La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2009 | FRANCE | N°09BX00070

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 05 novembre 2009, 09BX00070


Vu la requête, enregistrée sous le n° 04BX01556 au greffe de la Cour le 6 septembre 2004 sous forme de télécopie et en original le 13 septembre 2004, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE, par la SCP Pielberg-Butruille ; l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a déchargé le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Poitiers de l'obligation de payer la somme de 14 004 444,18 F mise à sa charge par le titre exécutoire émis le 4 j

uillet 2000 par l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE ;

2°) de reje...

Vu la requête, enregistrée sous le n° 04BX01556 au greffe de la Cour le 6 septembre 2004 sous forme de télécopie et en original le 13 septembre 2004, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE, par la SCP Pielberg-Butruille ; l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a déchargé le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Poitiers de l'obligation de payer la somme de 14 004 444,18 F mise à sa charge par le titre exécutoire émis le 4 juillet 2000 par l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE ;

2°) de rejeter la demande présentée par le CROUS de Poitiers devant le Tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de mettre à la charge du CROUS de Poitiers une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 93-203 du 5 février 1993 pris pour l'application de l'article 26 de la loi n° 91-862 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville et relatif à l'article 1466 A du code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2009 :

- le rapport de Mme Viard, président-assesseur,

- les observations de Me Kolenc, pour l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE,

- les observations de Me Loubeyre, pour le CROUS de Poitiers,

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;

Considérant que, par une convention du 19 mai 1993 modifiée par un avenant du 18 octobre 1994, l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE a loué au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Poitiers, pour une durée de 24 ans avec cession gratuite de l'immeuble en fin de bail, un immeuble sis dans le quartier Basseau d'Angoulême dans lequel il s'engageait à réaliser un programme de logements destinés aux étudiants ; qu'eu égard aux graves problèmes de sécurité qu'engendrait la localisation de l'immeuble pour les étudiants, le CROUS a résilié unilatéralement cette convention le 26 avril 2000 ; que l'Office a alors émis un titre de recette correspondant au préjudice qu'il estimait avoir subi, fixé par rapport aux charges restant à courir des emprunts contractés pour la réalisation et le réaménagement de cet immeuble ; qu'il fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande du CROUS, ce titre de perception ;

Sur l'intervention du département de la Charente :

Considérant que le département de la Charente, en sa qualité de garant de l'emprunt que l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE a contracté auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour la réhabilitation de l'immeuble, a intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur les conclusions de l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la convention de location, avec cession gratuite de l'immeuble en fin de bail, passée avec le CROUS de Poitiers, présentait pour l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE l'avantage de réhabiliter un ancien bâtiment de transit désaffecté, de redynamiser et de revaloriser par l'arrivée d'une nouvelle population un quartier socialement défavorisé dans lequel il possède un parc immobilier important et d'en transférer la charge au CROUS, une fois les emprunts contractés pour sa construction et son aménagement remboursés par les loyers versés pendant 24 ans ; que cette convention n'était ainsi pas sans contrepartie pour l'Office ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler le titre de perception en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que cette convention était dépourvue de cause juridique ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le CROUS de Poitiers devant le Tribunal administratif de Poitiers ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE à la demande de première instance :

Considérant que la notification du titre de perception en litige n'indiquait pas les voies et délais de recours ; que, par suite, en vertu de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, les délais de recours ne sont pas opposables ; qu'ainsi, la demande du CROUS devant le Tribunal administratif de Poitiers ne peut être regardée comme tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE ne peut, dès lors, être accueillie ;

