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25/11/2010 | FRANCE | N°09BX02018

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 25 novembre 2010, 09BX02018


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 août 2009 sous le n° 09BX02018, présentée pour Mme Marie-Pierre X, (cabinet MPC Avocats), demeurant ... par Me Arm, avocat ;

Mme X demande à la cour :

-1°) d'annuler le jugement n° 0700136 en date du 18 juin 2009 du Tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Corrèze à verser au cabinet MPC Avocats, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière d'un marché de prestations d'assistance juridique, une indemnité de 46.146

,94 euros hors taxe au titre du manque à gagner et une indemnité de 3.115 euros h...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 août 2009 sous le n° 09BX02018, présentée pour Mme Marie-Pierre X, (cabinet MPC Avocats), demeurant ... par Me Arm, avocat ;

Mme X demande à la cour :

-1°) d'annuler le jugement n° 0700136 en date du 18 juin 2009 du Tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Corrèze à verser au cabinet MPC Avocats, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière d'un marché de prestations d'assistance juridique, une indemnité de 46.146,94 euros hors taxe au titre du manque à gagner et une indemnité de 3.115 euros hors taxe correspondant aux frais exposés pour l'établissement de son offre ;

-2°) de condamner le département de la Corrèze à lui verser lesdites indemnités ;

-3°) de condamner le département de la Corrèze à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 31 mars 2004 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 octobre 2010 :

- le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;

- les observations de Me Cattier, avocat pour le département de la Corrèze ;

- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant qu'en juin 2006, le département de la Corrèze a, sur le fondement de l'article 30 du code des marchés publics, lancé une procédure de passation d'un marché ayant pour objet des prestations de conseil et d'assistance juridique et de représentation juridique ; que le cabinet MPC Avocats, représenté par Mme Marie-Pierre X, a présenté une offre pour le lot n° 1 portant sur l'assistance et le conseil en droit public et droit privé et pour le lot n° 2 portant sur l'assistance et le conseil en droit du travail et droit de la fonction publique ; que par courrier du 23 novembre 2006, le président du conseil général de la Corrèze l'a informé que son offre n'avait pas été retenue ; que Mme X, pour le cabinet MPC Avocats, fait appel du jugement en date du 18 juin 2009, en tant que le Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Corrèze à lui verser une somme totale de 49.261,94 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction qu'elle estime irrégulière ;

Sur l'appel incident du département de la Corrèze :

Considérant que, par la voie de l'appel incident, le département de la Corrèze demande l'annulation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a annulé, pour incompétence de son signataire, sa décision en date du 23 novembre 2006 rejetant l'offre du cabinet MPC Avocats ; que de telles conclusions soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal, qui ne porte que sur le rejet des conclusions indemnitaires présentées par le cabinet MPC Avocats ; que ces conclusions ayant été présentées après l'expiration du délai d'appel sont tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement que celui-ci comporte l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

Considérant que devant le tribunal administratif, la requérante soutenait, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, que la décision de rejet de son offre en date du 23 novembre 2006 était entachée d'un défaut de motivation ; qu'en considérant qu'un tel moyen, qui n'avait trait ni à l'objet du marché ni au choix du co-contractant, ne pouvait être utilement invoqué au soutien des conclusions indemnitaires, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen ainsi soulevé et n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer ;

Considérant que l'objet de l'appel principal est limité à la contestation du jugement en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires présentées par le cabinet MPC Avocats devant le tribunal ; que, par suite, la requérante ne peut utilement invoquer le moyen selon lequel pour annuler la décision du 23 novembre 2006 le tribunal s'est limité à retenir le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision mais ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré du défaut de motivation de ladite décision ;

Considérant que pour rejeter les conclusions indemnitaires du cabinet MPC Avocats, le tribunal, après avoir considéré que ce cabinet n'avait pas fait l'objet d'une éviction irrégulière, a estimé qu'il ne pouvait prétendre à l'indemnisation des frais engagés pour présenter son offre ni du manque à gagner qu'il soutenait avoir subi, étant au surplus et en tout état de cause dépourvu de la moindre chance d'obtenir le marché, compte tenu du classement de son offre ; que le tribunal a ainsi suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par la requérante que le département ne s'est pas fondé sur un sous-critère tiré de l'implantation géographique des candidats pour apprécier les offres ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait répondu de manière surabondante à un tel moyen, qui n'avait pas été soulevé, est sans influence sur la régularité du jugement ;

Sur les conclusions à fins d'indemnisation :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la décision de rejet de l'offre :

Considérant que Mme X ne peut utilement invoquer au soutien de ses conclusions indemnitaires les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision de rejet de l'offre du cabinet MPC Avocats en date du 23 novembre 2006 ou de l'insuffisante motivation de cette décision, qui n'ont pas trait à l'objet du marché ni au choix du co-contractant et ne permettent pas d'apprécier si ce candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le marché ;

Sur le moyen relatif à l'application de critères non communiqués aux candidats :

