La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2009 | FRANCE | N°09BX00338

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 01 décembre 2009, 09BX00338


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 4 février 2009 par télécopie, confirmée par la production originale le 9 février 2009, et le 23 mars 2009 par télécopie, confirmé par la production originale le 24 mars 2009, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS, dont le siège est 350 avenue Jacques Coeur BP 577 (86021) à Poitiers cedex, par Me Le Prado ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0600698 du 23 août 2007 par leque

l le Tribunal administratif de Poitiers l'a déclaré responsable des préjudices ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 4 février 2009 par télécopie, confirmée par la production originale le 9 février 2009, et le 23 mars 2009 par télécopie, confirmé par la production originale le 24 mars 2009, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS, dont le siège est 350 avenue Jacques Coeur BP 577 (86021) à Poitiers cedex, par Me Le Prado ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0600698 du 23 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers l'a déclaré responsable des préjudices subis par M. X à raison de l'infection nosocomiale qu'il a contractée lors de son hospitalisation au mois de mars 2002, et avant dire droit sur sa demande indemnitaire, a ordonné une expertise médicale complémentaire ;

2°) d'annuler le jugement n°0600698 du 4 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à verser à M. X une somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne une somme de 102 165, 27 euros en remboursement de ses débours et une somme de 941 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et a mis à sa charge les frais des expertises réalisées, à hauteur de 600 et de 500 euros ;

3°) de rejeter les demandes de M. X et de la CPAM de la Vienne présentées devant le tribunal administratif ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2009 :

le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;

les observations de Me Gagnere représentant la CPAM de la Vienne ;

les conclusions de Mme Fabien, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant qu'à la suite de l'intervention chirurgicale que M. André X a subie le 19 mars 2002 au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS pour la pose d'une prothèse du genou gauche, l'intéressé a été victime d'une infection qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales qui lui ont laissé de graves séquelles ; que par jugement en date du 23 août 2007, le Tribunal administratif de Poitiers a déclaré le centre hospitalier universitaire responsable des préjudices subis par M. X et par un jugement en date du 4 décembre 2008, le tribunal l'a condamné à verser à M. X une somme de 70 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne une somme de 102 165,27 euros en remboursement de ses débours ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS fait appel de ces deux jugements ; que M. X forme un appel incident à l'encontre du jugement du 4 décembre 2008 en demandant le relèvement de son indemnité à concurrence de la somme de 136 575 euros ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

Considérant que si le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS soutient que les jugements attaqués sont insuffisamment motivés, il n'assortit ce moyen d'aucune précision qui permettrait d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi le moyen tiré de l'irrégularité en la forme des jugements attaqués ne saurait être accueilli ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : (...) Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages provenant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (....) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des énonciations du second rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Poitiers que l'ensemble des préjudices supportés par M. X trouve sa cause directe et exclusive dans une infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale destinée à mettre en place une prothèse totale du genou gauche, réalisée le 19 mars 2002, dans les services du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS ; que, si l'établissement hospitalier conteste l'étendue de sa responsabilité en invoquant la détection, le 7 avril 2004, d'un nouveau germe, un staphylocoque epidermis methi-R, après l'ablation de la prothèse du genou réalisée dans une clinique de Châtellerault le 29 janvier 2004 et s'il soutient que les conséquences dommageables résultant de cette seconde contamination ne sauraient être mises à sa charge, il n'établit pas que la présence de cet autre germe serait liée à l'intervention chirurgicale effectuée le 29 janvier 2004 plutôt qu'à l'état infectieux déjà développé par la victime et aux interventions réalisées au sein de ses services ; que, dès lors, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 23 août 2007, le Tribunal administratif de Poitiers a estimé que sa responsabilité était engagée ;

Sur les droits à réparation de M. X et le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux évènements ayant occasionné des dommages et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée et, par suite, à la présente affaire : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1152 du Code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) ;

Considérant que le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de M. X :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne justifie que l'assurance maladie a supporté, au profit de M. X, des frais d'hospitalisation et des frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques, de transport et d'appareillage dont il est suffisamment établi par l'instruction qu'ils se rattachent à l'infection nosocomiale dont il s'agit pour un montant de 95 809,40 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie justifie au même titre devoir supporter pour son assuré la charge de frais futurs et certains d'un montant de 6 355,87 euros, soit un total de 102 165,27 euros; que c'est à bon droit que le tribunal lui a alloué cette somme ;

Quant aux pertes de revenus :

Considérant que M. X qui était retraité à la date de l'intervention litigieuse n'a pas subi de pertes de revenus et que son immobilisation n'a eu aucune incidence professionnelle ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il n'aurait pas été en mesure de bénéficier de la totalité de ses droits à pension ou que la longue période d'incapacité temporaire totale qu'il a supportée et l'incapacité partielle dont il reste atteint auraient été à l'origine d'autres préjudices de nature économique ; qu'ainsi que le tribunal l'a jugé, l'intéressé n'a droit à aucune réparation à ce titre ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations de l'expert que M. X a enduré d'importantes souffrances physiques liées à ses multiples opérations et soins ainsi qu'à la durée de sa consolidation, évaluées à 6/7 ; que ce chef de préjudice doit être réparé par l'octroi d'une indemnité de 18 000 euros ; que l'intéressé conserve un raccourcissement et des raideurs de la jambe gauche, de nombreuses cicatrices et l'obligation de porter une chaussure orthopédique lui causant un préjudice esthétique évalué à 3/7 et qui sera indemnisé par le versement d'une somme de 2 000 euros ; que le requérant a subi, du fait du phénomène infectieux, une incapacité temporaire totale de 42 mois et 19 jours et demeure atteint d'une incapacité permanente partielle évaluée par l'expert à 30 % ; qu'il éprouve une importante perte d'autonomie et une gêne dans ses activités familiales et de loisirs ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles portés dans les conditions d'existence de l'intéressé par les infirmités dont il reste affecté, en lui accordant une somme de 50 000 euros incluant son préjudice d'agrément; que dès lors, en les fixant à 70 000 euros dont il convient de déduire la provision déjà versée de 5 000 euros, les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices supportés par M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par M. X que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS n'est pas fondé à soutenir que, par le jugement attaqué du 4 décembre 2008, le tribunal administratif a fait une évaluation excessive du préjudice mis à sa charge en le condamnant à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne une somme de 102 165,27 euros et à M. X une somme de 70 000 euros; que M. X n'est pas fondé à demander l'augmentation des indemnités allouées en première instance ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne fondées sur l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. (...) ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 955 euros auquel elle est fixée, à la date de la présente décision, par l'arrêté interministériel du 11 décembre 2008 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité de 941 euros allouée à ce titre en première instance ;

Sur les intérêts :

Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne a droit aux intérêts de la somme de 102 165,27 euros à compter du 23 mars 2006, date d'enregistrement de sa demande au greffe du Tribunal administratif de Poitiers ;

Sur la charge des frais d'expertises :

Considérant que c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis les frais des expertises qu'il a ordonnées, taxés et liquidés à la somme de 1 100 euros à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS qui est la partie tenue aux dépens ;

Sur l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS, qui est la partie perdante, le paiement à M. X, d'une part, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne d'autre part, d'une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1 : La requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS est rejetée.

Article 2 : La somme de 102 165,27 euros que le centre hospitalier a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne portera intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2006.

Article 3 : L'indemnité forfaitaire que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à 955 euros.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 4 décembre 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POITIERS versera une somme de 1 500 euros respectivement à M. X et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X présentées devant la Cour est rejeté.

''

''

''

''

6

09BX00338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX00338
Date de la décision : 01/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: Mme FABIEN
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-12-01;09bx00338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award