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07/09/2010 | FRANCE | N°10BX00347

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 07 septembre 2010, 10BX00347


Vu la requête, reçue par télécopie le 10 février 2010 et par courrier le 12 février 2010, enregistrée au greffe de la Cour sous le n°09BX00347 présentée pour M. Serge A, demeurant ... par Me Aljoubahi, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800065 en date du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'avis émis le 11 septembre 2007 par la directrice des services fiscaux de la Corrèze sur son avancement au grade de conservateur des hypothèques et, d'autre p

art, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 41 948 euros en...

Vu la requête, reçue par télécopie le 10 février 2010 et par courrier le 12 février 2010, enregistrée au greffe de la Cour sous le n°09BX00347 présentée pour M. Serge A, demeurant ... par Me Aljoubahi, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800065 en date du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'avis émis le 11 septembre 2007 par la directrice des services fiscaux de la Corrèze sur son avancement au grade de conservateur des hypothèques et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 41 948 euros en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi faute d'avoir obtenu l'avancement sollicité ;

2°) de déclarer illégal le tableau d'avancement au grade de conservateur des hypothèques établi le 23 novembre 2007 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 41 948 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2009, date de sa demande préalable, en réparation du préjudice consécutif à la perte de chance d'obtenir l'avancement recherché ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

Vu le décret n° 95-866 du 2 août 1995 fixant le statut particulier des personnels de catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des impôts ;

Vu le décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2010,

-le rapport de M. Cristille, premier conseiller,

- les observations de Me Madiane pour M. A,

- les conclusions de Mme Fabien, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que M. Serge A, alors titulaire du grade d'inspecteur départemental de première classe et qui réunissait les conditions statutaires pour être promu au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, a demandé le 4 septembre 2007 à participer au mouvement de conservateurs des hypothèques au titre de l'année 2008 ; que la directrice des services fiscaux de la Corrèze, supérieur hiérarchique de M. A, a formulé le 11 septembre 2007 un avis réservé sur sa candidature ; que M. A n'a pas figuré sur le tableau d'avancement au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, établi le 23 novembre 2007 après consultation de la commission administrative paritaire compétente ; que M. A a demandé au Tribunal administratif de Limoges d'annuler l'avis de la directrice des services fiscaux et de condamner l'Etat à réparer le manque à gagner en terme de traitement d'activité et de droits à la retraite résultant pour lui de l'avancement de grade qu'il n'a pas pu obtenir ; que par jugement du 3 décembre 2009, le Tribunal administratif de Limoges a refusé de faire droit à sa demande ; que M. A fait appel de ce jugement en recherchant la responsabilité de l'Etat à raison de l'illégalité fautive du tableau d'avancement du 23 novembre 2007 pour l'accès au grade de conservateur des hypothèques et en demandant la réparation de la perte de chance d'obtenir un avancement au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie ;

Sur la fin de non recevoir présentée devant la Cour par le ministre chargé du budget :

Considérant que si la demande adressée le 19 janvier 2008 par M. A au Tribunal administratif tendait, pour partie, à l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis en date du 11 septembre 2007 de la directrice des services fiscaux de la Corrèze, cette demande tendait, à titre principal, à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice matériel que M. A estime avoir subi pour n'avoir pu obtenir l'avancement au grade de conservateur des hypothèques sur lequel il pouvait compter ; qu'il est, dès lors, recevable à demander, par la voie de l'appel, l'indemnisation de la perte de chance d'être nommé au grade de conservateur des hypothèques en 2008 que l'illégalité fautive du tableau d'avancement du 23 novembre 2007 lui aurait causée, un tel moyen relevant de la même cause juridique que les contestations relatives à sa créance soulevées en première instance ; que le ministre n'est pas fondé à soutenir que cette demande constituerait une demande nouvelle et serait, par suite, irrecevable ;

