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23/12/2010 | FRANCE | N°10BX00079

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 23 décembre 2010, 10BX00079


Vu I°), sous le n° 10BX00079, la requête enregistrée au greffe de la cour le 15 janvier 2010, par télécopie, régularisée le 18 janvier 2010, présentée pour M. Jackie X demeurant ..., par la SCP d' Avocats Labrousse et Associés ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0700421, 0700682 en date du 1er octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de l'Office national des forêts à lui verser la somme de 35.000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi

du fait du décès de son épouse et de l'état de santé de sa fille à la suite de...

Vu I°), sous le n° 10BX00079, la requête enregistrée au greffe de la cour le 15 janvier 2010, par télécopie, régularisée le 18 janvier 2010, présentée pour M. Jackie X demeurant ..., par la SCP d' Avocats Labrousse et Associés ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0700421, 0700682 en date du 1er octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de l'Office national des forêts à lui verser la somme de 35.000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait du décès de son épouse et de l'état de santé de sa fille à la suite de l'accident survenu le 3 avril 2002 à Cilaos (La Réunion) ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et l'Office national des forêts à lui verser une indemnité de 35.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2007, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de l'Office national des forêts le versement de la somme de 3.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu II°), sous le n° 10BX00137, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 2010, en télécopie, régularisée le 27 janvier 2010, présentée pour Mlle Isabelle X demeurant ... et M. Olivier X demeurant ... par Me Coudray, avocat ;

Les consorts X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n°s 0700421, 0700682 en date du 1er octobre 2009 en tant que le Tribunal administratif de Saint-Denis a limité à la somme de 7.000 euros, assortie des intérêts, l'indemnisation à laquelle a été condamné le centre hospitalier départemental Félix Guyon à la suite de sa prise en charge lors de son accident du 3 avril 2002 à Cilaos (La Réunion) ;

2°) de condamner solidairement l'Etat, l'Office national des forêts et le centre hospitalier départemental Félix Guyon à verser à Mlle Isabelle X une indemnité de 1.330.000 euros et à M. Olivier X une indemnité de 20.000 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat, de l'Office national des forêts et du centre hospitalier départemental Félix Guyon le versement de la somme de 6.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Davous, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

Considérant que le 3 avril 2002, Mlle X, qui était professeur à la Réunion, et ses parents, qui lui rendaient visite pour les vacances, ont entrepris une randonnée sur le territoire

de la commune de Cilaos ; qu'ils ont emprunté dans un premier temps le sentier GR.R2 jusqu'à la cascade dite du Bras rouge ; que Mme et Mlle X ont souhaité poursuivre la randonnée en recherchant des vasques d'eau chaude, signalées par les guides touristiques, et ont quitté à cette fin le sentier pour rejoindre, grâce aux indications d'un balisage blanc, le lit de la rivière du Bras Rouge ; que vers 13h15, alors qu'elles marchaient, en compagnie d'autres randonneurs rencontrés en chemin, dans le lit de la rivière du Bras Rouge à environ 400 mètres du GR.R2, elles ont été victimes de deux éboulements successifs de roches et de terre émanant de la falaise en surplomb, qui ont provoqué de graves blessures pour Mlle X, dont la jambe droite a été écrasée, et le décès de Mme X, atteinte d'éclats de pierres à la tête ;

Considérant que, par deux requêtes distinctes, M. Jackie X, sa fille Isabelle X et son fils Olivier X interjettent appel du jugement n°s 0700421, 0700682 en date du 1er octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat et de l'Office national des forêts (ONF) à réparer leurs préjudices et a condamné le centre hospitalier départemental Félix Guyon à verser à Mlle X la somme de 7.000 euros du fait des fautes commises par cet établissement lors de sa prise en charge ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise reprend en appel ses conclusions tendant au remboursement de la somme de 123.856,01 euros au titre des débours qu'elle a exposés pour le compte de Mlle X ; que les requêtes susvisées n° 10BX00079 et n° 10BX00137 ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les consorts X soutiennent dans la requête n° 10BX00137 que le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 1er octobre 2009 méconnaît les exigences du l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ce qu'il ne mentionne pas l'ensemble des pièces de la procédure ; qu'il résulte de la minute du jugement que ce dernier vise et analyse avec une précision suffisante les conclusions et les moyens des parties, et n'est entaché d'aucune insuffisance en la matière ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée par l'Office national des forêts :

