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21/10/2010 | FRANCE | N°10BX00907

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 21 octobre 2010, 10BX00907


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE qui demande à la Courd'annuler le jugement n° 1000998 du 9 mars 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. Fallou Mbacke A en annulant l'arrêté du 6 mars 2010 décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai

d'un mois et mis à la charge de l'État la somme de 1 200 € en applicatio...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE qui demande à la Courd'annuler le jugement n° 1000998 du 9 mars 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. Fallou Mbacke A en annulant l'arrêté du 6 mars 2010 décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et mis à la charge de l'État la somme de 1 200 € en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 1er octobre 2009 portant désignation de Mme Texier, président de chambre, en qualité de juge habilité à statuer en matière d'appel des jugements de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2010 :

* le rapport de Mme Texier, président de chambre ;

* et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ; qu'en vertu de l'article 371-2 du code civil : Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE à l'encontre de M. A, de nationalité sénégalaise, le 6 mars 2010, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a estimé que l'intéressé contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, dans la mesure de ses faibles moyens ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A ne vit avec aucune de ses enfants, l'une d'elles résidant même à Brest alors qu'il habite à Toulouse, qu'il est sans domicile fixe, qu'il ne produit qu'un ticket de caisse faisant état de l'achat de jouets pour un Noël et des attestations émanant des seules mères des enfants ; que lesdites attestations sont peu probantes, celles concernant la première enfant de M. A qui vit à Brest mentionnant une aide financière très limitée et des contacts importants avec sa famille au Sénégal, celles concernant sa seconde enfant qui vit à Toulouse mentionnant une présence régulière mais un rôle éducatif contestable ; qu'au demeurant, ces attestations ne sont étayées d'aucun témoignage de proche, de voisin ou d'enseignant ; que, dès lors, M. A ne saurait être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celles-ci ou depuis au moins deux ans ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. A en annulant l'arrêté du 6 mars 2010 décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention, pour ce motif ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Toulouse et devant la Cour ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il n'est pas allégué que M. A n'aurait pas eu la possibilité de répondre aux observations orales présentées à l'audience par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ni qu'il n'aurait pu prendre connaissance des pièces produites à l'audience ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté au motif que le préfet n'a pas produit d'observations écrites doit être écarté ;

En ce qui concerne l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ;

Considérant que M. A a fait l'objet d'un arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE en date du 20 octobre 2008 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ; que si M. A fait valoir qu'il n'a jamais eu connaissance de cet arrêté, il ne conteste pas qu'il a été correctement notifié à la dernière adresse connue par l'administration ; qu'il relevait ainsi de la situation prévue par les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le signataire de l'arrêté en litige, M. Pascal Bolot, administrateur civil hors classe, secrétaire aux affaires régionales de Midi-Pyrénées, a été habilité pour ce faire par délégation du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 9 novembre 2009 régulièrement publiée ;

Considérant que l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige, qui fait notamment état de sa présence en France depuis 2003, de la rupture de la communauté de vie avec son épouse et de ses deux enfants, que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a procédé, contrairement à ce que soutient l'intéressé, à un examen particulier de la situation personnelle de M. A ;

Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A n'entrait pas dans la catégorie des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une reconduite à la frontière en vertu des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, qui n'a pas méconnu ces dispositions, n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il est entré régulièrement en France en 2003, qu'il s'y est marié et a obtenu un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français renouvelé jusqu'en 2007, qu'il est père de deux enfants de nationalité française à l'entretien et à l'éducation desquelles il pourvoit, qu'il a travaillé quand il y était autorisé et qu'il détient une promesse d'embauche et, enfin, qu'il est parfaitement intégré dans la société française ; que, toutefois, le mariage de l'intéressé a été dissous par jugement de divorce rendu le 25 janvier 2005 par le Tribunal de grande instance de Toulouse, qui a accordé l'autorité parentale exclusive sur sa première enfant à la mère de celle-ci ; qu'ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; que son intégration en France n'est pas établie, dès lors qu'il ne justifie pas d'un domicile fixe, que la promesse d'embauche qu'il produit est peu probante et qu'il a été interpellé le 5 mars 2010 dans le cadre d'un flagrant délit de vol de vêtement ; qu'en outre, il ne conteste pas que des membres de sa famille proche, notamment sa mère et ses six frères et soeurs, vivent dans son pays d'origine ; que, par suite, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, le moyen tiré de ce que la décision qu'il conteste porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise n'est pas fondé et doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, compte tenu du jugement de divorce rendu le 25 janvier 2005 par le Tribunal de grande instance de Toulouse plaçant la première enfant de M. A sous l'autorité parentale exclusive de sa mère, de ce que M. A n'établit pas, comme il a été dit, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants avec lesquels il ne vit pas, et des effets d'une mesure d'éloignement, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision ordonnant le placement en rétention :

Considérant que la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant que M. A, contrairement à ce qu'il soutient, n'offrait pas de garanties de représentation suffisantes, dans la mesure où il est sans domicile fixe, qu'il ne possède pas de passeport en cours de validité et qu'il s'est soustrait à l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 20 octobre 2008 ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'a, dès lors, commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. A en annulant l'arrêté du 6 mars 2010 décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A étant rejetées, la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travailler, sous astreinte de 100 € par jour de retard, doivent être également rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme correspondant aux frais que l'avocat de M. A aurait réclamés à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1000998 du 9 mars 2010 du Tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée pour M. A devant le Tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel sont rejetées.

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Jeanne TEXIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 21/10/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10BX00907
Numéro NOR : CETATEXT000023162446 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-10-21;10bx00907 ?
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