Sur la responsabilité :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que M. A affirme, sans être contredit, que les manquements et le défaut de rigueur dans la gestion de certains dossiers que la directrice des services fiscaux de la Corrèze lui reproche, sans autre précision, dans l'avis litigieux du 11 septembre 2007 visent, d'une part, un litige de recouvrement d'imposition concernant la commune de Boulanzac et, d'autre part, un problème de TVA perçue à tort pour un lotissement par la commune de Peyrignac dont il est le maire, qui est étranger à ses fonctions administratives ; qu'en l'absence d'éléments produits par l'administration permettant d'établir de façon suffisamment probante que, malgré les arguments contraires et précis avancés par M. A, l'attitude de celui-ci dans ces deux affaires aurait été critiquable ou que les droits du Trésor public auraient été lésés, M. A est fondé à soutenir que l'avis réservé émis par la directrice des services fiscaux de la Corrèze sur sa candidature au grade de conservateur des hypothèques repose sur des constatations matériellement inexactes et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que si l'avis réservé émis le 11 septembre 2007 par la directrice des services fiscaux de la Corrèze n'est pas détachable de la procédure d'établissement du tableau d'avancement au grade de conservateur des hypothèques et ne constitue pas un acte faisant grief au requérant ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif, il résulte de l'instruction que la proposition motivée du chef de service est, avec les notations, l'un des deux critères pris en considération pour l'appréciation de la valeur professionnelle des candidats au titre de l'avancement au grade recherché ; que la commission administrative paritaire quand elle a été consultée le 22 novembre 2007 sur le projet de tableau d'avancement au grade de conservateur des hypothèques pour l'année 2008, ainsi que le confirme le procès-verbal de la séance, tout comme l'autorité administrative qui a arrêté ledit tableau d'avancement avaient en leur possession l'avis réservé de la directrice des services fiscaux de la Corrèze ; que, dès lors, cet avis a nécessairement influencé l'examen du dossier de M. A en vue de l'inscription de celui-ci au tableau d'avancement à ce grade ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et alors même qu'il n'avait aucun droit mais seulement vocation à figurer au tableau d'avancement, que M. A aurait disposé, en l'absence de cet avis fautif, de chances sérieuses d'accéder au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, à raison, d'une part, de sa manière de servir qui a fait l'objet d'appréciations favorables tout au long de sa carrière et à raison, d'autre part, de son ancienneté de service supérieure à celle de cinq agents inscrits sur le tableau d'avancement de 2008 dont il n'est pas établi ni même allégué qu'ils n'auraient pas été finalement nommés à ce grade ; que l'administration n'apporte pas d'éléments de nature à réduire la portée de l'évaluation des mérites et de l'ancienneté de service de M. A quant à ses chances d'avancement ; que, dans ces conditions, M. A est fondé à soutenir qu'il a perdu une chance sérieuse d'avancement au grade supérieur du fait de l'avis illégal de sa responsable hiérarchique et que la responsabilité de l'Etat est engagée à son égard ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a refusé de faire droit aux conclusions indemnitaires de M. A ;

Sur le préjudice :

Considérant que si M. A avait été nommé ainsi qu'il en avait des chances sérieuses au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, il aurait perçu la différence entre les rémunérations qui lui ont été effectivement versées et celles plus élevées auxquelles un reclassement au grade supérieur lui ouvrait droit ; qu'il aurait également pu faire valoir ses droits à la retraite le 17 novembre 2008 sur la base d'un indice supérieur et aurait bénéficier d'un montant de pension plus important que celui effectivement servi ; qu'ainsi, le préjudice invoqué par M. A résultant de la perte de rémunération pendant la période d'activité et de la minoration de sa pension de retraite présente un caractère suffisamment certain ; que dans les circonstances de l'affaire compte tenu de l'ampleur de la chance perdue par M. A de bénéficier d'un déroulement de carrière sur le grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, de l'écart entre la rémunération perçue et celle qui lui aurait été versée en cas d'avancement, de la différence entre la pension qu'il reçoit et celle à laquelle il aurait pu prétendre et de son âge, il sera fait une appréciation suffisante de la réparation qui lui est due au titre de son préjudice en condamnant l'Etat à lui verser la somme totale de 8 000 euros, tous intérêts échus au jour du présent arrêt ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros demande au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°0800065 en date du 3 décembre 2009 du Tribunal administratif de Limoges est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. A.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A une somme de 8 000 euros tous intérêts échus à la date du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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10BX00347


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00347
Date de la décision : 07/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: Mme FABIEN
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-09-07;10bx00347 ?
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