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08/03/2010 | FRANCE | N°09BX01385

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 08 mars 2010, 09BX01385


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 16 juin et en original le 17 juin 2009, présentée pour la SCEA HOMBURGER GEIST, dont le siège est Les Méris à Boussac-Bourg (23600) ;

La SCEA HOMBURGER GEIST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 16 avril 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2006 par laquelle le préfet de la Creuse a rejeté sa demande d'autorisation pour la création d'un plan d'eau au lieu-dit Angeras , sur le territoire de la commune de Boussac-Bourg ;
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3°) de condamner l'Etat à lui verser la so...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 16 juin et en original le 17 juin 2009, présentée pour la SCEA HOMBURGER GEIST, dont le siège est Les Méris à Boussac-Bourg (23600) ;

La SCEA HOMBURGER GEIST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 16 avril 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2006 par laquelle le préfet de la Creuse a rejeté sa demande d'autorisation pour la création d'un plan d'eau au lieu-dit Angeras , sur le territoire de la commune de Boussac-Bourg ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;

Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 modifié relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues par l'article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;

Vu le décret n° 93-743 du 29 mars 1993 relatif à la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application de l'article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2010 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;

Considérant que la SCEA HOMBURGER GEIST a déposé, le 20 décembre 2005, une demande en vue d'être autorisée à créer un plan d'eau d'un peu plus d'un hectare au lieu-dit Angéras sur le territoire de la commune de Boussac-Bourg (Creuse) ; qu'une enquête publique s'est déroulée du 2 au 17 mars 2006 ; que le 5 mai 2006, le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable au projet ; que la demande a été soumise au conseil départemental d'hygiène qui, après examen du projet lors de sa séance du 30 juin 2006, a émis un avis défavorable ; qu'après avoir demandé à la SCEA de présenter ses observations, le préfet de la Creuse a, par une décision du 9 août 2006, refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que la SCEA HOMBURGER GEIST fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 16 avril 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la SCEA HOMBURGER GEIST reproche au tribunal administratif de n'avoir pas répondu dans son jugement au moyen, invoqué à titre subsidiaire, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des dispositions du paragraphe VII-2-7 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne, cette illégalité étant fondée sur ce que l'autorité administrative ne peut restreindre l'exercice du droit de propriété ; que, toutefois, en relevant dans son jugement que la SCEA ne pouvait utilement soutenir que l'application du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne devrait être écartée dès lors qu'il restreindrait l'exercice du droit de propriété, le tribunal administratif n'a pas omis de répondre audit moyen ;

Au fond :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : I. Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement. / (...) III. Un décret détermine les conditions dans lesquelles les prescriptions prévues au I et au II sont établies, modifiées et portées à la connaissance des tiers. / IV. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles plusieurs demandes d'autorisation et déclaration relatives à des opérations connexes ou relevant d'une même activité peuvent faire l'objet d'une procédure commune ; qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993, alors en vigueur : Le conseil municipal de chaque commune où a été déposé un dossier d'enquête est appelé à donner son avis sur la demande d'autorisation dès l'ouverture de l'enquête. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés, au plus tard, dans les quinze jours suivant la clôture du registre d'enquête ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret, alors en vigueur : Au vu du dossier de l'enquête et des avis émis, notamment, s'il y a lieu, par le comité technique permanent des barrages, le préfet du département d'implantation ou le préfet chargé de coordonner la procédure en application de l'article 3 fait établir un rapport sur la demande d'autorisation et sur les résultats de l'enquête. Ce rapport est présenté au conseil départemental d'hygiène avec les propositions concernant soit le refus de la demande, soit les prescriptions envisagées. / Le pétitionnaire a la faculté de se faire entendre par le conseil ou de désigner à cet effet un mandataire. Il doit être informé, par le préfet, au moins huit jours à l'avance, de la date et du lieu de la réunion du conseil et reçoit simultanément un exemplaire des propositions mentionnées à l'alinéa précédent ;

Considérant que, comme l'a relevé le tribunal administratif, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit au préfet, dans le cadre de l'instruction d'une demande déposée en application de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992, désormais repris notamment par les dispositions précitées de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, de consulter les services intéressés par une telle demande, bien qu'ils ne soient pas mentionnés par les dispositions précitées de l'article 7 du décret du 29 mars 1993 ; que, par suite, en sollicitant l'avis de la direction régionale de l'environnement du Limousin, de la brigade départementale du conseil supérieur de la pêche et de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt sur le projet de la SCEA, le préfet n'a pas commis d'irrégularité ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le préfet ait orienté dans un sens défavorable l'avis de ces services ; que le préfet n'était pas tenu de communiquer ces avis au pétitionnaire ou au commissaire-enquêteur ;

Considérant que, par un courrier en date du 21 juin 2006, le préfet de la Creuse a informé la SCEA pétitionnaire que sa demande serait examinée par le conseil départemental d'hygiène lors de sa séance du 30 juin 2006 et lui a transmis, par le même courrier, un exemplaire du projet d'arrêté, défavorable à son projet, soumis à l'avis des membres du conseil ; que le préfet de la Creuse n'était pas tenu, en application des dispositions précitées de l'article 7 du décret du 29 mars 1993, de communiquer d'autres documents que ce projet d'arrêté, et notamment pas la note de synthèse établie par ses services à l'intention des membres du conseil départemental d'hygiène ; que le moyen tiré du défaut de respect des dispositions de l'article 7 du décret du 29 mars 1993 ne peut donc être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de présentation établi par les services de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt à l'intention des membres du conseil départemental d'hygiène et du procès-verbal de la séance du conseil du 30 juin 2006, que la teneur des avis émis sur le projet de la SCEA HOMBURGER GEIST, notamment l'avis favorable du commissaire-enquêteur, ont été exposés aux membres du conseil départemental d'hygiène ; qu'en transmettant à ces derniers le projet d'arrêté portant refus de sa demande, le préfet de la Creuse n'a fait que se conformer à la procédure qui lui était imposée par l'article 7 du décret du 29 mars 1993 ; que le moyen tiré du manque d'impartialité de l'administration doit, par suite, être écarté ;

