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23/12/2010 | FRANCE | N°09BX01556

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 23 décembre 2010, 09BX01556


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 juillet 2009, sous le n° 09BX01556, présentée pour la société FRANCE TELECOM dont le siège est 6, place d'Alleray à Paris cedex 15 (75505) ; FRANCE TELECOM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 mai 2009 du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a, sur la demande de M. Gabriel X, d'une part, annulé sa décision du 13 février 2006 refusant les demandes de ce dernier, d'autre part, mis à sa charge la somme de 6 000 euros tous intérêts confondus au titre des préjudices subis par lui ;

2°) de

rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

3°...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 juillet 2009, sous le n° 09BX01556, présentée pour la société FRANCE TELECOM dont le siège est 6, place d'Alleray à Paris cedex 15 (75505) ; FRANCE TELECOM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 mai 2009 du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a, sur la demande de M. Gabriel X, d'une part, annulé sa décision du 13 février 2006 refusant les demandes de ce dernier, d'autre part, mis à sa charge la somme de 6 000 euros tous intérêts confondus au titre des préjudices subis par lui ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu les décrets n° 72-503 du 23 juin 1972 et n° 90-1237 du 31 décembre 1990 ;

Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2010 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- les observations de Me Cesso, avocat de M. X ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Cesso ;

Considérant que, par lettre du 6 février 2006 adressée au président de FRANCE TELECOM, M. X, membre du corps de reclassement des agents d'exploitation du service général, titulaire du grade d'agent d'administration principal, a demandé l'établissement de listes d'aptitude au titre des années 2002 à 2004 pour l'accès au corps des contrôleurs, son inscription sur ces listes, ainsi que l'indemnisation du préjudice financier, moral et de carrière qu'il estimait avoir subi ; qu'il s'est heurté à un refus exprès daté du 13 février 2006 ; que, par un unique mémoire, enregistré le 4 avril 2006, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de refus du 13 février 2006, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à FRANCE TELECOM de dresser les listes d'aptitude demandées et de procéder à son inscription sur ces listes, enfin, à la condamnation de FRANCE TELECOM à lui verser une indemnité majorée des intérêts légaux d'un montant de 11 192 euros en réparation de son préjudice financier subi depuis l'année 2002 et une indemnité de 7 808 euros en réparation de son préjudice moral subi depuis la mise en oeuvre de la réforme de FRANCE TELECOM ; que le tribunal administratif de Bordeaux a, par l'article 1er de son jugement du 14 mai 2009, annulé la décision du 13 février 2006, par l'article 2, condamné FRANCE TELECOM à verser à M. X une somme de 6 000 euros en réparation des préjudices subis, tous intérêts confondus et, par l'article 3, rejeté le surplus de sa requête, comprenant notamment ses conclusions aux fins d'injonction que le tribunal n'a pas accueillies au motif que l'annulation qu'il prononçait n'impliquait pas l'établissement de listes d'aptitude pour l'accès au corps des contrôleurs au titre des années 2002 à 2004 ; que FRANCE TELECOM fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable, c'est-à-dire en tant qu'il annule sa décision du 13 février 2006 et qu'il fait droit aux prétentions indemnitaires de M. X ; que, par la voie de l'appel incident, M. X conteste ce même jugement en tant qu'il lui accorde une réparation qu'il estime insuffisante et demande à la cour de lui allouer les mêmes indemnités au titre des mêmes préjudices et des mêmes périodes que celles demandées en première instance ainsi que la condamnation de FRANCE TELECOM au paiement d'une amende pour recours abusif ; que ces dernières conclusions tendant à l'infliction de l'amende prévue par l'article R. 741-12 du code de justice administrative, qui procède d'un pouvoir propre du juge, sont irrecevables ;

Sur la légalité du refus du 13 février 2006 de FRANCE TELECOM et l'engagement de sa responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de FRANCE TELECOM de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de FRANCE TELECOM, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par FRANCE TELECOM cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de FRANCE TELECOM a, de même, commis une illégalité ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de FRANCE TELECOM, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France TELECOM, dont celui des contrôleurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le refus contesté du 13 février 2006, qui procède de l'application de dispositions statutaires devenues illégales, est lui-même illégal ; qu'il suit de là que FRANCE TELECOM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a annulé ; qu'en outre, l'illégalité fautive commise par FRANCE TELECOM, qui a refusé de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés, est de nature à entraîner sa responsabilité, sans qu'elle puisse utilement invoquer, pour s'exonérer de cette responsabilité, ni la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que, toutefois, le comportement fautif de FRANCE TELECOM n'ouvre droit à réparation au profit de M. X que, pour autant qu'il soit à l'origine d'un préjudice certain, personnel et direct subi par lui ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant que M. X, membre du corps de reclassement des agents d'exploitation du service général de FRANCE TELECOM, titulaire du grade d'agent d'administration principal, placé en congé de fin de carrière depuis avril 2006, soutient qu'il remplissait dès 1991 les conditions statutaires pour accéder, par inscription sur une liste d'aptitude, au corps des contrôleurs de FRANCE TELECOM ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des précisons apportées par M. X, restées sans contredit, que des propositions d'accéder à des fonctions supérieures lui ont été faites à plusieurs reprises depuis 1994 sous la condition qu'il accepte d'être reclassifié et que ces fonctions étaient du niveau de celles susceptibles d'être occupées par des contrôleurs ; que, dans ces conditions sa perte de chance d'accéder à ce corps supérieur, dans lequel il a été nommé en mars 2006, doit être regardé comme établie pour la période de 2002 à 2004 qu'il invoque ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice de carrière subi au cours de cette période en l'évaluant à la somme de 5 000 euros tous intérêts confondus ;

Considérant, en outre, que la faute consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, est la source d'un préjudice moral subi par M. X ; qu'il est en droit d'en obtenir réparation sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir alors emprunté les voies de promotion offertes par les corps de reclassification ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme globale de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité globale de 6 000 euros au versement de laquelle le tribunal administratif de Bordeaux a condamné FRANCE TELECOM doit être portée à la somme de 10 000 euros tous intérêts confondus ; qu'il suit de là, d'une part, que M. X est fondé à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué, d'autre part, que l'appel de FRANCE TELECOM doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par FRANCE TELECOM au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de FRANCE TELECOM la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par M. X ;

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité au versement de laquelle le tribunal administratif de Bordeaux a condamné FRANCE TELECOM est portée à la somme de 10 000 euros tous intérêts confondus.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mai 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de FRANCE TELECOM et le surplus de l'appel incident de M. X ainsi que ses conclusions tendant à l'infliction d'une amende pour recours abusif sont rejetés.

Article 4 : FRANCE TELECOM versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 09BX01556


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : DE GUILLENCHMIDT et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 23/12/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX01556
Numéro NOR : CETATEXT000023492780 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-12-23;09bx01556 ?
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