La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2009 | FRANCE | N°08BX02282

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 03 novembre 2009, 08BX02282


Vu, I, sous le n° 08BX02282, la requête enregistrée au greffe de la Cour sous forme de télécopie le 2 septembre 2008, confirmée le 4 septembre 2008, présentée pour la SOCIETE GROUPE VINET SA, dont le siège social est situé 5 avenue de la Loge, BP 1304 à Migné-Auxances (86060) par Me Loubeyre, avocat ;

La SOCIETE GROUPE VINET SA demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0800625 du 18 août 2008, par laquelle le président du Tribunal administratif de Limoges statuant en référé a rejeté sa demande tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée relative à

la réception des travaux du lot carrelage-faïence qu'elle a réalisés pour la réhabi...

Vu, I, sous le n° 08BX02282, la requête enregistrée au greffe de la Cour sous forme de télécopie le 2 septembre 2008, confirmée le 4 septembre 2008, présentée pour la SOCIETE GROUPE VINET SA, dont le siège social est situé 5 avenue de la Loge, BP 1304 à Migné-Auxances (86060) par Me Loubeyre, avocat ;

La SOCIETE GROUPE VINET SA demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0800625 du 18 août 2008, par laquelle le président du Tribunal administratif de Limoges statuant en référé a rejeté sa demande tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée relative à la réception des travaux du lot carrelage-faïence qu'elle a réalisés pour la réhabilitation du centre aquatique de la commune de Bellac, au règlement de son marché, aux pénalités de retard qui lui ont été infligées ainsi qu'au paiement de travaux supplémentaires ;

2°) de désigner un expert qui aurait pour mission de dire si les conditions d'exécution du chantier ont été respectées par les différents intervenants, de déterminer les causes des retards constatés, de donner tous éléments sur les préjudices subis par la requérante du fait des retards dans le déroulement du chantier et de façon générale, tous éléments d'information permettant à la cour de donner une solution au litige ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu, II, sous le n° 08BX02582, la requête enregistrée au greffe de la Cour sous forme de télécopie le 17 octobre 2008, confirmée le 20 octobre 2008, présentée pour la SOCIETE GROUPE VINET SA, dont le siège social est situé 5 avenue de la Loge, BP 1304 à Migné-Auxances (86060) par Me Loubeyre, avocat ;

La SOCIETE GROUPE VINET SA demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 18 août 2008 par laquelle le président du Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande n° 0801023, tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de Bellac à lui rembourser les pénalités de retard qui lui ont été infligées, d'autre part, à la condamnation solidaire de cette commune et de la maîtrise d'oeuvre à l'indemniser pour les travaux supplémentaires effectués, au titre de l'augmentation du coût du chantier et de dommages et intérêts ;

2°) de condamner la commune de Bellac à lui payer la somme de 313 968,24 € au titre des pénalités de retard indûment retenues, augmentée des intérêts moratoires ;

3°) de condamner solidairement la Commune de Bellac, la SCP d'architecture Bernard et Trufier et la SARL Michel Duboc à lui verser les sommes de 7 000 € au titre des travaux supplémentaires, 35 515 € HT au titre de l'augmentation du coût du chantier, augmentées des intérêts moratoires, ainsi que 10 000 € à titre de dommages et intérêts;

4°) de condamner solidairement la Commune de Bellac, la SCP d'architecture Bernard et Trufier et la SARL Michel Duboc à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L 761-1 de code de justice administrative ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009,

le rapport de M. Valeins, président assesseur ;

les observations de Me Rainaud pour la SOCIETE GROUPE VINET SA, Me Lemasson pour la commune de Bellac, Me Dasse pour la SCP d'architecture Bernard et Truffier et Me Hounieu pour la SARL Duboc ;