Considérant que la SCEA, qui a été informée en temps utile des motifs pour lesquels l'administration était défavorable à son projet et qui a pu présenter ses observations lors de la séance du conseil départemental d'hygiène, n'est pas fondée à invoquer la violation du principe du contradictoire ; que le moyen tiré d'une violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est en tout état de cause inopérant à l'encontre d'une décision de refus d'autorisation de création d'un plan d'eau prise par une autorité administrative ;

En ce qui concerne la motivation de la décision litigieuse :

Considérant que l'arrêté attaqué, qui vise notamment le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne en précisant la teneur de son paragraphe VII-2-7, et qui indique les raisons pour lesquelles le projet de la SCEA est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 211-1 du code de l'environnement, contient les considérations de droit et de fait qui le fonde et n'est pas insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision contestée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole (...) ; que l'article L. 212-1 du même code dispose que : I. L'autorité administrative délimite les bassins ou groupements de bassins en déterminant le cas échéant les masses d'eau souterraines et les eaux maritimes intérieures et territoriales qui leur sont rattachées : (...) III. Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixant les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau telle que prévue à l'article L. 211-1 et des objectifs de qualité et de quantité des eaux. Le schéma prend en compte l'évaluation, par zone géographique, du potentiel hydroélectrique établi en application du I de l'article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (...) / XI. Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (...) ;

Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne a fixé, pour ce bassin, les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau telle que prévue à l'article L. 211-1 précité ; que ce schéma prévoit notamment, dans son paragraphe VII-2-7, que : Afin de diminuer les nuisances dues aux étangs et petits plans d'eau, sur le réseau hydrographique de première catégorie piscicole, ou situés en amont de lieux d'usages sanitaires de l'eau (prise d'eau potable ou baignade), des actions de trois types doivent être entreprises : (...) / s'opposer, dans le cadre des procédures réglementaires existantes, à la création de nouveaux étangs dans certaines zones situées en tête de bassin versant où le peuplement piscicole est de haute qualité, ou situées en amont des lieux d'usages sanitaires de l'eau et qui seront à définir notamment par les SAGE [schémas d'aménagement et de gestion des eaux] (...) ; que le paragraphe VII-2-14 du même schéma directeur précise que la protection des zones humides devra s'appuyer sur les principes fondamentaux de conservation suivants : - préservation de la diversité des habitats, des espèces ; - préservation de l'intégrité d'entités écologiques ; - conservation du système naturel de régulation quantitative et qualitative de la ressource en eau (...) Modalités de protection par rapport aux infrastructures : Interdire tous les travaux susceptibles d'altérer gravement l'équilibre hydraulique et biologique des zones humides ;

Considérant que, dès lors que le projet de la SCEA ne concernait pas l'usage sanitaire de l'eau, il appartenait à l'administration de vérifier la compatibilité de ce projet avec les dispositions précitées du paragraphe VII-2-7 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne, même en l'absence de schéma d'aménagement et de gestion des eaux ; que lesdites dispositions sont au nombre de celles qui peuvent être incluses dans un schéma directeur en vertu des dispositions législatives codifiées à l'article L. 212-1 précité du code de l'environnement et ne sauraient donc être regardées comme illégales ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le projet de la SCEA se situe dans une zone humide en tête de bassin-versant, sur le ruisseau d'Angéras, classé en première catégorie piscicole et affluent direct de la rivière la Petite Creuse, elle-même classée en première catégorie piscicole dans son secteur aval, dans un secteur du département de la Creuse subissant des étiages estivaux sévères, où existe déjà un nombre élevé de plans d'eau dans un milieu hydrologique assez dégradé ; que le déficit d'alimentation en eau que pourrait entraîner le projet, du fait d'une dérivation d'une longueur de 398 mètres, associé à l'évaporation estivale, pourrait être à l'origine d'une baisse du débit réservé en dessous de 15 litres par seconde et de dysfonctionnements biologiques, notamment de phénomènes d'anoxie aux heures chaudes susceptibles d'entraîner des mortalités piscicoles, du colmatage des frayères de truites fario en aval et de la destruction de la fonction de dénitrification de la zone humide ; qu'en tout état de cause, si la SCEA soutient, à l'aide d'une étude qu'elle produit, que le ruisseau destiné à alimenter son étang ne présente aucune qualité piscicole, il résulte de l'instruction que le préfet de la Creuse a fondé sa décision sur la qualité piscicole et hydrobiologique de la rivière La Petite Creuse , et non sur la qualité piscicole dudit ruisseau ; que, par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce et a, à juste titre, estimé que le projet en cause était de nature à porter atteinte aux intérêts définis par les dispositions précitées de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et notamment de son paragraphe I, visant à assurer une gestion équilibrée de la ressource en eau et n'était pas compatible avec les dispositions précitées du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCEA HOMBURGER GEIST n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne saurait être condamné à verser à la SCEA HOMBURGER GEIST la somme que celle-ci réclame au titre dudit article ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA HOMBURGER GEIST est rejetée.

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No 09BX01385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX01385
Date de la décision : 08/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : COUTURON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-03-08;09bx01385 ?
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