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28/06/2010 | FRANCE | N°09BX02375

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 28 juin 2010, 09BX02375


Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2009, présentée pour M. Joseph X domicilié 93 rue Victor Sévère à FORT DE FRANCE chez son avocat, par SELARL Germany Conseil et Défense ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901361 du 17 septembre 2009 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2009 par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière et les décisions du même jour décidant son

placement en rétention administrative et fixant le pays de destination ;

2°) d'annule...

Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2009, présentée pour M. Joseph X domicilié 93 rue Victor Sévère à FORT DE FRANCE chez son avocat, par SELARL Germany Conseil et Défense ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901361 du 17 septembre 2009 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2009 par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière et les décisions du même jour décidant son placement en rétention administrative et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 23 juin 2010, présenté son rapport et entendu les conclusions de M.Vié, rapporteur-public ;

Considérant que M. X, de nationalité haïtienne est entré en France le 28 juin 2004 muni d'un visa de court séjour ; que le bénéfice de l'asile territorial lui a été refusé définitivement le 14 avril 2005 ; que le préfet de la région Martinique a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français par arrêté du 2 mai 2006 ; qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; qu'à la suite de son interpellation le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière par arrêté du 11 janvier 2007 ; qu' à la suite du rejet de sa nouvelle demande d'asile en avril 2007, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; que M. X interjette régulièrement appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif a rejeté son recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2009 par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur l'intervention :

Considérant que Mme Y qui se présente comme la concubine de M. X et la mère de la fille mineure de ce dernier justifie d'un intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; que, dès lors, son intervention doit être admise ;

Sur le fond :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2°) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa , à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3°) Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré sur le territoire français muni d'un visa le 28 juin 2004 et s'y est maintenu ; que, dans ces circonstances, M. X n'entrait pas dans la catégorie de l'étranger entré irrégulièrement en France ; que par suite l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée motivée par l'irrégularité du séjour de M. X trouve son fondement légal dans les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celle du 1° du même article dès lors, en premier lieu, qu'étant le destinataire d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire depuis plus d'un an, M. X se trouvait dans la situation où, en application du 3° du II de l'article L. 511-1, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver M. X d'aucune garantie et, en troisième lieu, que le préfet de la région Martinique disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions ;

Considérant, en deuxième lieu, que par arrêté n° 072440 du 2 août 2007, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la Martinique, M. Tubul a reçu délégation afin de signer les arrêtés de reconduite à la frontière et les décisions de fixer le pays de destination ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. Tubul aurait été incompétent pour signer l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la destination fixant Haïti comme pays de destination doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté contesté, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels relatifs à la situation personnelle de M. X est fondé l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, est suffisamment motivé au regard des obligations découlant de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; que sa motivation révèle que le préfet ne s'est pas abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle et familiale de la requérante pour prendre cette décision ;

Considérant, en quatrième lieu, que les conditions de placement en rétention de M. X sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. X soutient vivre en concubinage notoire avec Mme Y et apporte au dossier un certificat de cohabitation établi par le centre communal d'action sociale de la commune de Lamentin, ce document est contredit par les déclarations faites par Mme Y auprès de la caisse d'allocations familiales et attestant qu'elle vit et élève seule la fille de M. X ; que dans ces circonstances et eu égard aux conditions séjour de M. X, qui n'établit pas être dépourvu de tous liens de famille en Haïti, l'arrêté par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné la reconduite à la frontière du requérant n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en sixième lieu, qu'en se bornant à soutenir que son renvoi à Haïti aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sans apporter de précisions, M. X ne permet pas à la cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen ;

Considérant, en septième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 juillet 1990 susvisée : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que M. X n'établit pas vivre avec sa fille ni subvenir à ses besoins ou contribuer à son éducation ; que, dans ces circonstances l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de sa fille, ni, par suite, les stipulations susrappelées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par conséquent les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte sont rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 septembre 2009 le magistrat désigné par le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2009 par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Joseph X est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions est rejeté.

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N° 09BX02375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09BX02375
Date de la décision : 28/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique FLECHER-BOURJOL
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : SELARL GERMANY CONSEIL et DEFENSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-06-28;09bx02375 ?
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