les conclusions de Mme Fabien, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que la commune de Bellac, pour réhabiliter son centre aquatique, a signé avec la SOCIETE GROUPE VINET SA un marché public de travaux pour le lot carrelage-faïence ; que l'exécution des travaux de ce lot ayant connu des retards importants, le maître d'oeuvre, la SCP d'architecture Bernard-Trufier, a décidé de retenir sur les acomptes versés à la société des pénalités de retard d'un montant de 313 968,24 € ; que la SOCIETE GROUPE VINET SA n'a pas accepté cette sanction et a en outre estimé que la commune de Bellac, la SCP d'architecture Bernard-Trufier et la SARL Cabinet Michel Duboc, chargée de l'ordonnancement et du pilotage du chantier, devaient lui verser 7 000 € au titre de travaux supplémentaires, 35 515 € au titre de l'augmentation du coût du chantier et 10 000 € à titre de dommages et intérêts ; que la SOCIETE GROUPE VINET SA, d'une part, a demandé au Tribunal administratif de Limoges de la décharger des pénalités de retard et de condamner la commune de Bellac ainsi que la maîtrise d'oeuvre à lui verser les sommes précitées, d'autre part, a sollicité du juge des référés une expertise relative à la réception des travaux et au règlement du marché ; que, par deux ordonnances en date du 18 août 2008, le président du tribunal administratif a rejeté ces demandes, la première pour le motif qu'elle était manifestement irrecevable, la deuxième car elle n'avait plus d'utilité ; que, par la requête n° 08BX02282, la SOCIETE GROUPE VINET SA fait appel de l'ordonnance du juge des référés et que par la requête n° 08BX02582 elle demande l'annulation de l'ordonnance du président du tribunal administratif rejetant sa demande au fond comme manifestement irrecevable ; que ces requêtes sont relatives à l'exécution d'un même marché ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 08BX02582 :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que la société requérante soutient que l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Limoges serait entachée d'irrégularité dès lors que celui-ci a soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public et en demande l'annulation pour ce motif ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif a jugé que le litige qui lui était soumis devait être regardé comme un différend survenu directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur et que la société, avant de saisir la juridiction, n'ayant pas mis en oeuvre les stipulations des articles 50.22, 50.31 et 50.32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, relatives à ce type de litige, la demande présentée par la SOCIETE GROUPE VINET SA était manifestement irrecevable ; que, toutefois, une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de stipulations du cahier des clauses administratives générales précité n'est pas d'ordre public dès lors que ces dispositions sont contractuelles et n'ont pas de caractère réglementaire ; que ladite fin de non- recevoir n'était pas invoquée par les défendeurs ; que, dans ces conditions, le président du tribunal administratif n'était pas en droit de relever d'office le moyen en question ; que l'ordonnance attaquée étant ainsi entachée d'irrégularité, doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE GROUPE VINET SA devant le Tribunal administratif de Limoges ;

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande serait devenue sans objet :

Considérant que la SARL Michel Duboc soutient que la demande de condamnation de la commune serait devenue sans objet dès lors que postérieurement à l'ordonnance attaquée et avant l'enregistrement de la requête, le décompte général du marché a été notifié à la société requérante ; que, toutefois, il n'est ni établi ni même allégué que le décompte général notifié à la société requérante lui donnerait satisfaction, ni a fortiori que les sommes réclamées lui auraient été versées en cours d'instance, ni que la SOCIETE GROUPE VINET SA aurait accepté un décompte général alors même qu'il ne lui aurait pas été donné entièrement satisfaction, lequel décompte général serait devenu définitif ; que la seule circonstance invoquée par la SARL Michel Duboc ne rend donc pas sans objet la demande de la SOCIETE GROUPE VINET SA ;

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée du non respect des stipulations de l'article 13.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux :

