT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la tierce opposition au jugement susvisé de la même juridiction en date du 1er juillet 2008 ;

2°) de faire droit à la tierce opposition susdite ;

3°) de mettre, solidairement, à la charge des défendeurs de première instance le paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2009 :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, premier conseiller,

- les observations de Me Waquet, pour la société CHATEAU MONDOT,

- les observations de Me Pinet, pour l'Institut national de l'origine et de la qualité,

- les observations de Me Carpentier et de Me Noyer, pour les sociétés CHATEAU BELLEFONT BELCIER, DAURIAC, FLEUR CARDINALE, ALAIN GIRAUD, VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, CHATEAU MONBOUSQUET et CHATEAU PAVIE MACQUIN,

- les observations de Me Lindner, pour le Conseil des vins de Saint-Emilion,

- les observations de Mme Alix, pour le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE,

- les observations de M. Chatellier, pour le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi,

- les observations de Me Thévenin, pour les sociétés Château Guadet Saint Julien, Château La Marzelle, Château Cadet Bon et Vignobles Robert Giraud,

- les observations de Me Magret, pour la société André Giraud, le groupement foncier agricole Giraud Bellivier et le groupement foncier agricole Geoffrion,

- les observations de Me Martin, pour la société des Vignobles Aberlen,

- les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

- et les observations complémentaires de Me Pinet, Me Carpentier, Me Magret et Me Waquet,

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 février 2009, présentée pour la société CHATEAU BELLEFONT BELCIER, la société DAURIAC, la société FLEUR CARDINALE, la société ALAIN GIRAUD, la société VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, la société CHATEAU MONBOUSQUET et la société du CHATEAU PAVIE MACQUIN, par Me Carpentier ;

Considérant que les requêtes n° 08BX02017, n 08BX02018 ainsi que les recours n° 08BX02172 et n° 08BX02173 sont dirigés contre le même jugement du 1er juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru ; que les requêtes n° 08BX03180 et n° 08BX03257 sont dirigées contre le même jugement du 28 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la tierce opposition au jugement précité du 1er juillet 2008 ; que ces requêtes et recours présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les interventions du Conseil des vins de Saint-Emilion, de la société CHATEAU MONDOT, de la société CHATEAU BELLEFONT BELCIER, de la société DAURIAC, de la société FLEUR CARDINALE, de la société ALAIN GIRAUD, de la société VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, de la société CHATEAU MONBOUSQUET et de la société du CHATEAU PAVIE MACQUIN :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts, le Conseil des vins de Saint-Emilion a pour objet de défendre les intérêts des A.O.C Saint-Emilion, Saint-Emilion Grand cru et du classement attaché (...) et d'étudier et de défendre les droits ainsi que les intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par [ses] statuts ; qu'eu égard à cet objet, le Conseil des vins de Saint-Emilion a intérêt au maintien du classement homologué par l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 ; que, par suite, l'intervention de ce syndicat doit être admise ;

Considérant, en second lieu, qu'en tant qu'exploitantes des propriétés dont les crus ont été admis au classement précité, les sociétés CHATEAU MONDOT, CHATEAU BELLEFONT BELCIER, DAURIAC, FLEUR CARDINALE, ALAIN GIRAUD, VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, CHATEAU MONBOUSQUET et CHATEAU PAVIE MACQUIN ont intérêt au maintien dudit classement ; que, par suite, leurs interventions sont recevables ;

Sur la régularité du jugement du 1er juillet 2008 :

Considérant que la société CHATEAU MONDOT et le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE soutiennent que le jugement en date du 1er juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru aurait méconnu le principe du contradictoire en ce que le tribunal a prononcé la jonction des huit requêtes distinctes dont il avait été saisi sans qu'ait été assurée préalablement une communication de l'intégralité des écritures produites aux débats entre toutes les parties dans chacune des huit procédures instruites conjointement, alors surtout que ledit jugement retient pour annuler l'arrêté concerné un moyen invoqué par le groupement foncier agricole Geoffrion dans un mémoire du 7 mars 2008 qui n'a pas été communiqué à la société CHATEAU MONDOT ;

