La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2010 | FRANCE | N°10BX00074

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 13 septembre 2010, 10BX00074


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2010, présentée pour M. Khatchatour X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 décembre 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 août 2009 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Vienne de

lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans ...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2010, présentée pour M. Khatchatour X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 décembre 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 août 2009 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2010 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;

Considérant que M. X, de nationalité arménienne, est entré irrégulièrement en France, de même que son épouse, le 28 novembre 2005 ; qu'il a sollicité en janvier 2006 un titre de séjour en qualité de réfugié ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié par des décisions en date des 11 octobre 2006 et 29 novembre 2007, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile les 12 septembre 2007 et 1er avril 2009 ; que, durant le temps de l'examen de ses demandes d'asile, l'intéressé a bénéficié de récépissés successifs constatant le dépôt, puis le renouvellement, de sa demande de statut de réfugié ; qu'il a obtenu, à partir du mois de mars 2008, des autorisations provisoires de travail, qui lui ont permis d'être recruté, par des contrats à durée déterminée successifs, puis par un contrat à durée indéterminée en date du 30 août 2008, en tant qu'ouvrier dans une entreprise de métallurgie ; que le 5 mai 2009, son employeur lui a notifié son licenciement pour raisons économiques ; que, le 7 mai 2009, M. X a déposé une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant du contrat à durée indéterminée susmentionné et du fait qu'il avait signé, dans le cadre de la procédure de licenciement, un contrat de transition professionnelle ; que, par deux arrêtés distincts en date du 21 août 2009, le préfet de la Vienne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X ainsi qu'à son épouse, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. X fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 décembre 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 août 2009 le concernant ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée l'admission exceptionnelle au séjour de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 . ;

Considérant que ces dispositions définissent, pour les personnes qui ne satisfont pas aux conditions fixées par le code pour la délivrance des cartes de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-11 ou portant la mention salarié ou travailleur temporaire sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 et qui sollicitent leur régularisation, un régime d'admission exceptionnelle au séjour en France ; que par la référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10, le législateur a seulement entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 20 novembre 2007, limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, laquelle, aujourd'hui, est annexée à l'arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 18 janvier 2008 ; que, par suite, le requérant, qui, ainsi qu'il l'indique lui-même, n'a présenté sa demande que sur le fondement de l'article L. 313-14, ne peut utilement soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 ;

Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention vie privée et familiale répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire ; qu'à cet égard, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

Considérant, d'une part, que le requérant fait valoir que le centre de sa vie familiale est désormais en France, où il vit depuis plus de trois ans avec son épouse et leurs trois jeunes enfants, où est né leur plus jeune fils et où leurs deux aînés sont scolarisés, qu'ils ne peuvent retourner en Arménie, pays qu'ils ont fui en raison des menaces subies du fait de son engagement politique et où ils n'ont plus aucune attache, et qu'il est très bien intégré en France où il a toujours travaillé ; que, toutefois, les menaces invoquées en cas de retour en Arménie sont purement alléguées, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ayant d'ailleurs refusé de reconnaître à l'intéressé la qualité de réfugié ; que M. X a quitté l'Arménie à l'âge de 29 ans et son épouse à l'âge de 26 ans ; qu'il n'est pas démontré qu'ils seraient dépourvus d'attaches dans ce pays ; que les enfants, dont deux sont nés en Arménie, sont, pour ces derniers, au début de leur scolarité ; que le dernier enfant n'est pas encore scolarisé ; que les éléments dont fait état le requérant ne sont, en définitive, pas de nature à constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte portant la mention vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, d'autre part, qu'outre les considérations d'ordre familial rappelées ci-dessus, M. X fait valoir qu'il a été embauché par un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 30 août 2008 en tant qu'ouvrier dans une entreprise de métallurgie et que, si son employeur lui a notifié, le 5 mai 2009, son licenciement pour motif économique, il a aussitôt souscrit un contrat de transition professionnelle lequel, en contrepartie de sa renonciation aux indemnités de licenciement, lui donne une priorité de réembauche au sein de la même entreprise pendant une durée d'un an ; que, toutefois, les circonstances ainsi décrites, alors surtout qu'il n'est pas soutenu que le métier exercé par l'intéressé est au nombre de ceux qui sont caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tel par la liste annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008, ne sont pas, compte tenu en outre de ce qui a été dit précédemment, de nature à constituer des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet a pu légalement se fonder sur l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour refuser de délivrer à M. X un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de l'instruction que, s'il s'était fondé sur ce seul motif, il aurait pris la même décision ; que, par suite, le fait que l'arrêté contesté mentionne que l'intéressé ne remplit pas la condition posée par l'article L. 311-7 du même code est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de cet arrêté ;

Considérant enfin que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment à propos de la situation familiale de M. X, et de ce que rien, en conséquence, ne s'oppose à ce que la cellule familiale constituée de M. X, de son épouse et de leurs trois enfants se reconstitue en Arménie, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de la Vienne n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle du requérant ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, que, pour les raisons qui ont été exposées ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de la Vienne n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle du requérant ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que le requérant soutient qu'il serait particulièrement préjudiciable pour ses deux aînés scolarisés de devoir quitter l'école en plein milieu d'année scolaire alors même qu'ils sont en plein apprentissage des bases de français et de mathématiques, que ses enfants n'ont jamais connu l'école en Arménie ou même, s'agissant du dernier, qu'il n'a jamais connu que la France et que l'obligation de quitter le territoire engendrerait pour eux un changement radical et très déstabilisant ; que cependant, il ressort des pièces du dossier, comme cela a déjà été dit, que Samuel, né en 2000, et Garéguine, né en 2001, ne sont qu'au début de leur scolarité, puisqu'ils sont en cours élémentaire ; qu'ils sont tous deux nés en Arménie ; que si Ervin est né en 2007 en France, il est trop jeune pour être déjà scolarisé ; que rien ne s'oppose à ce que ces enfants puissent poursuivre ou débuter leur scolarité dans le pays d'origine de leurs parents, qui ont continué à parler arménien dans leur vie quotidienne ; que rien ne s'oppose non plus à ce qu'ils puissent bénéficier d'une vie familiale normale auprès de leurs deux parents en Arménie ; que dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au conseil de M. X la somme réclamée au titre desdits articles ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

''

''

''

''

5

No 10BX00074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00074
Date de la décision : 13/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MATRAT-SALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-09-13;10bx00074 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award