Considérant que les intimées soutiennent que le présent litige est un différend entre un entrepreneur, la SOCIETE GROUPE VINET SA et la personne responsable du marché et que la requérante n'ayant pas respecté les stipulations de l'article 13.4 du cahier des clauses administratives générales, relatives à ce type de litige, la demande d'indemnisation serait irrecevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 50.11 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations ; qu'aux termes de l'article 50.12 : Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur ; qu'aux termes de l'article 50.21 du même cahier des clauses administratives générales : Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raison de son refus ; qu'aux termes de l'article 50.22 : Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ; qu'enfin, aux termes de l'article 50.31 : Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE GROUPE VINET SA a adressé, le 19 décembre 2007, au maître d'oeuvre, la SCP d'architecture Bernard et Trufier, un ensemble de documents comprenant un mémoire par lequel elle mettait en cause la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre du fait de sa mauvaise direction du chantier, contestait le bien-fondé et demandait le remboursement des pénalités de retard qui lui avaient été infligées par la SCP d'architecture, demandait une somme de 7 000 € pour travaux supplémentaires qu'elle aurait réalisés pour pallier les malfaçons de l'entreprise chargée du gros-oeuvre, des intérêts moratoires sur les pénalités de retard, ainsi qu'une somme de 35 515 € HT correspondant aux frais de chantier qu'elle aurait supportés du fait de retards qui, selon elle, ne lui étaient pas imputables ; que, ce mémoire, qui faisait suite, notamment à une lettre, en date du 18 octobre 2007, adressée à la SARL Cabinet Michel Duboc, chargée du pilotage du chantier, par laquelle elle contestait les retards qui lui étaient imputés ainsi que les pénalités de retard, qui indique les sommes dont l'entreprise demande le paiement, qui expose les motifs de sa demande laquelle résulte de différends survenus lors de l'exécution des travaux entre la société requérante et la maîtrise d'oeuvre, peut être regardé comme constituant le mémoire de réclamation que l'entrepreneur doit adresser à la maîtrise d'oeuvre en vertu de l'article 50.11 précité du cahier des clauses administratives générales dans le cas de différend survenu entre ces deux parties ; que la circonstance que la page de présentation desdits documents citait les articles 13.33 et 13.44 du cahier des clauses administratives générales, relatifs au projet de décompte final et à l'acceptation du décompte général et qu'était joint au mémoire notamment un projet de décompte final, n'ôte pas au mémoire en question son caractère de mémoire de réclamation de l'article 50.11, dès lors qu'il a été adressé par l'entrepreneur au maître d'oeuvre avant même que ne soit notifiée à la société requérante la décision de réception des travaux, laquelle notification, en vertu de l'article 13.32, fait courir le délai d'établissement du projet de décompte final par l'entrepreneur ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction que la personne responsable du marché n'a pas, à la suite de l'envoi des documents précités, notifié par ordre de service le décompte général à la société, comme le prévoit l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales, mais a répondu, le 18 février 2008, par un rejet de la demande de la société requérante dans le délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation, conformément aux stipulations de l'article 50.12, regardant ainsi le litige comme un différend entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre ; qu'à la suite de cette réponse, la SOCIETE GROUPE VINET SA se plaçant explicitement dans le cadre d'un différend entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre, a dans les trois mois de la notification du rejet, par courrier en date du 17 avril 2008, adressé à la personne responsable du marché le mémoire complémentaire prévu à l'article 50.21, indiquant les motifs de son refus du rejet de sa demande ; qu'enfin, en vertu de l'article 50.31 du cahier des clauses administratives générales, la requérante n'acceptant pas la décision susvisée du maître d'ouvrage, a saisi le tribunal administratif du litige qui l'opposait au maître d'oeuvre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que s'agissant d'un litige entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre et la SOCIETE GROUPE VINET SA ayant respecté la procédure prévue pour un tel litige par les articles 50.11, 50.12, 50.21 et 50.31 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, la demande présentée par la requérante devant le tribunal administratif était recevable ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la demande de la société :

Considérant, en premier lieu, que pour demander la décharge des pénalités de retard qui lui ont été infligées par la SCP d'architecture Bernard et Trufier, la SOCIETE GROUPE VINET SA fait valoir que le maître d'oeuvre n'aurait pas été en droit de lui infliger lesdites pénalités en raison de retards pris par rapport aux délais d'exécution des différentes phases des travaux, d'une part, parce que le cahier des clauses administratives particulières du lot carrelage-faïence ne prévoyait pas de telles pénalités, d'autre part, parce que les retards ont été calculés à partir d'un planning qui n'avait pas de caractère contractuel et sur la base d'un calendrier unilatéralement décidé par la SARL Cabinet Michel Duboc pour chaque prestation du lot ;