Considérant, cependant, que si le mémoire précité du groupement foncier agricole Geoffrion, qui comportait un moyen tiré de la rupture de l'égalité de traitement des candidats du fait de la dégustation préalable, par la commission de classement, des grands crus sollicitant le renouvellement de leur classement, afin d'établir un niveau de référence applicable aux candidats à l'entrée dans le classement, a été communiqué le 10 mars 2008 au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE mais ne l'a pas été à la société CHATEAU MONDOT, il ressort des pièces du dossier de l'instance 0701084 que ce moyen a également été soulevé, par un mémoire du 7 mars 2008, par la société André Giraud et que ledit mémoire a été communiqué, le 10 mars 2008, à la société CHATEAU MONDOT ; qu'il suit de là que le tribunal ne s'est pas fondé, pour prendre sa décision, laquelle est suffisamment motivée, sur des éléments dont la société CHATEAU MONDOT et le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE n'auraient pas eu connaissance et que, dès lors, le moyen tiré de ce que le caractère contradictoire de la procédure n'aurait pas été respecté doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 11 janvier 1984 relatif aux appellations d'origine contrôlée Saint-Emilion et Saint-Emilion grand cru : L'utilisation des mentions Grand cru classé ou Premier grand cru classé est réservée à des exploitations viticoles ayant fait l'objet d'un classement officiel homologué par arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et du secrétaire d'Etat chargé de la consommation après avis du syndicat intéressé sur proposition de l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie (...) Ne peuvent figurer audit classement que les exploitations viticoles qui répondent aux dispositions du règlement fixant les conditions requises pour pouvoir bénéficier de la mention grand cru classé ou premier grand cru classé . Ce règlement, après avis des syndicats intéressés et sur proposition de l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie, est soumis à l'approbation du ministre de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation. Le classement susvisé est valable pour dix ans à compter de la parution de l'arrêté d'homologation. ; qu'aux termes de l'article 1er du règlement de classement pris en application des dispositions réglementaires précitées et approuvé le 30 mai 2006 : (...) Il est procédé à l'échéance du classement précédent, à un nouveau classement des exploitations viticoles grands crus classés et premiers grands crus classés de l'appellation Saint-Emilion Grand Cru dont le nombre ne pourra excéder quatre-vingt-dix, selon les modalités qui suivent ; que l'article 2 du même règlement dispose que : Une commission de 9 membres titulaires et de 3 membres suppléants, dite de classement des crus classés de l'appellation Saint-Emilion grand cru est nommée par le Comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine pour une période de dix ans sur propositions du syndicat intéressé. Le président est nommé par le comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine (...) ; que l'article 6 dudit règlement prévoit que La commission a, à sa disposition, les dossiers et les échantillons des vins des candidats et pourra demander à l'Institut national des appellations d'origine, au syndicat, ou à l'intéressé tous renseignements complémentaires qu'elle juge utiles. Les échantillons sont prélevés par les services de l'INAO. Le choix des millésimes prélevés est laissé à l'appréciation de la commission sur la période des dix dernières années. La commission peut également entendre toute personne qu'il lui plaira. La commission établit son jugement à partir de tous les facteurs qui peuvent être pris en compte pour justifier ou infirmer le classement et parmi lesquels on peut citer en particulier : - consistance de l'exploitation aussi bien en dimension qu'en caractéristiques qualitatives ; - conduite de l'exploitation tant sur le plan viticole que sur celui de l'oenologie ; - commercialisation, présentation, notoriété, importance des actions promotionnelles et prix de vente, constance et niveau de qualité des vins appréciés entre autres par dégustation des échantillons. Les notifications des décisions défavorables de la commission sont faites par les services de l'Institut national des appellations d'origine aux candidats intéressés qui pourront demander dans un délai de quinze jours un nouvel examen de leur dossier à la commission (...) Le candidat pourra, à sa demande, être entendu par la commission qui statuera dans un délai de deux mois à compter de la saisine. Les résultats du classement seront communiqués aux syndicats intéressés pour avis avant transmission au comité national conformément aux dispositions de l'article 7 du décret susvisé ;

