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22/12/2009 | FRANCE | N°08BX03281

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 22 décembre 2009, 08BX03281


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 24 décembre 2008 et le mémoire enregistré le 23 mars 2009, présentés pour le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE, dont le siège est 17 quai de la Monnaie à Bordeaux (33080), par la SCP Rivel Combeaud ;

Le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des transports, de l'équipement, du

tourisme et de la mer sur sa demande du 7 janvier 2005 tendant au retrait du...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 24 décembre 2008 et le mémoire enregistré le 23 mars 2009, présentés pour le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE, dont le siège est 17 quai de la Monnaie à Bordeaux (33080), par la SCP Rivel Combeaud ;

Le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur sa demande du 7 janvier 2005 tendant au retrait du règlement intérieur de la société de lamanage du port de Bordeaux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code du travail maritime ;

Vu le code disciplinaire et pénal de la marine marchande ;

Vu le décret n° 2005-305 du 31 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2009 :

- le rapport de M. Bec, président-assesseur ;

- les observations de Me Combeaud, avocat du SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE ;

- et les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 novembre 2009, présentée par le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE ;

Considérant que, par une décision du 29 novembre 2004, le directeur régional des affaires maritimes d'Aquitaine a rejeté le recours hiérarchique du SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE, dirigé contre la décision du directeur départemental des affaires maritimes de la Gironde, prise en sa qualité d'inspecteur du travail maritime, rejetant implicitement la demande du syndicat tendant au retrait du règlement intérieur élaboré par la société de lamanage du port de Bordeaux ; que le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a implicitement rejeté la demande du SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE en date du 7 janvier 2005 tendant à l'annulation de la décision du directeur régional des affaires maritimes ; que le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE fait appel du jugement du 13 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des transports ;

Considérant que si le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE soutient qu'il n'aurait pas été averti de la date de l'audience, il résulte des mentions du jugement attaqué que les parties ont été régulièrement convoquées ; que ces mentions font foi jusqu'à preuve du contraire ; que le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE n'apporte pas la preuve qu'il n'aurait pas été régulièrement convoqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-34 du code du travail, en vigueur à la date de la décision attaquée : Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement (...) ; les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l'employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la sécurité et de la santé des salariés dès lors qu'elles apparaîtraient compromises ; les règles générales et permanentes relatives à la discipline, et notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur. Il énonce également les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés, tels qu'ils résultent de l'article L. 122-41 ou, le cas échéant, de la convention collective applicable. Il rappelle les dispositions relatives à l'abus d'autorité en matière sexuelle, telles qu'elles résultent notamment des articles L. 122-46 et L. 122-47 du présent code. Il rappelle également les dispositions relatives à l'interdiction de toute pratique de harcèlement moral. ; que selon l'article L. 122-35 du même code : Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements, ainsi qu'aux dispositions des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement. Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. ; qu'aux termes de l'article L. 122-37 du même code, L'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions du règlement intérieur contraires aux articles L. 122-34, L. 122-35 et L. 122-39-1. ;

Considérant, en premier lieu, que si l'article L. 742-1 du code du travail maritime prévoit que le contrat d'engagement, ainsi que les conditions de travail des marins à bord des navires, sont régis par des lois particulières, les marins, en dehors de leurs périodes d'embarquement et des périodes qui y sont rattachées, demeurent soumis aux dispositions générales contenues dans le code du travail, sauf dispositions spécifiques, prévues notamment par le code du travail maritime, ou adaptations précisées au livre VII du code du travail ; que si le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE fait valoir que le code disciplinaire et pénal de la marine marchande s'impose aux parties et fait ainsi obstacle à l'établissement d'un règlement intérieur comportant un volet disciplinaire, ce code ne s'applique qu'à bord des navires, pour la répression des infractions aux dispositions qu'il édicte ou au code du travail maritime ; qu'ainsi, si les marins de la marine marchande sont soumis en cette qualité au code disciplinaire et pénal de la marine marchande, ils peuvent également, en leur qualité de salarié et en dehors de leurs périodes d'embarquement, être soumis au règlement intérieur de l'entreprise ; que le moyen tiré de la méconnaissance du décret du 31 décembre 2005 relatif à la durée du travail à bord des navires, dont l'entrée en vigueur est postérieure à l'intervention de la décision attaquée, est en tout état de cause inopérant ; que, dès lors que le règlement intérieur de la société de lamanage de Bordeaux ne contient pas de dispositions concernant le contrat d'engagement ou les conditions de travail à bord des navires, le moyen tiré de ce qu'il serait illégalement applicable aux marins de la marine marchande doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE invoque l'article L. 123-33 du code du travail, qui ne rend obligatoire l'établissement d'un règlement intérieur que lorsque l'entreprise emploie habituellement au moins vingt salariés, pour soutenir que la société de lamanage du port de Bordeaux employant moins de vingt salariés n'est pas assujettie à l'établissement d'un règlement intérieur, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à un employeur employant moins de vingt salariés de se soumettre volontairement à ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de base légale du règlement intérieur de la société de lamanage du port de Bordeaux doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du chapitre 2.2 du règlement intérieur litigieux intitulé règles générales et permanentes à l'organisation collective du travail , qui se bornent à prescrire le respect des horaires de travail fixés par la direction et à prévoir le remplacement provisoire des salariés nécessaires à la continuité du fonctionnement de l'entreprise, constituent des règles générales et permanentes de discipline au sens de l'article L. 122-34 du code du travail, et peuvent dès lors figurer dans le règlement intérieur ; que les dispositions de l'article 2-2-2 du règlement intérieur concernent la modification de l'horaire de travail et relèvent de l'organisation générale du travail dans l'entreprise ; que si elles n'ont pas par elles-mêmes un caractère disciplinaire, elles sont associées à la règle fixée aux articles 2-2-3 et 2-2-4 du règlement intérieur, relatifs au respect des horaires de travail fixés par la direction ; qu'ainsi, les dispositions litigieuses pouvaient figurer dans le règlement intérieur sans contrevenir aux dispositions de l'article L. 122-34 précité ; que le détournement de pouvoir allégué, qui résulterait de ce que le règlement intérieur se serait substitué à un accord collectif, n'est ainsi pas établi ; qu'en revanche, les dispositions de l'alinéa 1 de l'article 2-2-7, relatives à la possibilité d'imposer au salarié les mutations internes compatibles avec ses conditions d'engagement, concernent l'exécution du contrat de travail et n'entrent pas dans le champ des dispositions pouvant figurer dans le règlement intérieur ; qu'ainsi, le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE est fondé à demander l'annulation sur ce point de la décision attaquée en tant qu'elle n'a pas exigé le retrait de l'alinéa 1 de l'article 2-2-7 du règlement intérieur ;

