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20/05/2010 | FRANCE | N°09BX01553

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 20 mai 2010, 09BX01553


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2009, présentée pour M. Bozlu X, demeurant ..., par Me Amari de Beaufort ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804472 en date du 5 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 septembre 2008 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ;

2°)

d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2009, présentée pour M. Bozlu X, demeurant ..., par Me Amari de Beaufort ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804472 en date du 5 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 septembre 2008 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 avril 2010, présentée pour M. X ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2010 :

- le rapport de M. Braud, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

Considérant que M. X, ressortissant bangladais, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France en novembre 2003 ; qu'à la suite des rejets de sa demande d'asile, M. X a fait l'objet de plusieurs refus de titre de séjour ; que, le 24 juillet 2008, il a épousé une compatriote ayant le statut de réfugié ; qu'en raison de ce changement de situation, M. X a adressé au préfet de la Haute-Garonne une demande de titre de séjour que ce dernier a rejetée par un arrêté en date du 9 septembre 2008 portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ; que, par un jugement en date du 5 février 2009, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. X relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Garonne :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-10 du code de justice administrative, applicable au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification du jugement lui a été faite ; que l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 susvisé dispose toutefois : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle (...) Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat ; qu'il résulte de ces dispositions que, si le délai de recours contentieux a été interrompu par une demande d'aide juridictionnelle, ce délai court à nouveau, lorsque l'intéressé a été admis au bénéfice de ladite aide, au plus tôt à compter de la notification qui lui a été faite de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;

Considérant que le jugement attaqué a été notifié à M. X le 12 février 2009 ; que l'intéressé a adressé au bureau d'aide juridictionnelle une demande d'aide juridictionnelle le 6 mars 2009, soit avant l'expiration du délai d'appel fixé par l'article R. 775-10 du code de justice administrative ; que cette demande a interrompu le délai de recours contentieux en application de l'article 39 précité du décret du 19 décembre 1991 ; que M. X a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 12 octobre 2009, soit postérieurement à l'enregistrement de sa requête d'appel ; que, par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que la requête est tardive ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Tribunal administratif de Toulouse a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé en tant qu'il est entaché de cette omission à statuer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 dudit code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ; que le préfet n'est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de tous les étrangers qui s'en prévalent ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France (...) sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; que la circonstance que M. X est marié à une compatriote en situation régulière en France le fait entrer dans une des catégories d'étrangers qui peuvent prétendre au regroupement familial ; que, dès lors, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées pour soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux (...) ; qu'à la date de la décision contestée, M. X était en situation irrégulière et ne pouvait dès lors prétendre à la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-11 précité ; que, par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les dispositions de cet article ; que, pour le même motif, il n'avait donc pas à saisir la commission du titre de séjour du cas de M. X ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, pour l'application des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il vit en concubinage depuis 2005 avec une compatriote ayant le statut de réfugié qu'il a épousée le 2 mai 2005 dans le cadre d'un mariage coutumier et qu'ils ont signé un pacte civil de solidarité le 10 décembre 2007, enregistré au greffe du Tribunal d'instance de Toulouse le 10 mars 2008 avant de se marier civilement le 24 juillet suivant ; que toutefois, eu égard aux contradictions entachant les pièces du dossier sur les adresses respectives des époux, l'ancienneté de la communauté de vie alléguée ne peut être regardée comme étant établie ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. X n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans et où résident sa mère, son frère et deux soeurs ; que, par ailleurs, M. X ne peut utilement se prévaloir de l'état de santé de son épouse dans la mesure où il n'est ni établi ni même allégué que sa pathologie serait antérieure à l'arrêté contesté ; que M. X ne peut pas davantage se prévaloir de la présence du fils de son épouse qui est arrivé en France postérieurement à l'édiction de l'arrêté litigieux ; que, dans ces circonstances, et eu égard aux conditions de son séjour en France, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. X, qui n'a pas établi l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, n'est pas fondé à l'invoquer, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il était militant de la ligue Awami et qu'il a été accusé de meurtre, qu'il a ensuite fait l'objet de menaces de mort et de plusieurs mandats d'arrêt, qu'il a, en outre, été condamné à une peine de sept ans d'emprisonnement et que son commerce a été détruit le 12 mars 2007 et que s'il retourne dans son pays d'origine, il s'exposera à la vindicte de l'ex-époux de son épouse ; que, toutefois, M. X ne produit aucun document suffisamment probant permettant d'établir la réalité et le caractère personnel des risques allégués ; qu'ainsi, M. X, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ne démontre pas qu'il serait exposé à des traitements prohibés par les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de cet article doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2008 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. X, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de M. X ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 5 février 2009 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision obligeant M. X à quitter le territoire français.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse et les conclusions qu'il a présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 09BX01553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX01553
Date de la décision : 20/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : AMARI DE BEAUFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-05-20;09bx01553 ?
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