Considérant que, par application des dispositions susrappelées de l'article 7 du décret du 11 janvier 1984, le classement homologué par l'arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation en date du 8 novembre 1996, qui avait pour objet de permettre à certains vins bénéficiaires de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion Grand Cru de porter les mentions grand cru classé ou premier grand cru classé pendant une période de dix années, est devenu caduc dix ans après sa publication ; que les 13 premiers grands crus classés et les 53 grands crus classés , issus du classement homologué par l'arrêté du 8 novembre 1996, ont présenté leurs candidatures en vue du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion Grand Cru à compter de la récolte 2006, tandis que 29 exploitations, non classées en 1996, se présentaient à la mention grand cru classé et que deux d'entre elles se portaient également candidates à celle de premier grand cru classé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de leur rapport établi le 30 août 2006, que, pour procéder à la sélection des exploitations, les membres de la commission de classement ont souhaité commencer par déguster l'ensemble des grands crus classés demandant leur reconduction dans le classement afin d'établir un niveau de référence pour chacun des membres. Puis les candidats à l'entrée dans le classement ont été dégustés. Enfin, la commission a étudié les demandes de promotion et de reconduction en premiers grands crus classés A et B ;

Considérant qu'en dégustant d'abord les crus des exploitations ayant bénéficié de la mention grand cru classé par application de l'arrêté du 8 novembre 1996, pour déterminer un niveau de référence, sans les déguster ensuite à nouveau en même temps et dans les mêmes conditions, notamment d'anonymat, que les crus des autres candidats, la commission de classement a nécessairement apprécié les crus qui n'étaient pas antérieurement classés, par référence aux crus qui bénéficiaient auparavant du classement ; que si, comme les appelants le soutiennent, tout exercice gustatif conduit nécessairement à une appréciation comparative, il ne ressort pas des pièces du dossier que seule la dégustation, dans un premier temps, des grands crus classés en 1996 permettait de constituer un niveau de référence indispensable pour procéder à un nouveau classement ; que, dans ces conditions, et comme l'ont estimé les premiers juges, la commission a méconnu le principe d'égalité de traitement à l'égard des exploitations nouvellement candidates à cette mention ; que, s'il est soutenu que le classement dont s'agit s'analyserait non en un concours mais en un examen, la commission de classement était, en tout état de cause, tenue de respecter le principe d'égalité de traitement entre les candidats ; que la circonstance tirée de ce que les dégustations en vue des classements antérieurs auraient été réalisées selon les mêmes modalités, qui n'est au demeurant pas établie, est sans incidence ;

Considérant que ce classement, dont le nombre maximal de bénéficiaires, sans distinction entre les deux mentions, est expressément fixé à 90 par l'article 1er du règlement, lequel en fixant cette limite n'a pas méconnu les dispositions de l'article 7 du décret du 11 janvier 1984, a été établi, après avis du syndicat viticole de Saint-Emilion et sur proposition du Comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine, en fonction des mérites de l'ensemble des exploitations candidates, et a été homologué par l'arrêté du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 12 décembre 2006 ; qu'eu égard au caractère primordial dans le choix des crus admis au classement qu'ont revêtu les dégustations des vins des exploitations candidates, l'irrégularité susdécrite dans le déroulement desdites dégustations a été de nature à exercer une influence sur l'ensemble des opérations de classement, nonobstant la circonstance que le nombre maximal autorisé par le règlement du classement d'exploitations pouvant bénéficier des mentions convoitées n'a pas été atteint ; que, dès lors, et comme l'a jugé le tribunal, l'arrêté du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion Grand Cru devait être annulé dans son ensemble, ainsi que le demandaient les requérants de première instance et comme ils étaient recevables à le faire ;

Sur les conséquences de l'illégalité de l'arrêté du 12 décembre 2006 :

Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte, antérieurs à son annulation, devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;

