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29/11/2010 | FRANCE | N°10BX01653

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 29 novembre 2010, 10BX01653


Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2010, présentée pour M. Anushavan X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 juin 2010 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2010 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Arménie comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet, à tit

re principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. ...

Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2010, présentée pour M. Anushavan X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 juin 2010 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2010 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Arménie comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 6 septembre 2010 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs et l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2010 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les observations de M. X ;

- les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;

- La parole ayant à nouveau été donnée à M. X ;

Considérant qu'après avoir vécu une douzaine d'années en Ukraine avec sa famille, M. X, né en 1971, de nationalité arménienne, est entré irrégulièrement en février 2007 en France, où il a été rejoint, au mois de novembre de la même année, par sa compagne, Mme Y et leurs trois enfants, tous de nationalité arménienne ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté ses demandes d'asile ainsi que celles de sa compagne ; qu'il a, le 22 septembre 2008, présenté, en même temps que cette dernière, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sollicitant une régularisation à titre exceptionnel pour des motifs humanitaires ; que, le 1er mars 2010, le préfet de la Charente-Maritime a pris deux arrêtés identiques, à l'encontre de M. X et de Mme Y, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Arménie comme pays de destination ; que M. X fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 juin 2010 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er mars 2010 le concernant ;

Considérant que, devant les premiers juges, M. X a soulevé un moyen tiré du détournement de pouvoir ; que le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Charles, secrétaire général de la préfecture, a reçu une délégation de signature en date du 27 novembre 2009, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture en date du même jour ; qu'il ressort de l'examen de ce document que le préfet lui a donné délégation pour signer tous actes, correspondances et décisions, à l'exception : - des actes pour lesquels une délégation a été confiée à un chef de service de l'Etat dans le département ; - des arrêtés de conflit ; - de la réquisition du comptable. ; qu'une telle délégation ne saurait être regardée comme générale et imprécise ; que M. Charles était ainsi compétent pour signer l'arrêté en litige ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; qu'il ressort de l'examen de la décision en litige que celle-ci vise les textes sur lesquels elle se fonde et relate la situation personnelle et familiale de l'intéressé, de sorte que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ;

Considérant que M. X revendique l'application des dispositions précitées en se prévalant de son intégration dans la société française, de la scolarité poursuivie en France par ses trois enfants ainsi que des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine compte tenu des origines azéries de sa compagne ; que, toutefois, la réalité de ces risques ne ressort pas des pièces produites au dossier et les autres circonstances invoquées ne sont pas de nature à faire regarder comme entachée d'erreur manifeste l'appréciation portée par le préfet de la Charente-Maritime au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 ;

Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que le préfet a tardé à opposer un rejet explicite à la demande de titre de séjour que le requérant avait présentée le 22 septembre 2008 n'est pas, par elle-même, de nature à révéler un détournement de pouvoir ; que, par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si l'aîné des trois enfants de M. X est né en Arménie, il a quitté ce pays à l'âge de deux ans pour vivre en Ukraine, puis en France où il est scolarisé depuis plus de deux ans ; que, depuis son arrivée en France, il prépare un baccalauréat professionnel et s'est également fait remarquer par ses aptitudes sportives dans le domaine de la boxe ; que les deux autres enfants de M. X, qui sont nés en Ukraine en 1999 et 2000 et n'ont jamais vécu en Arménie, sont scolarisés, à la date de la décision attaquée, en CE2 et CM1, se sont adaptés à une scolarité française et obtiennent des résultats encourageants ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que ces enfants pourraient reprendre une scolarité normale en Arménie, alors qu'ils résidaient et étaient scolarisés depuis plus de deux ans en France à la date de l'arrêté attaqué, ni qu'ils pourraient reprendre une telle scolarité dans un pays étranger autre que celui dont leurs parents ont la nationalité ; que, dans ces conditions, l'obligation faite à M. X de quitter le territoire français, alors que l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs suppose la poursuite de la scolarité de ces derniers en France, doit être regardée comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'elle doit donc être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi contenues dans l'arrêté litigieux du 1er mars 2010 ;

Sur les conclusions en injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de munir M. X d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait été à nouveau statué sur sa situation ;

Sur les conclusions au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 combiné avec l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SCP Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles la somme de 1 000 euros au titre desdits articles, sous réserve que la SCP renonce à percevoir la part contributive de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 1er mars 2010 sont annulées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 juin 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Charente-Maritime de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa situation.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la SCP Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que la SCP renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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No 10BX01653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01653
Date de la décision : 29/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MATRAT-SALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-11-29;10bx01653 ?
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