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23/12/2010 | FRANCE | N°09BX02176

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 23 décembre 2010, 09BX02176


Vu la requête, enregistrée en télécopie au greffe de la cour le 9 septembre 2009 et en original le 14 septembre 2009, présentée pour Mme Mathurine X demeurant ... ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 26 juin 2009, par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser une somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

2°) de condamner La Poste à lui verser une indemnité de 45 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 5

00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée en télécopie au greffe de la cour le 9 septembre 2009 et en original le 14 septembre 2009, présentée pour Mme Mathurine X demeurant ... ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 26 juin 2009, par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser une somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

2°) de condamner La Poste à lui verser une indemnité de 45 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu les décrets n° 58-777 du 25 août 1958 et n° 91-103 du 25 janvier 1991 ;

Vu les décrets n° 64-953 du 11 septembre 1964 et n° 90-1238 du 31 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2010 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- les observations de Me Bellanger de la SCP Granrut avocats, avocat de La Poste ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Bellanger ;

Considérant que, par un mémoire enregistré le 12 septembre 2005, le tribunal administratif de Fort-de-France a été saisi par Mme X, membre du corps de reclassement des contrôleurs, d'une demande indemnitaire dirigée contre La Poste ; que le tribunal a analysé cette demande comme tendant à la réparation de préjudices résultant, d'une part, du blocage de sa carrière, d'autre part, de faits de harcèlement moral invoqués par la requérante ; que, par un jugement du 26 juin 2009, le tribunal a rejeté au fond les conclusions de Mme X aux motifs, d'une part, que le blocage de sa carrière ne procédait pas d'un comportement fautif de la part de La Poste, d'autre part, que les faits dont elle se plaignait n'étaient pas constitutifs du harcèlement moral visé par l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 12 juillet 1983 ; que Mme X fait appel de ce jugement sans contester cependant l'analyse faite par les premiers juges de ses conclusions, qui n'est pas non plus contestée par La Poste ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que le mémoire introductif d'instance du 12 septembre 2005 de Mme X, qui était suffisamment précis quant à ses conclusions pécuniaires et aux moyens dont ces conclusions étaient assorties, avait été précédé d'une demande préalable datée du 30 juin 2005, à laquelle La Poste avait répondu par un courrier daté du 12 juillet 2005 ; que ces conclusions étaient donc recevables quant à leur forme, au délai de recours et à la liaison du contentieux ; que la circonstance qu'une demande semblable avait fait l'objet d'une instance enregistrée le 16 mars 2005, laquelle avait donné lieu à un désistement de la part de Mme X le 7 octobre 2005, ce dont une ordonnance du 31 octobre 2005 lui a donné acte, ne lui interdisait pas de reprendre son action indemnitaire à l'encontre de La Poste après le rejet de sa réclamation préalable, dès lors que ce désistement, qui a pu être motivé par l'absence de liaison du contentieux lors de l'enregistrement de la première demande et par la présentation d'un second recours, doit être regardé, dans ces conditions particulières, comme un désistement d'instance ;

Sur la responsabilité de La Poste pour blocage de carrière :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant que, pour rejeter la demande indemnitaire de Mme X, qui se plaignait du blocage de sa carrière, faute en particulier qu'aient été établies des listes d'aptitude lui permettant d'accéder au corps supérieur des contrôleurs divisionnaires, et aussi de la discrimination dont elle faisait l'objet en tant que fonctionnaire membre d'un corps de reclassement , les premiers juges ont estimé que les corps de reclassement étaient en voie d'extinction et que cette situation, qui faisait disparaître toute possibilité d'emploi dans l'un de ces corps, justifiait légalement qu'il ne fût pas donné suite à la demande de promotion de la requérante, sans qu'il ait été porté atteinte au principe de l'égalité de traitement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a, de même, commis une illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés , a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, pour s'exonérer de cette responsabilité, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que, toutefois, la faute de La Poste n'ouvre droit à réparation au profit de la requérante qu'à la condition qu'elle soit à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par elle ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant que Mme X, recrutée en 1978, membre du corps des contrôleurs auquel elle a accédé en 1989, soutient qu'elle remplissait les conditions statutaires pour accéder, par inscription sur une liste d'aptitude, au corps des contrôleurs divisionnaires de La Poste ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la requérante aurait eu, compte tenu des appréciations portées sur sa manière de servir, une chance sérieuse d'accéder au corps supérieur des contrôleurs divisionnaires, eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux membres de ces corps, si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ;

Considérant, cependant, que les fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont la source d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence subis par Mme X ; qu'elle est en droit d'en obtenir réparation sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir emprunté les voies de promotion offertes par les corps de reclassification ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce dernier chef de préjudice en l'estimant à la somme de 5 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a refusé de lui allouer une indemnité à hauteur de 5 000 euros en réparation des dommages causés par le blocage de sa carrière lié à la privation de toute possibilité de promotion interne ;

Sur la responsabilité de La Poste pour harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ;

Considérant que le comportement fautif de La Poste, tel qu'il a été qualifié plus haut, ne procède pas, en lui-même, d'agissements constitutifs de harcèlement moral visés par les dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; que, pour rejeter les conclusions de la requérante tendant à engager la responsabilité de La Poste sur ce dernier terrain, les premiers juges ont écarté les moyens qui s'y rattachaient spécifiquement en analysant, de manière précise, les données de sa situation administrative personnelle, portant notamment sur la réalité et le niveau de ses fonctions, les avantages pécuniaires correspondants ou les conditions de ses affectations, données qu'ils ont estimées ne pas être révélatrices d'un harcèlement moral ; qu'en appel, la requérante n'apporte pas d'éléments précis de nature à infirmer l'analyse retenue à juste titre par le tribunal ; que le moyen tiré devant la cour du défaut de consultation des organismes devant être consultés lorsqu'un agent fait état de harcèlement moral doit, en l'absence d'une telle situation de harcèlement moral en l'espèce, être écarté ; qu'il résulte de ce qui précède que la requérante ne saurait se prévaloir d'un préjudice subi à ce titre ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La Poste versera à Mme X une indemnité de 5 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme X et les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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No 09BX02176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX02176
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-12-23;09bx02176 ?
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