Considérant qu'en vertu de l'article 2.1, h, du cahier des clauses administratives particulières, le planning global d'exécution des travaux fait partie des pièces particulières constitutives du marché ; que l'article 4.3 du même cahier des clauses administratives particulières stipule que : Des pénalités de retard seront appliquées, au taux de 1/200 du montant HT des travaux par jour calendaire de retard par rapport au délai d'exécution fixé au planning général du marché (...) ;

Considérant que la société requérante allègue sans être contredite qu'aucun planning global d'exécution des travaux signé du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage ne lui a été notifié et que seul un premier planning signé par l'économiste de la construction, daté du 7 décembre 2006, lui a été communiqué ; qu'il résulte de l'instruction que la requérante n'a pas accepté le deuxième planning établi par le même économiste, pour le motif que les supports que devait construire l'entreprise chargée du gros-oeuvre et sur lesquels elle devait travailler, ne seraient pas prêts à la date à laquelle le nouveau planning lui imposait de commencer ; que, dans ces conditions, aucun planning global d'exécution des travaux contractuel n'ayant été établi, le maître d'oeuvre n'était pas en droit d'infliger à la société requérante des pénalités de retard sur le fondement des stipulations des articles précités du cahier des clauses administratives particulières ; que la SOCIETE GROUPE VINET SA est fondée à demander la décharge desdites pénalités de retard d'un montant total de 313 968,24 €, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de ces pénalités ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE GROUPE VINET SA demande que les sommes qui ont été déduites de sa rémunération au titre des pénalités de retard lui soient remboursées augmentées des intérêts moratoires prévus au code des marchés publics ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 98 du code des marchés publics issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006, applicables en l'espèce : Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours (...). Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai (...) ; qu'aux termes des stipulations de l'article 11 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : Rémunération de l'entrepreneur/ 11.1. Règlement des comptes:/ Le règlement des comptes du marché se fait par des acomptes mensuels et un solde établis et réglés comme il est indiqué à l'article 13 (...) ; qu'aux termes des stipulations de l'article 11.7 du même cahier des clauses administratives générales : Intérêts moratoires:/ L'entrepreneur a droit à des intérêts moratoires, dans les conditions réglementaires:/ - en cas de retard dans les mandatements tels qu'ils sont prévus aux 231 et 431 de l'article 13 (...) ; qu'aux termes de l'article 13.231 du même cahier des clauses administratives générales : (...) Le mandatement de l'acompte intervient dans un délai fixé par le marché et courant à compter de la remise du projet de décompte par l'entrepreneur au maître d'oeuvre. Ce délai ne peut excéder quarante-cinq jours (...) ;

Considérant que les pénalités de retard en question ont été défalquées de trois acomptes mensuels ; qu'il s'agit tout d'abord de la somme de 131 589,63 €, qui constitue le montant des pénalités de retard pour la période du 5 juin au 31 juillet 2007 ; que cette somme a été retenue par le maître d'oeuvre sur le certificat de paiement n° 3 qui faisait suite à la situation n° 3 qui est un décompte établi par la société requérante à la date du 31 juillet 2007 ; que ce décompte a été reçu par le maître d'oeuvre le 2 août 2007 ; que la somme de 131 589,63 € aurait dû être versée au plus tard 45 jours après le 2 août 2007, soit au plus tard le 16 septembre 2007 ; que les intérêts moratoires sont donc dus sur cette somme à compter du 17 septembre 2007 ;