En ce qui concerne la régularité du titre de perception en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-34 du code de la construction et de l'habitation, relatif aux organismes d'habitations à loyer modéré applicable en l'espèce : Le président du conseil d'administration procède à l'établissement des ordres de recettes, à l'engagement, à la liquidation et à l'ordonnancement des dépenses (...) , et qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article R. 421-62 du même code : Les vice-présidents assistent le président dans ses fonctions et le suppléent en cas d'absence ou d'empêchement ; qu'aux termes de l'article 23 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié, applicable aux établissements publics rattachés aux collectivités territoriales : (...) Les recettes sont prévues avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables (...) et qu'aux termes de l'article 81 du même décret : Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation (...) ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation que le vice-président délégué de l'Office était compétent pour émettre le titre de perception en litige, le 4 juillet 2000, au nom de l'Office ; qu'en sa qualité d'ordonnateur, il a pu déterminer la créance qu'il estimait due par le CROUS de Poitiers et la liquider, sans intervention du conseil d'administration, ni inscription au budget du montant du titre ; que ce titre, qui indiquait qu'il avait pour objet le paiement de l'indemnité due à la suite de la rupture du contrat concernant la résidence des Gentianes sise à Angoulême, et auquel étaient joints les échéanciers des prêts souscrits pour cet immeuble servant de base au montant réclamé, était suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 précité ; que les moyens tirés de ce que le titre de perception aurait été émis dans des conditions irrégulières doivent, dès lors, être écartés ;

En ce qui concerne le bien-fondé du titre de perception en litige :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la convention de location du 19 mai 1993 ne porte pas la signature du directeur du CROUS de Poitiers, d'une part, cette convention a été approuvée par le directeur du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), dont la mission consiste notamment à contrôler la gestion des CROUS, et a été transmise au contrôle de légalité, d'autre part, l'avenant à ladite convention, en date du 18 octobre 1994, qui en modifie l'article 3 et prévoit que les autres articles demeurent inchangés et s'appliquent sans restriction, a été signé par le directeur du CROUS de Poitiers et le directeur de l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE, tous deux régulièrement habilités par des délibérations de leurs conseils d'administrations respectifs en date des 15 septembre 1994 et du 6 janvier 1994 ; qu'en outre, les travaux de réhabilitation prévus par cette convention ont été réalisés, et que le CROUS a pris possession de l'immeuble et a réglé les loyers dans les conditions prévues par cette convention jusqu'à sa résiliation motivée par l'insécurité des lieux ; qu'il s'est ainsi comporté comme s'il considérait que la convention était entrée en vigueur ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que cette convention n'aurait pu faire naître d'obligations contractuelles à son égard doivent être écartés ;

Considérant, comme il a été dit ci-dessus, que le CROUS a pris possession des lieux ; que, par suite, la circonstance, à la supposer même établie, que la procédure prévue pour la mise à disposition de l'immeuble par l'article 2 de la convention n'aurait pas été respectée, n'est pas de nature à l'exonérer des obligations nées de cette convention ;

Considérant que l'article L. 511-5 du code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel ; qu'à supposer même que la convention de location dont s'agit puisse, en ce qu'elle prévoit la remise gratuite de l'immeuble en fin de bail, être regardée comme ayant le caractère d'une opération de crédit au sens de ces dispositions, il ne résulte pas de l'instruction que l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE effectue à titre habituel de telles opérations ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité d'une telle convention au regard de ces dispositions doit être écarté ;

Considérant que, dès lors que la convention ne prévoit le transfert de propriété entre l'Office et le CROUS de Poitiers qu'en 2017, à l'expiration de la durée du bail, le moyen tiré de l'absence de déclassement de l'immeuble est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de ladite convention ;

Considérant que pour refuser d'indemniser l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE, le CROUS de Poitiers soutient que la résiliation du bail est motivée par un cas de force majeure résultant des conditions d'insécurité dans le quartier qui étaient imprévisibles lors de la signature du contrat, extérieures à la volonté des parties et devenues incompatibles avec le logement d'étudiants ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que lors de la signature du bail, en juillet 1993, le quartier Basseau , dans lequel se trouve l'immeuble dont s'agit, était déjà confronté à des problèmes de délinquance ; que lors de la réunion du 25 juin 1991, qui s'est tenue au Conseil Général de la Charente, relative à l'hébergement des étudiants dans le département, à laquelle assistait le directeur du CROUS de Poitiers, et au cours de laquelle a été envisagée la réalisation de logements pour étudiants dans cet immeuble, le représentant de l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE a décrit le quartier Basseau comme étant notamment à développer socialement ; qu'en outre, par décret du 5 février 1993, soit antérieurement à la signature de la convention, ce quartier a été classé parmi les quartiers d'habitat dégradé ; que, dans ces conditions, le CROUS de Poitiers ne peut sérieusement soutenir qu'il ignorait cette situation d'insécurité, laquelle, en dépit des efforts de réhabilitation entrepris, a persisté et a dissuadé les étudiants de venir s'installer dans cet immeuble ; que, par suite, les faits de violence, d'agression, de dégradation et de cambriolages qui se sont produits, n'étaient pas imprévisibles et ne sont, dès lors, pas constitutifs d'un cas de force majeure justifiant l'inexécution des obligations contractuelles du CROUS ;

