La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2010 | FRANCE | N°09BX02210

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 15 juillet 2010, 09BX02210


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 septembre 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703341 en date du 11 août 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE en date du 23 mai 2007 rejetant la demande de regroupement familial de Mme Fadma épouse B et l'a condamné à verser à son conseil une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

.........................................................

.................................................

Vu les autres pièces du ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 septembre 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703341 en date du 11 août 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE en date du 23 mai 2007 rejetant la demande de regroupement familial de Mme Fadma épouse B et l'a condamné à verser à son conseil une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :

- le rapport de M. Braud, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

Considérant que M. B, ressortissant marocain, est entré en France le 1er septembre 2002 pour y poursuivre ses études ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui a délivré, le 18 octobre 2002, une carte de séjour temporaire mention étudiant qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 17 juillet 2007 ; qu'il a épousé, le 25 avril 2006, une compatriote titulaire d'une carte de résident ; que Mme B a alors adressé au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE une demande de regroupement familial en faveur de son mari ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a rejeté cette demande par une décision en date du 23 mai 2007 ; que ce dernier relève appel du jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 11 août 2009 annulant cette décision ;

Sur la légalité de la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE en date du 23 mai 2007 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel ; 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ; qu'aux termes de l'article R. 411-6 dudit code : Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous-couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction. Peuvent en bénéficier le conjoint et, le cas échéant, les enfants de moins de dix-huit ans de celui-ci résidant en France, sauf si l'un des motifs de refus ou d'exclusion mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-5 leur est opposé ;

Considérant que le jugement attaqué a annulé la décision litigieuse pour erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas contesté que M. et Mme B se trouvaient, à la date de la décision en litige, dans la situation décrite à cet article ; que si le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a entendu soutenir que son refus est conforme à ces dispositions car le motif du refus opposé tenant au caractère insuffisant des ressources, est l'un de ceux mentionnés à l'article L. 411-5 de ce code, il ressort cependant des termes mêmes de la décision du 23 mai 2007 que la demande de regroupement familial de Mme B a été rejetée non pas en raison du caractère insuffisant des ressources du demandeur mais au motif que M. B était en infraction au regard du droit du travail pour occuper un emploi à temps plein alors que sa carte de séjour temporaire mention étudiant ne lui permettait d'exercer une activité professionnelle qu'à titre accessoire dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que ce motif n'est pas au nombre de ceux permettant d'opposer un refus à une demande de regroupement familial ;

Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la carte de séjour temporaire délivrée aux étudiants étrangers donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ; que l'article R. 341-4-3 du code du travail alors en vigueur précise que cette limite est de neuf cent soixante-quatre heures par an ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative est fondée, dans le cadre de l'appréciation qu'elle est amenée à porter sur le caractère stable des ressources des étrangers qui en sollicitent le bénéfice, à s'assurer que les conditions dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle dont elles proviennent ne contreviennent pas aux règles en vigueur ;

Considérant que, dans sa requête d'appel, communiquée à M. et Mme B, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE soutient que la décision litigieuse est également justifiée par le non-respect de la condition de ressources posée par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que pour évaluer le montant des ressources de Mme B et de son conjoint, le préfet a pris en compte les ressources de Mme B ainsi que 60 % des ressources de son mari au motif que le titre de séjour dont il était titulaire ne l'autorisait qu'à travailler dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B était titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée prévoyant une durée de travail de 35 heures par semaine ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a pu régulièrement considérer que 40 % des ressources de M. B résultaient d'une activité professionnelle salariée exercée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-7 du même code et que cette part des ressources ne peut dès lors être regardée comme remplissant la condition de stabilité édictée par l'article L. 411-5 précité ; qu'il est constant que les ressources mensuelles du couple ainsi calculées sont inférieures au salaire minimum de croissance ; que, dès lors, le motif tiré du caractère insuffisant et du manque de stabilité des ressources de M. et Mme B était de nature à fonder légalement le refus opposé par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; que, cependant, eu égard au faible écart entre le montant des ressources du couple et le salaire minimum de croissance, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution de motifs demandée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 23 mai 2007 rejetant la demande de regroupement familial de Mme B ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant que si la présente décision, qui confirme l'annulation de la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE rejetant la demande de regroupement familial déposée par Mme B, n'implique pas nécessairement que le préfet délivre un titre de séjour à M. B, elle a en revanche pour effet de saisir à nouveau cette autorité de la demande de l'intéressée ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de procéder à ce nouvel examen au regard des motifs de la présente décision dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que le conseil de M. et Mme B présente des conclusions sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que par la décision du bureau d'aide juridictionnelle susvisée, Mme B a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser au conseil de M. et Mme B une somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de réexaminer la demande de Mme B dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. et Mme B une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

''

''

''

''

4

N° 09BX02210


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : BREL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 15/07/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX02210
Numéro NOR : CETATEXT000022714255 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-07-15;09bx02210 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award