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18/11/2010 | FRANCE | N°10BX00242

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 18 novembre 2010, 10BX00242


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er février 2010, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ; le PREFET DE LA VIENNE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 0902197 en date du 31 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a, en premier lieu, annulé les arrêtés en date du 21 septembre 2009 ordonnant, d'une part, la reconduite à la frontière de M. Témuri A et son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité et, d'autre part, son placement en rétention, en deuxième lieu, enjoint de délivre

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er février 2010, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ; le PREFET DE LA VIENNE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 0902197 en date du 31 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a, en premier lieu, annulé les arrêtés en date du 21 septembre 2009 ordonnant, d'une part, la reconduite à la frontière de M. Témuri A et son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité et, d'autre part, son placement en rétention, en deuxième lieu, enjoint de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et, en dernier lieu, condamné l'Etat à verser au conseil de M. A une somme de 1 000 euros sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

2°) de rejeter les demandes de M. A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :

- le rapport de M. Braud, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant qu'après avoir fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, M. A, ressortissant arménien d'origine kurde, est revenu en France en 2005 ; qu'il a bénéficié à plusieurs reprises entre 2007 et 2009 d'autorisations provisoires de séjour en raison de son état de santé ; qu'après avoir appris en juillet 2009 que M. A faisait l'objet d'une interdiction du territoire Schengen en application d'une décision prise par la République Tchèque, le PREFET DE LA VIENNE a, par deux arrêtés en date du 21 septembre 2009, ordonné, d'une part, la reconduite à la frontière de M. A sur le fondement de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, son placement en rétention administrative pendant une durée de 48 heures ; que le PREFET DE LA VIENNE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 31 décembre 2009 annulant ces deux arrêtés et lui enjoignant de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le PREFET DE LA VIENNE, la santé est une composante du droit au respect de la vie privée et familiale ; que les premiers juges ont relevé qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat du médecin inspecteur de santé publique daté du 20 mai 2009, visé par l'arrêté ordonnant la reconduite d'office à la frontière de M. A, que l'état de santé de ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut avoir accès dans son pays d'origine aux soins nécessaires qui doivent être poursuivis pendant une période de six mois, soit jusqu'au 20 novembre 2009 ; qu'ils ont ajouté que le PREFET DE LA VIENNE n'établissait pas que l'état de santé de l'intéressé s'était amélioré à la date dudit arrêté ; qu'ils en ont déduit que, dans ces conditions, l'arrêté litigieux ordonnant la reconduite d'office à la frontière de M. A à destination du pays dont il a la nationalité porte atteinte à son intégrité physique à un degré de gravité disproportionné par rapport à l'importance des troubles à l'ordre public résultant des vols imputables à l'intéressé et des conditions dans lesquels ils ont été commis ainsi qu'au but poursuivi par cet arrêté ; que les premiers juges en ont conclu que, compte tenu de l'atteinte extrêmement grave à son intégrité physique et nonobstant le signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen dont il a fait l'objet, l'arrêté litigieux méconnaît les droits de M. A tels qu'ils sont garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE LA VIENNE ne produit en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du médecin inspecteur de santé publique sur l'état de santé de M. A ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'accueillir, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 21 septembre 2009 ordonnant la reconduite d'office à la frontière de M. A à destination du pays dont il a la nationalité ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que le conseil de M. A présente des conclusions sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par la décision du bureau d'aide juridictionnelle susvisée, M. A a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de condamner l'Etat à verser au conseil de M. A une somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA VIENNE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. A une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

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N° 10BX00242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00242
Date de la décision : 18/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BREILLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-11-18;10bx00242 ?
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