La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2009 | FRANCE | N°08BX02189

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 15 décembre 2009, 08BX02189


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 18 août 2008, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG dont le siège social est situé 20, avenue du Stade de France à La Plaine-Saint-Denis (93218), par Me Ravaut, avocat ;

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0402155 du 30 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à Mme Maryse X la somme de 14 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn les sommes de 56 769,17 euros, 941 euros, 24 275

,21 euros ainsi qu'à rembourser à cette caisse les arrérages de la pension d'...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 18 août 2008, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG dont le siège social est situé 20, avenue du Stade de France à La Plaine-Saint-Denis (93218), par Me Ravaut, avocat ;

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0402155 du 30 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à Mme Maryse X la somme de 14 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn les sommes de 56 769,17 euros, 941 euros, 24 275,21 euros ainsi qu'à rembourser à cette caisse les arrérages de la pension d'invalidité servie à Mme X dans la limite d'un capital représentatif de 9 559,38 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Bordeaux tendant à sa condamnation à l'indemniser du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des indemnisations allouées à Mme X et débouter la caisse primaire d'assurance maladie de sa demande au titre des indemnités journalières ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2009 ;

- le rapport de M. Valeins, président assesseur ;

- les observations de Me Ravaut représentant l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ;

- et les conclusions de Mme Fabien, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que par jugement en date du 30 avril 2008, le Tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à verser, d'une part, à Mme X, la somme totale de 14 000 euros en réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'une contamination par l'hépatite C lors d'une intervention chirurgicale, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, les sommes que celle-ci a déboursées au profit de Mme X ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG fait appel de ce jugement ; que Mme X et la caisse primaire d'assurance maladie font appel incident du même jugement ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant que, si l'expertise ordonnée par le président du Tribunal administratif de Bordeaux n'a pas été contradictoire à l'égard de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, il résulte toutefois de l'instruction que durant la procédure de première instance, dès lors que la responsabilité de celui-ci a été mise en cause par Mme X, le rapport d'expertise a été communiqué à l'établissement requérant qui a ainsi été en mesure de le discuter ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, tant en première instance qu'en appel, s'est borné à affirmer qu'existaient d'autres sources de contamination par le virus de l'hépatite C que les transfusions sanguines, alors que le rapport d'expertise, après avoir examiné les antécédents médicaux de Mme X et avoir explicitement écarté toutes les autres possibilités de contamination, a estimé que la contamination de Mme X n'avait pu se produire que par les transfusions sanguines qu'elle avait reçues lors de l'intervention chirurgicale du 11 février 1977 au centre hospitalier ; que les observations ainsi présentées par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert ; que, de plus, il ressort des termes du jugement contesté, que le tribunal administratif n'a pas fondé son jugement sur ce seul rapport d'expertise mais a également pris en compte les autres éléments produits par Mme X ainsi que l'enquête post-transfusionnelle réalisée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, relative aux produits sanguins transfusés à Mme X en 1977, enquête qui avait été demandée par l'expert lors de ses opérations d'expertise ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du caractère non contradictoire de l'expertise à l'égard de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG sera écarté ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a fait l'objet d'une intervention chirurgicale cardiaque le 11 février 1977 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux à l'occasion de laquelle elle a subi la transfusion de trois poches de 400 ml de sang et de 125 ml de plasma ; qu'en novembre 2001, une analyse du sang de Mme X a révélé qu'elle était atteinte de l'hépatite C ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme X aurait fait l'objet, postérieurement à l'intervention du 11 février 1977, d'autres transfusions sanguines ou injections, ni qu'elle ait été exposée à un autre mode de contamination de l'hépatite C ; qu'ainsi, Mme X apporte un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de sa contamination par les transfusions qu'elle a subies en 1977, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; qu'il ressort du rapport de l'enquête transfusionnelle réalisée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG que sur les trois poches de sang et le plasma transfusés à Mme X le donneur de sang d'une seule de ces poches a pu être contrôlé non porteur de l'hépatite C ; que, par cette enquête transfusionnelle, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'apporte donc pas la preuve de l'innocuité des produits sanguins transfusés à Mme X et fournis alors par l'Association d'Aquitaine pour le développement de la transfusion sanguine et des recherches hématologiques aux droits et obligations de laquelle vient en dernier lieu l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ; qu'il suit de là que la réalité des transfusions dont Mme X a fait l'objet le 11 février 1977 est établie et que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre les transfusions et sa contamination doit être également regardé comme établi ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à indemniser Mme X des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C du fait des transfusions qui lui ont été administrées au centre hospitalier universitaire de Bordeaux le 11 février 1977 ;