Considérant que le règlement de consultation adressé aux candidats au marché de services juridiques passé par le département de la Corrèze prévoit que les critères pondérés pour juger les offres sont la valeur technique de celles-ci pour un coefficient 4 et le prix des prestations pour un coefficient 3, chaque critère étant noté de 1 à 4 ; que le même règlement prévoit que la présentation des offres doit comporter notamment un bordereau des prix et un mémoire contenant une présentation des différents moyens humains affectés (nombre, expérience et diversité des interlocuteurs dédiés), une présentation des modalités de consultation (modalités de saisine, réactivité, disponibilité) et du traitement des demandes, une présentation des éventuelles prestations associées et les modalités de fonctionnement ;

Considérant qu'il résulte de l'examen du tableau d'analyse des offres que le moyen selon lequel le département a appliqué, pour procéder au choix des offres, des sous-critères tirés des relations d'affaires existant antérieurement et de la détention de certificats de spécialisation manque en fait ; qu'il résulte de l'instruction que lors de l'ouverture des enveloppes contenant les candidatures et de la vérification de leur caractère complet, le département s'est borné à mentionner l'information selon laquelle l'un des candidats était son conseil depuis plus de dix ans et à préciser que certains candidats avaient joint des certificats de spécialisation ;

Considérant qu'il résulte du tableau d'analyse des offres que le département de la Corrèze n'a pas utilisé un sous-critère relatif à la taille de la structure de chaque candidat, non prévu dans le règlement de consultation, mais s'est borné à détailler pour chaque offre les moyens humains affectés par chaque candidat à la mission, conformément aux prescriptions du règlement de consultation, un tel renseignement devant figurer dans le mémoire de présentation des offres ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'utilisation d'un sous-critère relatif à la taille de la structure serait de nature à établir que le département n'avait pas suffisamment déterminé les besoins de ses services avant de procéder à la consultation ;

Sur le moyen tiré de la violation du secret professionnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le règlement de consultation du marché en cause prévoyait que le candidat devait présenter dans son dossier de candidature ses références pour des prestations similaires déjà réalisées , dont la présentation devait être faite dans le respect des règles légales et déontologiques applicables à sa profession ; qu'ainsi, le département de la Corrèze a pris en compte l'obligation de respect du secret professionnel s'imposant aux candidats ; que la circonstance que le rapport d'analyse des candidatures préciserait que les références professionnelles présentées par le précédent titulaire du contrat d'assistance juridique du département de la Corrèze depuis dix ans, correspondraient aux domaines relevant de la compétence d'un département, notamment aux dossiers du département de la Corrèze, n'est pas de nature à établir la méconnaissance du principe de l'anonymat des références ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 58 du code des marchés publics :

Considérant que la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 58 du code des marchés publics, qui régit la procédure d'appel d'offres, dès lors que le marché en litige a été passé selon la procédure adaptée prévue par l'article 30 du même code ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée :

Considérant que la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir, au soutien de ses conclusions indemnitaires, que le critère relatif au prix des prestations méconnaît le principe de libre fixation des honoraires des avocats, prévus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et la directive 2004-18CE, dès lors que les stipulations financières du contrat résulteront d'un accord conventionnel entre le département de la Corrèze et le candidat retenu ;

Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics, auquel renvoie expressément le règlement de consultation du marché en cause : I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du tableau d'analyse des offres, que pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, le département de la Corrèze a constaté s'agissant du lot n° 1, que le cabinet attributaire comportait quatre avocats disponibles en permanence et faisait preuve d'une assistance juridique très rapide et d'une assistance importante par écrit ; qu'il ressort du tableau d'analyse des offres, ainsi que du mémoire présenté par le cabinet MPC Avocats, que le délai de réponse de ce cabinet aux demandes de la collectivité était supérieur à celui du cabinet attributaire, notamment en cas d'urgence, et que la disponibilité de ses membres était moindre ; qu'il n'était pas prévu d'interlocuteur particulier dédié à la collectivité ; que s'agissant du lot n° 2, il ressort du tableau d'analyse des offres que le cabinet attributaire proposait quatre avocats dédiés au traitement des demandes du département présentant une spécialisation dans le domaine de la fonction publique territoriale et faisait preuve d'une grande disponibilité et d'un délai de réponse très rapide notamment en cas d'urgence ; que l'offre de MPC Avocats présentait des délais de traitement des demandes supérieurs, ne précisait pas les interlocuteurs du département au sein du cabinet et comprenait un effectif d'avocats inférieur à celui du cabinet attributaire et qui en outre ne disposaient pas de spécialisation ; que, par suite, le président du conseil général de la Corrèze n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas l'offre présentée par le cabinet MPC Avocats pour les lots n° 1 et n° 2 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le cabinet MPC Avocats n'avait aucune chance de remporter le marché en cause ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant au remboursement des frais engagés pour présenter son offre et à l'indemnisation de son manque à gagner ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande du cabinet MPC Avocats ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Corrèze, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département de la Corrèze présentées sur le fondement du même article ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X et l'appel incident du département de la Corrèze sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions du département de la Corrèze présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 09BX02018


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : SIMARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 25/11/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX02018
Numéro NOR : CETATEXT000023162463 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-11-25;09bx02018 ?
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