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21/12/2010 | FRANCE | N°10BX00420

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 21 décembre 2010, 10BX00420


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 février 2010 sous le n° 10BX00420, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, représenté par son directeur, par la S.E.L.A.R.L. d'avocats Montazeau et Cara ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0702271 en date du 8 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à verser à Mme X une indemnité totale de 3 500 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie le 15 no

vembre 2000 et a mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 février 2010 sous le n° 10BX00420, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, représenté par son directeur, par la S.E.L.A.R.L. d'avocats Montazeau et Cara ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0702271 en date du 8 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à verser à Mme X une indemnité totale de 3 500 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie le 15 novembre 2000 et a mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 4 100 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de Mme X une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2010 ;

le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;

les observations de Me Cara pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE

et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que Mme Ornella X, née M. Christian X, qui présentait des troubles de l'identité sexuelle a été prise en charge en 1999 au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, dans le cadre d'une démarche de réassignation sexuelle ; que l'intéressée a été opérée, le 15 novembre 2000, au sein du service de chirurgie plastique et reconstructrice du centre hospitalier pour la réalisation d'une génitoplastie féminisante; que les complications survenues à la suite de cette intervention ont nécessité une greffe de peau réalisée le 4 décembre 2000 ; que la transformation chirurgicale a imposé une reprise effectuée en même temps qu'une implantation de prothèses mammaires, le 16 mars 2001 ; que Mme X a subi deux nouvelles interventions plastiques en Suisse, les 11 janvier et 21 mai 2002 ; qu'elle reproche au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, la faible profondeur de la cavité néovaginale réalisée à l'occasion de l'intervention du 15 novembre 2000 qui rendait l'organe insuffisamment fonctionnel malgré le respect du protocole de soins postopératoires et l'a contrainte à subir deux nouvelles interventions chirurgicales en Suisse ; que par un jugement en date du 8 décembre 2009, le Tribunal administratif de Toulouse a condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE à lui verser une somme de 3 500 euros en réparation de ses préjudices ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE fait appel de ce jugement ; que par la voie de l'appel incident, Mme Y demande que cette indemnité soit portée dans le dernier état de ses écritures à la somme de 155 000 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne demande à la cour de condamner l'hôpital à lui rembourser le montant de ses prestations ;

Sur la régularité de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse par ordonnance du 30 septembre 2005 a convoqué à la séance expertale qu'il a organisée le 22 février 2006 toutes les parties intéressées qui ont disposé, en outre, d'un délai suffisant pour présenter des observations sur le rapport d'expertise avant sa clôture ; que ce rapport qui retrace de manière circonstanciée l'histoire personnelle et médicale de Mme X et procède à l'analyse critique des faits litigieux est de nature à éclairer le juge administratif par les conclusions qu'il a tirées de l'examen de l'affaire ; qu'il ressort de la lecture de ce rapport que l'expert a répondu aux diverses questions posées par le tribunal et a pris position sur l'évaluation des postes de préjudice corporel alors même qu'il a conclu finalement à leur absence ; qu'à supposer que l'expert se serait mépris sur la finalité de la génitoplastie, cette circonstance autoriserait Mme X à contester la pertinence du rapport ou les conclusions à en tirer, mais n'est pas de nature à vicier la régularité de l'expertise ; que, dès lors, Mme X n'est pas fondée à soutenir que l'expertise aurait eu lieu dans des conditions irrégulières et serait dénuée de valeur probante ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prescrire l'expertise complémentaire sollicitée ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par les premiers juges qu'aucune faute n'a été relevée dans l'exécution de l'intervention du 15 novembre 2000 et que le choix de la technique opératoire consistant à réutiliser les organes sexuels masculins pré existants était conforme aux données acquises de la science médicale et adaptée à l'état de Mme X ; qu'ainsi et alors même qu'il pouvait être recouru à une autre technique opératoire au demeurant susceptible d'atteindre un meilleur résultat compte tenu de la conformation anatomique de Mme X, la technique chirurgicale mise en oeuvre ne saurait être regardée, en l'espèce, comme un choix thérapeutique constitutif d'une faute médicale dès lors que le procédé utilisé n'était pas contre-indiqué et que les autres techniques opératoires plus lourdes présentaient, elles-mêmes, des inconvénients ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que lors de l'intervention du 15 novembre 2000, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'encontre de Mme X ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'autre moyen invoqué par Mme Z devant le tribunal administratif ;

Considérant que lorsqu'un acte médical, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation d'information ; que le défaut d'information peut ouvrir droit à réparation alors même qu'il portait sur un risque, finalement réalisé, qui a entraîné une aggravation temporaire réparée par d'autres interventions ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a été prise en charge par le groupe toulousain d'étude du transsexualisme à compter de février 1999 et a été suivie régulièrement par cette équipe médicale, comportant différents praticiens hospitaliers spécialisés, jusqu'au 15 novembre 2000, date de l'intervention litigieuse dans le but de vérifier la volonté de la patiente de subir une telle intervention et de s'assurer que son état correspondait à la définition du transsexualisme ; que si l'intéressée soutient ne pas avoir été informée de toutes les suites possibles de cette opération, il résulte du certificat médical en date du 15 janvier 2001 établi par un professeur de médecine et par les médecins qui l'ont suivie, pour obtenir la prise en charge de l'opération que Mme X a été informée du résultat qu'elle pouvait escompter de l'opération chirurgicale, de ses possibilités mais aussi de ses inconvénients et de ses limites, notamment la perte définitive de la capacité de procréation, ainsi que des incertitudes concernant la fonction érotique ; que cet élément complétant la durée du suivi médical pluridisciplinaire dont Mme X a fait l'objet avant l'intervention, est de nature, eu égard à la spécificité de la réassignation sexuelle, à établir qu'elle a été correctement et suffisamment informée des risques, notamment de déficience sexuelle des organes reconstitués, liés aux interventions qu'elle a subies ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'information doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE ; que, par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à verser une indemnité de 3 500 euros à Mme X ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter l'appel incident de Mme X ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 100 euros, à la charge définitive du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE les sommes que Mme X et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne demandent au titre des frais exposés par celles-ci et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme X la somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 8 décembre 2009 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel incident sont rejetés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sont rejetées.

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N°10BX00420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00420
Date de la décision : 21/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : MONTAZEAU ET CARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-12-21;10bx00420 ?
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