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03/06/2010 | FRANCE | N°07BX01712

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 03 juin 2010, 07BX01712


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 août 2007, présentée pour la SARL COPADIS, société à responsabilité limitée, dont le siège est Grande rue à Echiré (79410), par Me Debord ; la SARL COPADIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300707 du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er novembre au 31 décembre 2000 et,

d'autre part, rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 août 2007, présentée pour la SARL COPADIS, société à responsabilité limitée, dont le siège est Grande rue à Echiré (79410), par Me Debord ; la SARL COPADIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300707 du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er novembre au 31 décembre 2000 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2002 ;

2°) de lui accorder la restitution des droits afférent à la période allant du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2002 assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000 ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2010 :

- le rapport de M. Braud, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

Considérant que la SARL COPADIS a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, qu'elle a acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2002, au motif que cette taxe constituait, selon elle, une aide d'État qui aurait dû faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne, en application des articles 87 et 88 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'elle fait appel du jugement du 14 juin 2007 du Tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande tendant à la restitution de la taxe mentionnée ci-dessus ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. (...) 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux États membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'État, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'État ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'État ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'État pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'État, la SARL COPADIS ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 23 du traité instituant la Communauté européenne : I. La communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent (...) ; qu'aux termes de l'article 25 du même traité : Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les Etats membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal ; qu'aux termes de l'article 90 de ce traité : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ;

Considérant qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, doit être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane, non seulement une taxe perçue à l'occasion ou en raison de l'importation et qui, frappant spécifiquement un produit importé à l'exclusion du produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix de revient, d'avoir sur la libre circulation des marchandises la même incidence restrictive qu'un droit de douane, mais aussi une taxe appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent intégralement la charge grevant ces produits ; que, dès lors, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90 précité du traité, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ;

Considérant que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, que la SA COPADIS soutient que les dispositions de l'article 35 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 seraient contraires au principe à valeur constitutionnelle d'égalité devant l'impôt ; que, toutefois, par décision n° 2000-441 du 28 décembre 2000, le Conseil Constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de cet article ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en vertu des stipulations de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention susrappelées, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant qu'en fixant un seuil de chiffre d'affaires annuel en deçà duquel les entreprises sont exonérées de la taxe sur la viande, l'article 302 bis ZD du code général des impôts poursuit un objectif d'intérêt public et se fonde sur un critère rationnel en rapport avec les objectifs du prélèvement qu'il institue ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions introduiraient une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'exercice du droit au respect des biens prévu par l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention doit dès lors être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, que la SARL COPADIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL COPADIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL COPADIS est rejetée.

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N° 07BX01712


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme VIARD
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : DEBORD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 03/06/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07BX01712
Numéro NOR : CETATEXT000022363859 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-06-03;07bx01712 ?
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