Considérant qu'une deuxième somme, d'un montant de 71 565,29 €, a été retenue par le maître d'oeuvre ; qu'elle constitue les pénalités pour des retards intervenus durant la période du 1er août au 31 août 2007 ; qu'elle a été retenue sur le certificat de paiement n° 4 qui faisait suite à la situation n°4 qui est le décompte établi par la société requérante au 31 août 2007 ; que ce décompte a été reçu par le maître d'oeuvre le 3 septembre 2007 ; que la somme de 71 565,29 € aurait dû être versée au plus tard 45 jours après le 3 septembre 2007, soit au plus tard le 18 octobre 2007 ; que les intérêts moratoires sont donc dus à la société requérante sur cette somme à compter du 19 octobre 2007 ;

Considérant qu'une troisième somme, d'un montant de 110 813,32 €, a été retenue ; qu'elle constitue les pénalités pour la période postérieure au 31 août 2007 ; qu'elle a été retenue sur le certificat de paiement n° 6 à la suite d'un troisième décompte; que, si l'instruction du dossier ne permet pas de déterminer à quelle date ce décompte avait été adressé au maître d'oeuvre, il est constant que le décompte final établi par la requérante a été reçu le 20 décembre 2007 ; que la somme de 110 813,32 € aurait dû être versée au plus tard le 3 février 2008 ; que les intérêts moratoires sont donc dus à la société requérante sur cette somme à compter du 4 février 2008 ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE GROUPE VINET SA demande la condamnation solidaire de la commune de Bellac, de la SCP d'architecture Bernard et Trufier et de la SARL Michel Duboc à lui verser la somme de 7 000 € HT au titre des travaux supplémentaires qu'elle aurait réalisés et qui consisteraient en la reprise des plages de la piscine autour du grand bassin et du bassin toboggan pour permettre la pose de carrelage ; que la société requérante fait valoir que cette reprise des supports de carrelage aurait été rendue nécessaire en raison des malfaçons dans les travaux effectués par l'entreprise de gros-oeuvre et qu'un ordre de service oral lui aurait été donné d'effectuer ces travaux ;

Considérant que la société requérante était titulaire d'un marché à prix forfaitaire qui n'interdit pas à l'entreprise de pouvoir se faire payer des travaux supplémentaires non prévus au marché, alors même qu'ils ne lui auraient pas été imposés par un ordre de service, à condition que lesdits travaux aient été indispensables pour l'exécution de l'ouvrage dans les règles de l'art ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que lesdits travaux aient été effectués ; que les conclusions aux fins d'indemnisation de la société requérante au titre de travaux supplémentaires doivent donc être rejetées ;

Considérant, en quatrième lieu, que la SOCIETE GROUPE VINET SA demande la condamnation solidaire de la commune de Bellac, de la SCP d'architecture Bernard et Trufier et de la SARL Michel Duboc à lui verser la somme de 35 515 € HT, au titre de l'augmentation du coût du chantier ; que la société requérante fait valoir que les retards dans le déroulement des travaux seraient imputables à l'entreprise chargée du gros-oeuvre, l'auraient contrainte à maintenir une équipe sur le chantier pendant une période beaucoup plus longue que la période prévue contractuellement et nécessaire pour réaliser les prestations qui lui incombaient et qu'enfin, il lui aurait été demandé de renforcer ses équipes présentes pour remédier aux retards imputables à l'entreprise de gros-oeuvre ;

Considérant qu'en l'absence de stipulations contractuelles mettant à la charge des entreprises la coordination des travaux, le maître d'ouvrage est responsable à l'égard de l'entreprise du préjudice que celle-ci a pu subir du fait d'un retard dans les travaux dont elle était chargée ; que le maître d'ouvrage est responsable de ce retard, alors même que celui-ci serait imputable à une autre entreprise ou à un bureau chargé de la direction des travaux ; qu'il résulte de l'instruction que les retards en question sont imputables à l'entreprise de gros-oeuvre qui n'exécutait pas son marché dans les règles de l'art, empêchant ainsi la société requérante de réaliser les travaux qui lui incombaient dans les délais fixés par la SARL Cabinet Michel Duboc, chargée du pilotage du chantier ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que lesdits retards seraient imputables à la SCP d'architecture Bernard et Trufier et à la SARL Cabinet Michel Duboc qui se sont attachées à faire reprendre par l'entreprise de gros-oeuvre les malfaçons signalées par la société requérante et à mener à bien le chantier dans les meilleurs délais ; que le montant de la somme demandée est justifié par un document détaillé produit par la requérante et qui n'est pas contesté ; que, dans ces conditions, la SOCIETE GROUPE VINET SA n'est fondée à demander que la condamnation de la commune de Bellac à lui verser la somme de 35 515 € HT, au titre de l'augmentation du coût du chantier ; que la commune de Bellac est condamnée à verser à la SOCIETE GROUPE VINET SA la somme de 35 515 € tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;