Considérant que si l'arrêté du 12 décembre 2006 homologuant le classement des grands crus de Saint-Emilion a, jusqu'à son annulation par le jugement du 1er juillet 2008 du Tribunal administratif de Bordeaux, permis, tant aux exploitations dont les crus étaient auparavant classés qu'à celles dont les crus ont été nouvellement admis au classement, de commercialiser leurs vins, à compter de la récolte 2006, en se prévalant de ce classement, voire, pour certaines d'entre elles, en faisant apparaître la mention premier grand cru classé , l'article 106 de la loi susvisée du 4 août 2008 a prolongé les effets du classement homologué en 1996 jusqu'à l'intervention d'un nouveau classement ou, au plus tard, jusqu'à la récolte 2009 ; que, par suite, l'annulation de l'arrêté précité n'a emporté de conséquences qu'à l'égard des exploitations dont les crus n'étaient pas précédemment classés ou l'étaient sans bénéficier de la mention premier grand cru classé ; que, de plus, il résulte des dispositions combinées de l'article 106 de la loi du 4 août 2008 et de l'article 7 du décret du 11 janvier 1984 qu'un nouveau classement portant sur les récoltes 2006 à 2015 devra être effectué ; que, dès lors, et eu égard également à la nature du motif d'annulation de l'arrêté concerné, il n'y a pas lieu de déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, par conséquent, de prévoir, comme le demandent les sociétés appelantes dans l'instance n° 08BX03180, que l'annulation dudit arrêté ne prendra effet qu'à une date ultérieure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées aux requêtes de la société CHATEAU MONDOT et aux recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, que la société CHATEAU MONDOT, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, la société CHATEAU BELLEFONT BELCIER, la société DAURIAC, la société FLEUR CARDINALE, la société ALAIN GIRAUD, la société VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, la société CHATEAU MONBOUSQUET et la société du CHATEAU PAVIE MACQUIN ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 1er juillet 2008, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 ; que, de même, la société CHATEAU MONDOT, la société CHATEAU BELLEFONT BELCIER, la société DAURIAC, la société FLEUR CARDINALE, la société ALAIN GIRAUD, la société VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, la société CHATEAU MONBOUSQUET et la société du CHATEAU PAVIE MACQUIN ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 28 octobre 2008, ladite juridiction a rejeté leur tierce opposition au jugement précité du 1er juillet 2008 ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution des jugements attaqués :

Considérant que le rejet des conclusions tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 1er juillet 2008 rend sans objet les conclusions du recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et celles de la requête de la société CHATEAU MONDOT tendant à obtenir le sursis à exécution dudit jugement ; que, de même, le rejet des conclusions tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 28 octobre 2008 rend sans objet les conclusions de la requête de la société CHATEAU BELLEFONT BELCIER, de la société DAURIAC, de la société FLEUR CARDINALE, de la société ALAIN GIRAUD, de la société VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, de la société CHATEAU MONBOUSQUET et de la société du CHATEAU PAVIE MACQUIN tendant à obtenir le sursis à exécution dudit jugement ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur lesdites conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société du Château Guadet Saint Julien, la société Château La Marzelle, la société Château Cadet Bon, la société des Vignobles Robert Giraud, la société André Giraud, le groupement foncier agricole Giraud Bellivier, le groupement foncier agricole Geoffrion, la société civile d'exploitation des Vignobles Aberlen, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, versent à la société CHATEAU MONDOT la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, de l'Institut national de l'origine et de la qualité et de la société CHATEAU MONDOT le paiement, par chacun, d'une somme de 700 € à la société André Giraud, au groupement foncier agricole Giraud Bellivier et au groupement foncier agricole Geoffrion pris solidairement, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CHATEAU MONDOT le paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par la société des Vignobles Aberlen et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions du Conseil des vins de Saint-Emilion et des sociétés CHATEAU MONDOT, CHATEAU BELLEFONT BELCIER, DAURIAC, FLEUR CARDINALE, ALAIN GIRAUD, VIGNOBLES CONSORTS D'ESPAGNE, CHATEAU MONBOUSQUET et du CHATEAU PAVIE MACQUIN sont admises.

Article 2 : Les requêtes n° 08BX02017 et n° 08BX03257, les conclusions de la requête n° 08BX03180 tendant à l'annulation totale ou partielle des jugements du Tribunal administratif de Bordeaux du 1er juillet 2008 et du 28 octobre 2008 et le recours n° 08BX02172 sont rejetés.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 08BX02018, les conclusions de la requête n° 08BX03180 tendant au sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 28 octobre 2008 et le recours n° 08BX02173.

