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29/10/2009 | FRANCE | N°08BX01861

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 octobre 2009, 08BX01861


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 juillet 2008 sous le n° 08BX01861, présentée pour Mme France X demeurant ..., par Maître Novion, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602717 en date du 14 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 180.000 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à

lui verser la somme totale de 189.680,04 euros ;

3°) de condamner l'Etablissement fr...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 juillet 2008 sous le n° 08BX01861, présentée pour Mme France X demeurant ..., par Maître Novion, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602717 en date du 14 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 180.000 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme totale de 189.680,04 euros ;

3°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2009,

- le rapport de M. Lafon, conseiller ;

- les observations de Me Noel, avocat de Mme X et de Me Michaud, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que Mme X a appris en 2003 sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'elle a imputé cette contamination à des transfusions sanguines qu'elle aurait reçues lors d'un accouchement en décembre 1985 ; qu'elle interjette appel du jugement en date du 14 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer les conséquences de la contamination ;

Sur la responsabilité de l'Etablissement français du sang :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ; que cette présomption légale s'applique à la relation de cause à effet entre une transfusion sanguine et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il affirme avoir subie conformément aux règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du compte-rendu de l'accouchement du 31 décembre 1985, ainsi que du rapport de l'expertise ordonnée le 20 décembre 2004 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bordeaux, que Mme X a reçu deux plasmas frais et trois concentrés globulaires dans un contexte de complication hémorragique résultant d'une anomalie d'accolement du placenta ; que, par suite, cette dernière apporte la preuve qu'elle a subi des transfusions sanguines à l'occasion de l'accouchement réalisé en décembre 1985 ;

Considérant que le diagnostic d'hépatite C a été établi chez Mme X en décembre 2003 et confirmé en mars 2004 ; que l'intéressée ne présentait aucun comportement l'exposant à un risque de contamination ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait fait l'objet d'autres transfusions sanguines que celles reçues en décembre 1985, ni qu'elle ait été exposée à un autre mode de contamination par le virus de l'hépatite C ; que l'expert estime probable la contamination en décembre 1985 au cours de l'accouchement litigieux ; qu'ainsi, Mme X apporte un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse d'une contamination par les transfusions qu'elle a subies à l'occasion de cet accouchement, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si une enquête post-transfusionnelle a été réalisée, elle n'a porté que sur les quatre concentrés globulaires établis au nom de Mme X et seul un donneur, qui ne présente pas d'anticorps anti-HCV, a été revu ; que, dans ces conditions, l'Etablissement français du sang n'apporte pas la preuve de l'innocuité des produits sanguins transfusés à Mme X ; qu'à ce titre, l'Etablissement français du sang ne saurait se borner, sans produire d'éléments tangibles à l'appui de ses allégations, à faire état de la simple éventualité d'une contamination d'origine nosocomiale susceptible d'être survenue lors de l'hospitalisation de 1985 ou lors de deux interventions chirurgicales réalisées en 1991 et 1993 ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre les transfusions et la contamination de Mme X doit être regardé comme établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes indemnitaires ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la contamination de Mme X est à l'origine d'actes de biologie et d'une hospitalisation en mars 2004 pour la réalisation d'une biopsie hépatique dont les frais s'élèvent à la somme de 1.011,24 euros qui a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ; que la contamination implique également l'accomplissement d'actes réguliers de surveillance médicale, tels que des consultations, une échographie et un examen biologique annuels, qui devront être remboursés par l'Etablissement français du sang à concurrence des sommes effectivement versées par la caisse dans la limite d'un capital de 1.071,65 euros ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde justifie avoir versé à Mme X pour la période d'incapacité du 17 décembre 2003 au 8 octobre 2004 des indemnités journalières imputables à la contamination de cette dernière pour une somme totale de 3.974,21 euros ; que si Mme X, qui soutient que l'hépatite C dont elle souffre l'a contrainte à limiter à 80 % son activité professionnelle, demande l'indemnisation des pertes de revenus à compter de 2005 et jusqu'à la date de son départ à la retraite, l'expert indique à la fois qu'elle a pris un poste à temps plein à compter du 9 octobre 2004 et qu'un traitement antiviral permettrait d'obtenir une guérison avec une probabilité de 50 % ; que, dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas de considérer le préjudice invoqué par Mme X comme établi ; qu'en outre, la perte de points retraite invoquée n'est en tout état de cause assortie d'aucune précision permettant d'évaluer la réalité et l'étendue d'un préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'accorder à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde une somme de 6.057,10 euros au titre du préjudice patrimonial ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant que l'hépatite C dont souffre Mme X a entraîné une incapacité temporaire totale d'un mois et quatre jours, deux périodes d'incapacité temporaire partielle à hauteur de 20 % d'une durée totale de quatre mois et demi et une période d'incapacité temporaire partielle à hauteur de 50 % pendant environ quatre mois ; que cette contamination est également à l'origine d'une incapacité permanente partielle évaluée par l'expert à 15 % ; que Mme X n'est pas guérie de son hépatite C ; qu'une guérison reste possible à la suite d'un traitement antiviral difficile dont les chances de succès sont estimées à 50 % ; que la contamination oblige l'intéressée à un suivi médical régulier et la fait vivre dans la crainte d'une évolution subite et grave de son état de santé depuis 2003, date à laquelle elle a su qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures dans les conditions d'existence résultant tant du préjudice moral que des incapacités temporaires totale et partielle que de l'incapacité permanente, y compris le préjudice d'agrément incluant la privation d'activités physiques, en les évaluant à 25.000 euros ;

Considérant que l'expert a estimé les souffrances endurées par Mme X à 1 sur une échelle de 1 à 7 au titre de la biopsie hépatique réalisée en mars 2004 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant des souffrances physiques endurées par Mme X en l'évaluant à 1.000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'accorder à Mme X une somme de 26.000 euros au titre du préjudice personnel ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etablissement français du sang doit être condamné à verser à Mme X une somme de 26.000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde une somme de 4.985,45 euros ; qu'il remboursera à cette dernière au fur et à mesure de ses débours et dans la limite de 1.071,65 euros les frais médicaux futurs ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant d'une part, que Mme X n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que d'autre part, l'avocat de Mme X n'a pas demandé la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée de son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de Mme X tendant à la condamnation de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde présentées sur ce même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 14 mai 2008 du Tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'Etablissement français du sang est condamné à verser à Mme Marie-France X la somme de 26.000 euros.

Article 3 : L'Etablissement français du sang est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 4.985,45 euros. Il remboursera à la caisse au fur et à mesure de ses débours et dans la limite de la somme totale de 1.071,65 euros les sommes relatives aux frais médicaux futurs de Mme Marie-France X.

Article 4 : Les conclusions de Mme Marie-France X et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 08BX01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08BX01861
Date de la décision : 29/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : NOVION

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-10-29;08bx01861 ?
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