Considérant, en quatrième lieu, que la fouille à laquelle peut être soumis un salarié ne doit pas, sauf exception dûment justifiée par des nécessités particulières, comporter de fouille au corps ; que si l'article 2-3-3 du règlement intérieur prévoit la possibilité de fouiller les salariés aux heures de sortie en cas de disparition d'objets, dans le respect de la dignité et de l'intimité de la personne, et évoque les garanties dont tout salarié pourra bénéficier à cette occasion, il n'a pas précisé la nature de ces fouilles, lesquelles sont ainsi susceptibles de constituer une atteinte à la vie privée ou à l'intégrité physique du salarié ; que, par suite, le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE est fondé à soutenir que l'article 2-3-3 est illégal ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 232-2 du code du travail, alors en vigueur : Il est interdit à toute personne d'introduire ou de distribuer, et à tout chef d'établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements et locaux mentionnés à l'article L. 231-1, pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel non additionnés d'alcool ; que l'employeur a la possibilité, lorsque des impératifs de sécurité le justifient, de règlementer la consommation de boissons alcoolisées ainsi que la consommation de vin, bière, cidre, poiré, hydromel non additionnés d'alcool, en insérant des clauses spécifiques dans le règlement intérieur, visant à fixer des limites et à en contrôler le respect ; que toutefois, il ne peut légalement interdire de manière générale et absolue l'introduction et la consommation de telles boissons, sans méconnaître l'article L. 232-2 du code du travail précité ; que cependant l'interdiction par l'article 3-2-3 du règlement intérieur d'introduire des boissons alcoolisées ne concerne pas l'employeur ou ses préposés, et ne constitue donc pas une interdiction générale et absolue de consommer les boissons autorisées par l'article L. 232-2 précité du code du travail ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté ;

Considérant que l'obligation qui peut être faite à tout salarié de se soumettre à l'alcootest, sans pouvoir refuser de s'y conformer, porte aux droits de la personne une atteinte qui ne peut être justifiée qu'à l'égard des salariés occupés à l'exécution de certains travaux ou à la conduite de certaines machines ; que, s'agissant des marins de l'entreprise, ces travaux et ces machines ne peuvent s'entendre que de ceux mis en oeuvre pendant les périodes d'embarquement, durant lesquelles ils sont régis par le code du travail maritime et le code disciplinaire et pénal de la marine marchande ; qu'en prévoyant, dans son article 3-3-1, que tous les marins pourront être soumis à l'alcootest, le règlement intérieur impose à ces salariés des sujétions qui excèdent le champ d'application du règlement intérieur ; que le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE est, par suite, fondé à demander l'annulation de cette disposition ;

Considérant que, s'agissant du contrôle des communications téléphoniques, le règlement intérieur se borne à permettre de vérifier que les moyens de communications de l'entreprise sont utilisés à des fins professionnelles, sans s'immiscer dans ces communications, et sans que ces contrôles concernent les moyens de communication personnels des salariés ; que, par suite, le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE n'est pas fondé à soutenir que ce contrôle porterait atteinte à la vie privée des salariés ;

Considérant que, s'agissant de l'introduction de clauses léonines concernant l'organisation du travail, le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel l'annulation d'une modification du règlement intérieur intervenue en 2009, postérieurement à la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce précède que le SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre en tant qu'il confirme la décision du directeur régional des affaires maritimes refusant de modifier les articles 2-2-7, 2-3-3 et 3-3-1 du règlement intérieur de la société de lamanage du port de Bordeaux ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 novembre 2008 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions du SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE dirigée contre la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, en tant qu'elle confirme la décision du directeur régional des affaires maritimes refusant de modifier les articles 2-2-7, 2-3-3 et 3-3-1 du règlement intérieur de la société de lamanage du port de Bordeaux.

Article 2 : La décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, confirmant la décision du directeur régional des affaires maritimes, ensemble cette décision, sont annulées en tant qu'elles refusent de modifier les articles 2-2-7, 2-3-3 et 3-3-1 du règlement intérieur de la société de lamanage du port de Bordeaux.

Article3 : Le surplus de la requête du SYNDICAT MARITIME DE LA FACADE ATLANTIQUE est rejeté.

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No 08BX03281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX03281
Date de la décision : 22/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : SCP RIVEL COMBEAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-12-22;08bx03281 ?
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