Considérant, en cinquième lieu, que la SOCIETE GROUPE VINET SA demande la condamnation solidaire de la commune de Bellac, de la SCP d'architecture Bernard et Trufier et de la SARL Cabinet Michel Duboc à lui verser des dommages et intérêts, à hauteur de la somme de 10 000 €, pour réparation du préjudice qui lui aurait été causé du fait de la réception tardive des travaux ; que, toutefois, la société ne donne aucune précision sur le préjudice que lui aurait causé un tel retard ; que ses conclusions indemnitaires à ce titre doivent être rejetées ;

En ce qui concerne l'appel incident présenté par la commune de Bellac :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la commune de Bellac présentées par la voie de l'appel incident, tendant à l'annulation de l'ordonnance pour le motif que celle-ci est entachée d'irrégularité, deviennent en tout état de cause sans objet ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Bellac une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par la SOCIETE GROUPE VINET SA et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SCP d'architecture Bernard et Trufier et de la SARL Cabinet Michel Duboc la somme que la SOCIETE GROUPE VINET SA demande au titre de ces dispositions ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE GROUPE VINET SA, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Bellac, la SCP d'architecture Bernard et Trufier et la SARL Cabinet Michel Duboc demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Sur la requête n° 08BX02282 :

Considérant que par la requête n° 08BX02282, la SOCIETE GROUPE VINET SA demande l'annulation de l'ordonnance, en date du 18 août 2008, par laquelle le président du Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à ce que le juge des référés prescrive une expertise relative à la réception des travaux du lot carrelage-faïence qu'elle avait réalisés, au règlement de son marché, aux pénalités de retard et au paiement de travaux supplémentaires ; que faisant appel de cette ordonnance, la SOCIETE GROUPE VINET SA ne demande plus d'expertise relative à la réception des travaux, mais la désignation d'un expert qui aurait pour mission de dire si les conditions d'exécution du chantier ont été respectées par les différents intervenants, de déterminer les causes des retards constatés, de donner tous éléments sur les préjudices subis par la requérante du fait des retards dans le déroulement du chantier et de façon générale tous éléments d'information permettant à la cour de donner une solution au litige ; que le présent arrêt statuant sur le fond du litige, la requête devient sans objet ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance en date du 18 août 2008 du président du Tribunal administratif de Limoges rejetant la demande n° 0801023 de la SOCIETE GROUPE VINET SA est annulée.

Article 2 : La commune de Bellac est condamnée à verser à la SOCIETE GROUPE VINET SA la somme de 131 589,63 € augmentée des intérêts moratoires à compter du 17 septembre 2007, la somme de 71 565,29 € augmentée des intérêts moratoires à compter du 19 octobre 2007, la somme de 110 813,32 € augmentée des intérêts moratoires à compter du 4 février 2008 ainsi que la somme de 35 515 € tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Bellac versera à la SOCIETE GROUPE VINET SA la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête n° 08BX02582 de la SOCIETE GROUPE VINET SA est rejeté.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel incident présenté par la commune de Bellac dans l'instance n° 08BX02582.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Bellac, de la SCP d'architecture Bernard et Trufier et de la SARL Cabinet Michel Duboc tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 08BX02282 de la SOCIETE GROUPE VINET SA.

''

''

''

''

9

08BX02282,08BX02582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX02282
Date de la décision : 03/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: Mme FABIEN
Avocat(s) : SCP MENEGAIRE-LOUBEYRE-FAUCONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-11-03;08bx02282 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award