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25/05/2010 | FRANCE | N°09BX02297

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 25 mai 2010, 09BX02297


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 septembre 2009 sous le n° 09BX02297, présentée pour la SOCIETE SEDECA CARAIBES, dont le siège est Lot n° 14 Immeuble Socogar Rue Ferdinand Forest à Baie-Mahault (97122), par Maître Lepeltier, avocat ;

La SARL SEDECA CARAIBES demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 09-312 en date du 10 septembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une provision de 203 660,15 euros correspondant au préjudic

e matériel résultant pour elle de la destruction ou de la dégradation de 86 fa...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 septembre 2009 sous le n° 09BX02297, présentée pour la SOCIETE SEDECA CARAIBES, dont le siège est Lot n° 14 Immeuble Socogar Rue Ferdinand Forest à Baie-Mahault (97122), par Maître Lepeltier, avocat ;

La SARL SEDECA CARAIBES demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 09-312 en date du 10 septembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une provision de 203 660,15 euros correspondant au préjudice matériel résultant pour elle de la destruction ou de la dégradation de 86 faces de mobilier urbain au cours des évènements sociaux qui se sont déroulés en Guadeloupe de janvier à mars 2009 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision de 203 660,15 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 13 avril 2010 :

- le rapport de M. Lafon, conseiller ;

- les observations de Me Lepeltier, pour la SOCIETE SEDECA CARAIBES ;

- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que la SARL SEDECA CARAIBES interjette appel de l'ordonnance en date du 10 septembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une provision de 203 660,15 euros correspondant au préjudice matériel résultant pour elle de la destruction ou de la dégradation de 86 faces de mobilier urbain au cours des évènements sociaux qui se sont déroulés en Guadeloupe de janvier à mars 2009 ;

Considérant que la SARL SEDECA CARAIBES a soulevé, dans son mémoire enregistré le 17 août 2009 au greffe du tribunal administratif de Basse-Terre, le moyen tiré de ce que la responsabilité de l'Etat devait être engagée sur le fondement des principes généraux de la responsabilité sans faute ; qu'il ressort de l'ordonnance attaquée que le tribunal administratif a omis de statuer sur ce moyen d'ordre public qui pouvait être soulevé à tout moment par la SARL SEDECA CARAIBES ; que l'ordonnance attaquée est, en conséquence, irrégulière en ce qu'elle omet de statuer sur ce moyen ; qu'il y a lieu de l'annuler, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la SARL SEDECA CARAIBES ;

Considérant qu'il résulte clairement des moyens et conclusions de cette demande que la SARL SEDECA CARAIBES a entendu obtenir le versement par l'Etat de cette provision sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision, à la constitution d'une garantie ;

Sur la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés, commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés ;

Considérant que la SARL SEDECA CARAIBES soutient que 86 faces de mobilier urbain lui appartenant, situées dans neuf communes différentes, ont été détruites au cours des nuits d'émeutes qui se sont déroulées en Guadeloupe du 16 au 18 février 2009 ; que la société requérante se borne ainsi à faire état de la situation générale de troubles ayant affecté, pendant 44 jours à partir du 19 janvier 2009, l'ensemble du territoire du département sans établir de lien avec un rassemblement ou une action identifié avec une précision suffisante au sein de ce mouvement ; que le caractère diffus desdits troubles, invoqué par la SARL SEDECA CARAIBES, ne suffit donc pas à établir que les agissements à l'origine des dommages en cause ont été commis par des attroupements ou rassemblements au sens de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, l'obligation invoquée sur ce premier fondement doit être regardée comme sérieusement contestable ;

Sur la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la grève générale a commencé en Guadeloupe le 20 janvier 2009 ; que l'administration a entendu dans un premier temps privilégier la négociation avec les syndicats et organismes au fondement de cette action ; qu'environ deux mille policiers et gendarmes étaient déployés sur l'île lors des nuits d'émeutes qui ont débuté le 16 février ; que ces effectifs étaient renforcés par 280 militaires dès la deuxième nuit ; que dans ces conditions, et compte tenu des troubles qu'auraient provoqué des déplacements prématurés et massifs de forces de l'ordre dans des conditions difficiles, l'administration n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en ne prenant pas d'autres mesures pour prévenir ces incidents, ou en ne se substituant pas immédiatement aux maires des communes concernées en application du 2° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ou enfin en ne prenant pas les mesures de réquisition nécessaires pour remédier aux atteintes à l'ordre public sur le fondement du 4° du même article ; qu'il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction que d'autres mesures de police que celles qui ont été prises auraient permis d'empêcher la dégradation du mobilier urbain ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Guadeloupe, l'obligation que la SARL SEDECA CARAIBES invoque sur ce deuxième fondement doit être également regardée comme sérieusement contestable ;

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'action menée par les auteurs des incidents est la cause directe des dommages subis par la SARL SEDECA CARAIBES et que les autorités investies du pouvoir de police se sont trouvées dans l'impossibilité de prévenir ces agissements qui ne peuvent donc être imputés à une carence des services de l'Etat ; qu'il n'est par suite pas démontré qu'un lien direct de causalité existerait entre le fonctionnement des services de police et la dégradation du mobilier urbain ; qu'il s'ensuit que l'obligation que la SARL SEDECA CARAIBES invoque sur ce troisième fondement doit être regardée comme sérieusement contestable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL SEDECA CARAIBES n'est pas fondée à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 203 660,15 euros à titre de provision ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit sur leur fondement ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance en date du 10 septembre 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SARL SEDECA CARAIBES devant le tribunal administratif de Basse-Terre et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

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N° 09BX02297


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : LEPELTIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 25/05/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX02297
Numéro NOR : CETATEXT000022328842 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-05-25;09bx02297 ?
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