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20/05/2010 | FRANCE | N°09BX02488

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 20 mai 2010, 09BX02488


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 octobre 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0902391 du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. Sukru X en annulant l'arrêté du 8 avril 2009 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et de rejeter la demande de M. X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 octobre 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0902391 du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. Sukru X en annulant l'arrêté du 8 avril 2009 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et de rejeter la demande de M. X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2010 :

- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

Considérant que M. X, ressortissant turc, a demandé, le 27 août 2008, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail ; que, par un arrêté du 8 avril 2009, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé la Turquie comme pays à destination duquel il sera renvoyé ; que M. X a contesté cet arrêté devant le Tribunal administratif de Toulouse ; que par un jugement du 6 octobre 2009, le tribunal administratif a annulé la décision de refus de titre de séjour au motif qu'elle était entachée d'illégalité et a annulé, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE fait appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ;

Considérant que le refus opposé par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE à la demande de titre de séjour présentée par M. X est fondé sur le motif tiré, d'une part, de ce que l'intéressé ne justifiait détenir ni le visa de long séjour, ni le contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, ni le certificat de contrôle médical requis par les textes en vigueur, et d'autre part, que si l'emploi envisagé pouvait permettre une régularisation en application de l'article L. 313-14, M. X n'apportait pas la preuve de sa compétence pour occuper cet emploi et ne résidait pas en France depuis au moins cinq ans ; que le motif ainsi retenu est entaché d'erreur de droit et de fait ;

Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que, pour établir que la décision attaquée était légale, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE invoque en appel, dans sa requête introductive d'instance régulièrement communiquée à M. X, un autre motif tiré de ce que l'intéressé ne justifiait pas de l'existence de circonstances d'ordre humanitaire ou exceptionnel ; qu'il résulte de l'instruction que M. X est entré en France en 2004 à l'âge de 20 ans et a ainsi vécu la majeure partie de sa vie en Turquie où il a conservé de fortes attaches familiales ; qu'il est célibataire et sans enfant ; qu'il ne démontre pas encourir des risques ou menaces personnels, réels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que M. X soit bien intégré en France, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif, qui était de nature à justifier légalement un refus de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées ; qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motif demandée en appel par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, laquelle n'a pas pour effet de priver l'intéressé de garanties de procédure ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision litigieuse, le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa partie relative à l'admission exceptionnelle au séjour par le travail ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il rappelle notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de M. X, fait mention de la situation personnelle et familiale de l'intéressé ; qu'ainsi, il répond aux exigences de motivation des actes administratifs ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions, issues de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à être motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites, et, le cas échéant, des observations orales (...) ; qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision fixant le pays de destination ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. X se prévaut de ses liens avec une ressortissante française, il ne les justifie pas ; qu'il est célibataire et sans enfant et n'établit pas qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; qu'ainsi, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé, le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposé par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'a pas porté au respect dû à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché d'erreur manifeste son appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en cinquième lieu, que si M. X soutient qu'un retour dans son pays d'origine risquerait de l'exposer à des traitements inhumains et dégradants au regard de la situation politique prévalant en Turquie à l'égard des jeunes kurdes refusant le service militaire et des menaces dont il aurait fait l'objet en Turquie, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 avril 2009 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. X :

Considérant que le présent arrêt, qui n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'avocate de M. X de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 6 octobre 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2009 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, les conclusions aux fins d'injonction devant la Cour et les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par ce dernier sont rejetées.

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N° 09BX02488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX02488
Date de la décision : 20/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : OUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-05-20;09bx02488 ?
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