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04/02/2010 | FRANCE | N°09BX01497

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 04 février 2010, 09BX01497


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 29 juin 2009 et 10 août 2009 au greffe de la cour sous le n° 09BX01497, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est 12 rue Dubernat à Talence (33400) par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX demande à la cour d'annuler le jugement n° 0703038 en date du 1er avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à M. X la

somme de 4.900 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juil...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 29 juin 2009 et 10 août 2009 au greffe de la cour sous le n° 09BX01497, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est 12 rue Dubernat à Talence (33400) par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX demande à la cour d'annuler le jugement n° 0703038 en date du 1er avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à M. X la somme de 4.900 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2007 en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite de l'intervention du 19 mai 1999 et a mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 289,65 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2010,

- le rapport de M. Davous, premier conseiller ;

- les observations de Me Caillere, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que M. X, alors âgé de 65 ans, a subi une intervention chirurgicale, le 19 mai 1999, au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX en vue de remédier à une pathologie maculaire rétinienne de l'oeil gauche qui présentait alors une acuité visuelle comprise entre 4/10ème et 5/10ème ; que l'opération de la membrane épi rétinienne s'est compliquée d'un décollement de la rétine et de trous maculaires ; que l'opération de la cataracte a permis de remédier au décollement de la rétine mais n'a pas amélioré l'acuité visuelle, constatée après la première opération, de 1/10ème ; que M. X a recherché la responsabilité notamment du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX en soutenant qu'il n'avait pas été informé des risques liés à l'opération pratiquée sur son oeil gauche et que s'il en avait été informé, il aurait renoncé à la pratiquer et se serait satisfait de l'acuité visuelle qu'il possédait alors ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX interjette appel du jugement en date du 1er avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à M. X la somme de 4.900 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2007 en réparation de son préjudice et a mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 289,65 euros ;

Considérant qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a, le 4 février 2008, au cours de l'instance devant le Tribunal administratif de Bordeaux, adressé une réclamation préalable au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX, dont il a été accusé réception le 13 février suivant ; qu'un rejet implicite avait ainsi été opposé à la demande de M. X à la date à laquelle le tribunal a statué ; qu'aucune fin de non-recevoir, tirée du défaut de décision préalable, ne pouvait, en conséquence, être opposée aux conclusions de la demande de première instance ;

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ;

Considérant que si le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX soutient que M. X a été informé, au cours de ses nombreuses consultations à l'hôpital, des risques de l'opération qu'il allait subir et que c'est à leurs suites, que le requérant aurait sollicité son report, il est constant que M. X n'a pas reçu d'information écrite sur les risques connus de la chirurgie, relativement récente, des membranes de l'oeil qui est susceptible d'entraîner le décollement de la rétine post-opératoire, la déchirure rétinienne per opératoire et une cataracte secondaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'information orale qui a pu lui être délivrée aurait été complète dès lors qu'il a indiqué, au cours de l'expertise, que l'intervention consistait, selon lui, seulement à enlever un voile sur la cornée ; que, par suite, M. X n'a pas reçu d'information dans des conditions permettant de recueillir son consentement éclairé et a été exposé, sans y avoir consenti, à des risques exceptionnels mais connus et qui se sont réalisés ; qu'il n'existait pas de situation d'urgence de nature à dispenser le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX de son obligation d'information à l'égard de M. X ; que dans les circonstances de l'espèce, le défaut d'information a constitué une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX à l'encontre de M. X ;

Considérant que le défaut d'information n'engage la responsabilité de l'hôpital que dans la mesure où il prive le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention, laquelle doit être fixée à une fraction du préjudice subi ; que M. X soutient que s'il avait été informé des risques liés à cette opération, il y aurait renoncé dans la mesure où la vision de son oeil gauche avant celle-ci s'établissait entre 4/10ème et 5/10ème et lui permettait de vivre dans des conditions normales ; qu'il ressort des expertises jointes au dossier que la vision de l'oeil gauche de M. X aurait connu une dégradation, sans qu'il soit possible d'en déterminer l'évolution ; que compte tenu du rapprochement d'un côté des risques inhérents à l'acte médical, de l'autre, des risques encourus en cas de renonciation à cet acte, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient procédé à une évaluation excessive ou insuffisante de la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ainsi que de la fraction du dommage réparable en découlant, en fixant cette fraction à 70% du préjudice subi ;

Considérant qu'en limitant à 5.000 euros la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX au titre des préjudices de M. X, qui reste atteint d'une incapacité permanente partielle évaluée à 9% par l'expert désigné par la juridiction de première instance, au titre des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence y compris le préjudice d'agrément, le Tribunal administratif de Bordeaux a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ; que M. X est fondé à demander, à ce titre, compte tenu de la quasi cécité de son oeil gauche, la somme de 11.000 euros ; qu'en fixant à 2.000 euros la réparation au titre des souffrances encourues, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de ce chef de préjudice ;

Considérant que les informations contenues dans le rapport d'expertise du docteur Hullo ont été utiles à la solution du litige ; qu'il y a lieu de mettre les frais de cette expertise effectuée à la demande de M. X, dont le montant s'élève à la somme de 1.154,50 euros, à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné ; qu'en revanche, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a limité à 4.900 euros le montant de l'indemnité que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX a été condamné à lui verser et qui doit être portée à 10.254,50 euros ; qu'il y a lieu d'annuler et de réformer le jugement dans cette mesure ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal de la somme qui lui est allouée par le présent arrêt à compter du 2 juillet 2007, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en condamnant le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX à lui verser une somme de 1.500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX a été condamné à verser à M. X est portée de 4.900 euros à 10.254,50 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2007.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2009 est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX et le surplus des conclusions de M. X sont rejetés.

Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX versera à M. X la somme de 1.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 09BX01497


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Frédéric DAVOUS
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/02/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX01497
Numéro NOR : CETATEXT000021852370 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-02-04;09bx01497 ?
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