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, à la suite de la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C, a connu du fait du traitement contre le virus une période d'incapacité temporaire totale d'une durée de quatorze mois ; qu'en fixant à 10 000 euros l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence ainsi subis par Mme X et alors que son état n'était pas consolidé, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas fait une appréciation excessive de son préjudice ;

En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant que, par le jugement contesté, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn la somme de 4 624,76 euros correspondant aux indemnités journalières versées à Mme X au titre de la perte de revenus durant la période du 1er mars 2002 au 30 juin 2003 au cours de laquelle elle aurait reçu les soins relatifs à sa contamination ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que seule une période d'invalidité temporaire de trois mois sur la période du 4 mars au 31 août 2002 peut être imputée avec certitude à l'hépatite C ; qu'en conséquence, le montant de la somme allouée à la caisse primaire d'assurance maladie au titre des indemnités journalières doit être ramené à la somme de 900 euros ;

Considérant que, si l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG entend soutenir, relativement aux dépenses de santé futures, que le traitement dont bénéficiait Mme X aurait été interrompu et ne devrait pas être poursuivi jusqu'en novembre 2010, il ressort toutefois de l'instruction que Mme X suit actuellement et depuis 2006, un traitement par Interféron Pégyle à dose anti-fibrosante et qu'une nouvelle bithérapie sera mise en oeuvre sur une période de dix-huit mois à compter de janvier 2010 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est fondé à demander la réformation du jugement attaqué et qu'en conséquence, la somme de 56 769,17 euros que l'établissement a été condamné à verser au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie doit être ramenée à 53 044,41 euros ;

Sur l'appel incident présenté par Mme X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les produits sanguins transfusés à Mme X, lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 11 février 1977 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, ont été fournis par le centre de transfusion sanguine de Bordeaux qui était administré par une association dénommée Association d'Aquitaine pour le développement de la transfusion sanguine et des recherches hématologiques ; que cette association constituait une personne morale de droit privé juridiquement indépendante du centre hospitalier universitaire de Bordeaux ; que, par suite, le centre hospitalier universitaire de Bordeaux ne peut être tenu pour responsable des conséquences dommageables des transfusions ; que c'est donc à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de Mme X dirigées contre ledit centre hospitalier ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à lui verser les sommes de 10 000 euros au titre des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence et de 4 000 euros au titre des souffrances physiques endurées ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que le tribunal administratif aurait fait une appréciation insuffisante des préjudices subis par Mme X ni que l'état de santé de celle-ci se serait aggravé depuis la date du jugement ; que, par suite, l'appel incident présenté par Mme X doit être rejeté ;

Sur l'appel incident présenté par la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn :

Considérant que pour le même motif opposé à Mme X, la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie, au titre du déficit fonctionnel subi par Mme X du fait de sa contamination, a chiffré le montant des arrérages échus au 31 décembre 2008 de la pension d'invalidité servie à Mme X à la somme non contestée de 19 019,89 euros ; qu'en l'absence d'accord exprès de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG sur le versement d'un capital représentatif, la caisse est fondée à demander le remboursement au fur et à mesure de leur engagement des arrérages à échoir de cette pension dans la limite d'un capital représentatif de 6 494,58 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ainsi que la somme demandée de 300 euros par la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 56 769,17 euros que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn au titre des débours de celle-ci par le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 avril 2008 est ramenée à 53 044,41 euros.

Article 2 : Le surplus de la requête de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est rejeté.

Article 3 : L'appel incident présenté par Mme X est rejeté.

Article 4 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn les arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie à Mme X au fur et à mesure de leur engagement dans la limite d'un capital de 6 494,58 euros.

Article 5 : Le surplus de l'appel incident présenté par la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn est rejeté.

Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 avril 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 4.

Article 7 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG versera à Mme X une somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn une somme de 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

5

08BX02189


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: Mme FABIEN
Avocat(s) : SERARL MICHAUD-RAVAUT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 15/12/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08BX02189
Numéro NOR : CETATEXT000021697254 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-12-15;08bx02189 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award