La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2010 | FRANCE | N°09BX02717

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 04 novembre 2010, 09BX02717


Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 26 novembre 2009, la requête présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903776 du 26 octobre 2009 du Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé a, à la demande de M. Abdelkerim A, sa décision du 25 juin 2009 désignant le Tchad comme pays à destination duquel celui-ci serait renvoyé faute de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

2°) de rejeter la demande de M. A dirigée contre cett

e décision ;

.................................................................

Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 26 novembre 2009, la requête présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903776 du 26 octobre 2009 du Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé a, à la demande de M. Abdelkerim A, sa décision du 25 juin 2009 désignant le Tchad comme pays à destination duquel celui-ci serait renvoyé faute de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

2°) de rejeter la demande de M. A dirigée contre cette décision ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2010 :

- le rapport de Mme Viard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant que, par un arrêté en date du 25 juin 2009, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a refusé de délivrer à M. A, de nationalité tchadienne, un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible comme pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à ladite obligation ; que M. A a contesté cet arrêté devant le Tribunal administratif de Toulouse ; que les premiers juges ont annulé cet arrêté en tant qu'il fixait le Tchad comme pays de destination ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE fait appel de ce jugement en tant qu'il prononce cette annulation ; que, par la voie de l'appel incident, M. A demande à la Cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ainsi que ses conclusions à fin d'injonction ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE :

Considérant que, par un arrêté en date du 2 novembre 2009 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a accordé à Mme Sophie Pauzat, chef du bureau de l'asile et du contentieux des étrangers, signataire de la requête, en cas d'absence ou d'empêchement concomitant de Mme Dominique Bacle et de son adjointe, Mme Catherine Largenté, respectivement directrice et directrice adjointe de la réglementation et des libertés publiques, délégation à l'effet de signer les requêtes en appel devant les juridictions administratives concernant notamment le contentieux des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la requête doit être écarté ;

Sur la décision de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels est fondé le refus de séjour, est suffisamment motivé au regard des obligations découlant de la loi du 11 juillet 1979 ; que cette décision fait état notamment du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, de la demande d'asile de M. A et de ce que l'intéressé poursuit des études sans être titulaire d'un visa de long séjour lui permettant d'obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant ; que, par suite, la motivation de l'arrêté n'est pas de nature à révéler que le préfet se serait abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle et familiale du requérant ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'absence d'examen de sa situation personnelle et de l'insuffisance de motivation ne sauraient être accueillis ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; que, pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il vit en France, où il poursuit des études, depuis l'année 2004, que son frère, titulaire du titre de réfugié politique y réside régulièrement ainsi que deux autres de ses frères, une de ses soeurs et des oncles et tantes, qu'il envisage de se marier et qu'il n'a plus de famille dans son pays d'origine, ses parents résidant au Nigéria ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. A est entré en France en 2004 pour faire un stage dans le cadre des études qu'il poursuivait en Algérie, il est reparti dans ce pays et est revenu pour la dernière fois en France en 2006, à l'âge de 27 ans, où il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, non en qualité d'étudiant mais en qualité de réfugié politique ; que ce statut lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 13 mars 2009 ; que M. A est célibataire et sans enfant et ne fournit aucun élément sur l'ancienneté de sa relation avec une ressortissante camerounaise titulaire d'une carte de résident ; que, par suite, eu égard à la durée et à ses conditions de séjour en France et alors qu'il n'est pas dépourvu d'autres attaches familiales hors de France, le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux étrangers en situation irrégulière, notamment des dispositions des chapitres I et II du titre 1er du livre V, lesquelles ouvrent un recours suspensif de l'obligation de quitter le territoire français devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ce recours doit être présenté et jugé, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, M. A ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, d'une part, que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, d'autre part, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

Considérant que les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour étant rejetées, les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la décision en litige qui indique, d'une part, que M. A, dont la demande d'asile a été refusée, n'établit pas être exposé à des peines contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, que célibataire et sans enfant, l'intéressé n'établit pas être dépourvu de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine, est suffisamment motivée ; que cette motivation, qui précise la situation personnelle de M. A, ne révèle pas que le préfet ait procédé à un examen insuffisant de sa situation nonobstant le fait qu'elle ne précise pas que ses parents résident au Nigéria et qu'il n'a résidé que quelques années dans son pays d'origine ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision fixant le Tchad comme pays de destination, le tribunal administratif a considéré que le préfet avait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A soutient qu'il craint pour sa vie en cas de retour au Tchad dans la mesure où il milite pour le parti du Rassemblement pour le développement et le progrès ; que, toutefois, et alors qu'il a pu régulièrement faire proroger son passeport par l'ambassade du Tchad en Algérie en 2006, que le parti pour lequel il milite a présenté un candidat aux élections présidentielles qui ont eu lieu au Tchad en 2006, et que sa demande d'admission au statut de réfugié politique a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 26 octobre 2006, que par la Cour nationale du droit d'asile, le 13 mars 2009, la copie d'un mandat d'amener délivré par le procureur près de la Cour d'appel de N'Djamena le 13 avril 2008, dont l'authenticité n'est pas avérée, n'est pas de nature à établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine à la date de la décision en litige ; que le seul moyen ainsi soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit dès lors être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. A sera éloigné à défaut de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 26 octobre 2009 du Tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'elle porte sur la décision fixant le pays de destination ainsi que les conclusions incidentes qu'il a présentées devant la Cour sont rejetées.

''

''

''

''

5

N° 09BX02717


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre VIARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 04/11/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX02717
Numéro NOR : CETATEXT000023162474 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-11-04;09bx02717 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award