Considérant, toutefois, qu'eu égard au climat de violence et d'insécurité qui régnait dans le quartier où était implanté l'immeuble en litige et au fait que les étudiants étaient devenus la cible des délinquants, le directeur du CROUS de Poitiers a, par une lettre du 26 avril 2000, informé l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE qu'il remettait l'immeuble à sa disposition à compter du 30 avril 2000 ; que le CROUS de Poitiers a entendu ainsi mettre fin avant terme à la convention qui le liait à l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE, comme le lui permettent les règles générales applicables aux contrats administratifs, même, en l'absence de clause dans le contrat le prévoyant expressément ; qu'une telle résiliation, qui peut intervenir sans mise en demeure à défaut de clause la prévoyant, ouvre droit à indemnisation, nonobstant la circonstance que la convention ne le stipulait pas ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'Office aurait commis une faute dans l'exécution de ses obligations nées de cette convention de nature à le priver de ce droit ;

Considérant qu'en l'absence de clause dans le bail en litige prévoyant les conditions financières d'une résiliation anticipée, la réparation à laquelle a droit l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE doit être déterminée en fonction du préjudice financier que lui a directement causé la décision du CROUS de Poitiers du 26 avril 2000 remettant l'immeuble à sa disposition ; que le montant du titre de perception émis par celui-ci à l'encontre du CROUS de Poitiers pour la réparation de son préjudice correspond aux charges de remboursement de tous les emprunts contractés par l'Office concernant cet immeuble ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que seul un emprunt de 12 894 600 F a été contracté pour la réhabilitation de l'immeuble et son aménagement en logements étudiants ; que, par suite, les charges relatives aux autres emprunts contractés pour cet immeuble, antérieurement à la convention conclue entre l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE et le CROUS de Poitiers, ne peuvent être considérées comme constituant un préjudice directement lié à la résiliation de cette convention ; que, dès lors, le titre de perception en litige n'est fondé qu'à hauteur du montant des charges de remboursement restant à courir, à la date de résiliation de la convention, sur l'emprunt de 12 894 600 F susmentionné, soit la somme de 1 965 769 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE est seulement fondé à soutenir, dans la mesure de ce qui vient d'être dit, que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a déchargé le CROUS de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par le titre de perception en litige ;

Sur l'appel incident du CROUS de Poitiers :

Considérant que la convention liant l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE au CROUS de Poitiers n'est ni dépourvue de cause juridique ni entachée de nullité ; que, par suite, le CROUS de Poitiers ne peut utilement faire valoir que les obligations lui incombant en vertu de cette convention, dont le paiement des loyers, seraient à l'origine d'un enrichissement sans cause pour l'Office ; qu'il n'établit pas plus que les travaux qu'il a effectués dans l'immeuble objet de la convention auraient le caractère de grosses réparations incombant au propriétaire en vertu de l'article 7 de la convention ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sa demande tendant à la condamnation de l'Office à lui payer la somme de 10 164 499,24 F, soit 1 549 568 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le CROUS de Poitiers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CROUS de Poitiers les frais dont l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE demande le remboursement en application des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention du département de la Charente est admise.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Poitiers du 16 juin 2004 est annulé.

Article 3 : Le titre exécutoire émis par l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE le 4 juillet 2000 est remis à la charge du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Poitiers à concurrence de la somme de 1 965 769 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'OFFICE PUBLIC D'HLM DE LA CHARENTE et des conclusions présentées par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Poitiers, y compris celles tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens, sont rejetées.

''

''

''

''

6

N° 09BX00070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX00070
Date de la décision : 05/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre VIARD
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : SCP MENEGAIRE LOUBEYRE FAUCONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-11-05;09bx00070 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award