Article 4 : L'Etat, l'Institut national de l'origine et de la qualité et la société CHATEAU MONDOT verseront, chacun, à la société André Giraud, au groupement foncier agricole Giraud Bellivier et au groupement foncier agricole Geoffrion pris solidairement, une somme de 700 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La société CHATEAU MONDOT versera à la société des Vignobles Aberlen une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 08BX02017, 08BX02018, 08BX02172, 08BX02173, 08BX03180 et 08BX03257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 08BX02017
Date de la décision : 12/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - CLASSEMENT DES GRANDS CRUS DE L'APPELLATION « SAINT-EMILION GRAND CRU » - RUPTURE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES CANDIDATS AU CLASSEMENT LORS DE LA DÉGUSTATION DES VINS - EXISTENCE - CONSÉQUENCE : ANNULATION TOTALE DE L'ARRÊTÉ INTERMINISTÉRIEL DU 12 DÉCEMBRE 2006 HOMOLOGUANT LE CLASSEMENT ÉTABLI AU TITRE DES ANNÉES 2006 À 2015.

01-04-03 En dégustant d'abord les crus des exploitations ayant bénéficié de la mention « Grand cru classé » par application de l'arrêté du 8 novembre 1996, homologuant le classement précédent, pour déterminer un niveau de référence, sans les déguster ensuite à nouveau en même temps et dans les mêmes conditions, notamment d'anonymat, que les crus des autres candidats, la commission de classement a nécessairement apprécié les crus qui n'étaient pas antérieurement classés par référence aux crus qui bénéficiaient auparavant du classement ; si tout exercice gustatif conduit nécessairement à une appréciation comparative, il ne ressort pas des pièces du dossier que seule la dégustation, dans un premier temps, des grands crus classés en 1996 permettait de constituer un « niveau de référence » indispensable pour procéder à un nouveau classement ; dans ces conditions, la commission a méconnu le principe d'égalité de traitement à l'égard des exploitations nouvellement candidates à cette mention ; eu égard au caractère primordial dans le choix des crus admis au classement qu'ont revêtu les dégustations des vins des exploitations candidates, l'irrégularité, susdécrite, dans le déroulement desdites dégustation est susceptible d'avoir eu une influence sur l'intégralité des opérations de classement, nonobstant la circonstance que le nombre maximal autorisé par le règlement du classement d'exploitations pouvant bénéficier des mentions convoitées n'a pas été atteint ; dès lors, l'arrêté du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée « Saint-Emilion grand cru » devait être annulé dans son ensemble.

AGRICULTURE - CHASSE ET PÊCHE - PRODUITS AGRICOLES - VINS - CONTENTIEUX DES APPELLATIONS - CLASSEMENT DES GRANDS CRUS DE L'APPELLATION « SAINT-EMILION GRAND CRU » - RUPTURE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES CANDIDATS AU CLASSEMENT LORS DE LA DÉGUSTATION DES VINS - EXISTENCE - CONSÉQUENCE : ANNULATION TOTALE DE L'ARRÊTÉ INTERMINISTÉRIEL DU 12 DÉCEMBRE 2006 HOMOLOGUANT LE CLASSEMENT ÉTABLI AU TITRE DES ANNÉES 2006 À 2015.

03-05-06-02 En dégustant d'abord les crus des exploitations ayant bénéficié de la mention « Grand cru classé » par application de l'arrêté du 8 novembre 1996, homologuant le classement précédent, pour déterminer un niveau de référence, sans les déguster ensuite à nouveau en même temps et dans les mêmes conditions, notamment d'anonymat, que les crus des autres candidats, la commission de classement a nécessairement apprécié les crus qui n'étaient pas antérieurement classés par référence aux crus qui bénéficiaient auparavant du classement ; si tout exercice gustatif conduit nécessairement à une appréciation comparative, il ne ressort pas des pièces du dossier que seule la dégustation, dans un premier temps, des grands crus classés en 1996 permettait de constituer un « niveau de référence » indispensable pour procéder à un nouveau classement ; dans ces conditions, la commission a méconnu le principe d'égalité de traitement à l'égard des exploitations nouvellement candidates à cette mention ; eu égard au caractère primordial dans le choix des crus admis au classement qu'ont revêtu les dégustations des vins des exploitations candidates, l'irrégularité, susdécrite, dans le déroulement desdites dégustation est susceptible d'avoir eu une influence sur l'intégralité des opérations de classement, nonobstant la circonstance que le nombre maximal autorisé par le règlement du classement d'exploitations pouvant bénéficier des mentions convoitées n'a pas été atteint ; dès lors, l'arrêté du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée « Saint-Emilion grand cru » devait être annulé dans son ensemble.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : SCP WAQUET-FARGE-HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-03-12;08bx02017 ?
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