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08/12/2009 | FRANCE | N°08BX00628

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 08 décembre 2009, 08BX00628


Vu, enregistrée sous le n° 08BX00628 au greffe de la cour, la décision en date du 13 février 2008 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a :

1°) annulé l'ordonnance du 6 septembre 2006 par laquelle le président alors en fonction de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. et Mme Joël X tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 9 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 20 août 2003 du préfet de la Haute-Vienne rejetant leur d

emande d'exclusion de leurs parcelles situées sur les communes d'Orado...

Vu, enregistrée sous le n° 08BX00628 au greffe de la cour, la décision en date du 13 février 2008 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a :

1°) annulé l'ordonnance du 6 septembre 2006 par laquelle le président alors en fonction de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. et Mme Joël X tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 9 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 20 août 2003 du préfet de la Haute-Vienne rejetant leur demande d'exclusion de leurs parcelles situées sur les communes d'Oradour Saint-Genest et de Darnac, du territoire des associations de chasse agréées de ces deux communes, d'autre part, à ce que soit ordonné le retrait de ces parcelles du territoire des associations de chasse agréées précitées ;

2°) renvoyé l'affaire devant ladite cour ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 avril 2006 présentée pour M. et Mme X demeurant à La Chaume, Darnac (87320) par Me Frugier, tendant aux fins susmentionnées et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2009 :

- le rapport de M. Pouzoulet, président assesseur,

- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme X demandent à la cour d'annuler le jugement du 9 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 20 août 2003 du préfet de la Haute-Vienne rejetant leur demande d'exclusion de leurs parcelles situées sur les communes d'Oradour Saint-Genest et de Darnac, du territoire des associations de chasse agréées de ces deux communes, d'autre part, à ce que soit ordonné le retrait de ces parcelles du territoires des associations de chasse agréées précitées ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-698 du 26 juillet 2000 relative à la chasse, une association communale de chasse agréée est constituée sur des terrains autres que ceux : (...) 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 ; (...) 5° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires (...) qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l'exercice de la chasse sur leurs biens (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) ; que l'article 11 de ladite convention, également invoqué par les requérants, stipule : Toute personne a droit (...) à la liberté d'association (...) L'exercice des droits ainsi prévus ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ; qu'aux termes, enfin, de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;

Considérant qu'il est constant que M. et Mme X sont propriétaires de parcelles qui sont d'une superficie inférieure au seuil fixé en application du 3° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement ; qu'ils ont demandé le retrait de leurs terrains du territoire soumis à l'action des ACCA, non pas en se fondant sur des convictions personnelles opposées à la chasse mais en invoquant l'incompatibilité de l'article L. 422-10 du code de l'environnement avec les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel de la convention ;

Considérant que si les dispositions précitées de l'article L. 422-10 du code de l'environnement permettent aux seuls propriétaires de terrains d'un seul tenant d'une superficie supérieure à un seuil déterminé localement par arrêté préfectoral, ainsi qu'aux détenteurs de droits de chasse sur de tels terrains, de soustraire ceux-ci à l'action d'une association de chasse agréée, lorsqu'il en est constitué, pour des motifs étrangers aux convictions d'ordre éthique, la privation des droits de chasse que doivent supporter, quant à eux, les propriétaires ou détenteurs de droits de chasse ne remplissant pas cette condition de superficie, compensée par la possibilité qui leur est offerte de pratiquer la chasse sur l'ensemble du territoire de l'association de chasse agréée, trouve sa justification dans l'intérêt général attaché à l'encadrement technique de la chasse et à la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique, ainsi que de la nécessité, pour satisfaire à ces exigences, d'éviter le morcellement des territoires de chasse ; que la différence de traitement entre les petits et les grands propriétaires qu'opère la loi est instituée dans l'intérêt des chasseurs propriétaires de petites parcelles, qui peuvent ainsi se regrouper pour pouvoir disposer d'un territoire de chasse plus grand ; qu'ainsi, cette différence de traitement est objective et raisonnable ; que, dès lors que les propriétaires de petites parcelles ont toujours la possibilité d'affecter leur terrain à un usage conforme à leur choix de conscience, le système ne méconnaît pas les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 14 de cette même convention ; qu'au surplus, et dès lors que les requérants ne se fondent pas sur des convictions personnelles opposées à toute forme de pratique de la chasse, ce système ne porte pas non plus une atteinte disproportionnée à la liberté d'association des requérants et ne méconnaît pas les stipulations combinées des articles 11 et 14 de la convention ; que, pour les mêmes raisons, M. et Mme X ne peuvent davantage invoquer directement ces mêmes stipulations à l'encontre de la décision contestée ;

Considérant en outre que si le dispositif ainsi mis en place par le législateur, complété par le décret n° 2002-705 du 30 avril 2002 sur les associations communales et intercommunales de chasse agréées, aujourd'hui inséré dans les dispositions réglementaires du code de l'environnement, n'est pas uniformément appliqué à l'ensemble des départements, la différence de traitement qui en résulte est justifiée, dans l'intérêt général, par les spécificités propres à chacun d'eux concernant l'état de leur patrimoine cynégétique et les structures de propriété qui y sont généralement constatées ;

Considérant enfin que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, les dispositions générales de l'article 544 du code civil, qui prévoient que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements , ne sont pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions particulières de l'article L. 422-10 du code de l'environnement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande d'annulation ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme X la somme demandée par les ACCA de Darnac et d'Oradour Saint-Genest au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des Associations communales de chasse agréées de Darnac et d'Oradour Saint-Genest tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 08BX00628


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : FRUGIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 08/12/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08BX00628
Numéro NOR : CETATEXT000021697227 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-12-08;08bx00628 ?
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