Considérant que le sentier GR.R2 traverse le domaine privé géré par l'Office national des forêts, établissement public à caractère industriel et commercial, chargé également d'une mission de service public administratif ; qu'il ressort des pièces des dossiers que l'Office national des forêts était chargé par le préfet de la Réunion d'assurer l'affichage des arrêtés d'interdiction temporaire de circuler, et de contrôler l'état des chemins ; qu'une telle mission, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été exercée à titre onéreux, ne pouvait être rattachée qu'aux missions de service public administratif exercées par l'Office national des forêts ; que, dans ces circonstances, l'action en responsabilité engagée à l'encontre de l'Office national des forêts à raison d'une part de l'absence d'affichage d'un arrêté préfectoral et, d'autre part du défaut d'information aux randonneurs sur les dangers de s'écarter du GR.R2 ressortit à la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Saint-Denis s'est reconnu compétent pour connaître de la demande des consorts X ;

Sur les conclusions dirigées contre l'Office national des forêts et l'Etat :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'accident s'est produit dans le lit du Bras rouge , lequel appartient au domaine public fluvial, et en tout état de cause hors du sentier GR.R2 aménagé et entretenu par l'Office national des forêts ; que la circonstance que l'Office national des forêts, qui est intervenu à plusieurs reprises pour supprimer le balisage sauvage réalisé par des personnes inconnues indiquant par des flèches blanches sur des rochers dans le lit de la rivière la direction des vasques d'eau chaude, connaissait les dangers inhérents au site, n'est pas de nature à lui imposer une obligation d'en informer les visiteurs potentiels dès les abords du sentier GR.R2 qui y donne accès ; qu'au demeurant, il ressort des photographies produites au dossier que la configuration des lieux permettait à l'évidence aux promeneurs, et a fortiori à ceux qui se revendiquent, comme les requérants, randonneurs expérimentés, de mesurer les risques auxquels ils s'exposaient du fait de l'instabilité des parois sub-verticales surplombant le lit du Bras rouge , très étroit à cet endroit, qui ne peut être regardé comme un chemin ouvert à la circulation du public ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que par un arrêté du 13 mars 2002, le préfet de la Réunion avait, à la demande de l'Office national des forêts, interdit la circulation des personnes sur un certain nombre de sentiers dans plusieurs communes, et en particulier sur tous les sentiers de Cilaos, en raison de risques d'éboulements à la suite du passage de la perturbation tropicale Harry ; que l'Office national des forêts, chargé d'assurer l'affichage dudit arrêté, avait retiré les panneaux après avoir contrôlé l'état des chemins et avait diffusé sur Internet, les 22 et 29 mars, un état des chemins ouverts incluant le GR.R2 ; qu'en admettant même, alors qu'il n'est ni allégué ni établi que le GR.R2 aurait présenté en lui-même un quelconque danger, qu'il ait ainsi commis une faute en enlevant l'affichage alors que l'interdiction devait être regardée comme restée en vigueur en l'absence de nouvelle décision du préfet, ladite faute n'est pas en relation directe avec le préjudice subi par les victimes de l'accident, lequel résulte de la réalisation d'un aléa naturel et de leur propre décision de s'écarter du chemin régulièrement balisé rouge et blanc pour suivre le balisage sauvage blanc qui ne donnait accès à aucun chemin, mais seulement au lit de la rivière qui n'était pas aménagé ; que dans ces conditions, il ne peut davantage être reproché utilement à l'Etat un manque de contrôle de l'affichage de l'arrêté litigieux relatif à la seule circulation sur des chemins ;

Considérant enfin, que les requérants soutiennent que le préfet de la Réunion a commis une faute en s'abstenant de faire usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 2215-1-1° du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles : La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, (...) dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publique ; que l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait de l'absence de mise en oeuvre par le préfet des pouvoirs de substitution aux autorités municipales en matière de police qu'il tient de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales est subordonné à la commission d'une faute lourde ; qu'il n'est pas fait état de circonstances particulières antérieures à l'accident qui auraient justifié que le préfet de la Réunion se substituât au maire de la commune de Cilaos pour faire procéder à l'effacement du balisage sauvage, à l'interdiction d'accès aux sources d'eau

chaude ou à la publication d'une mise en garde aux randonneurs sur les dangers de s'écarter des chemins officiellement balisés ; que, par suite, aucune faute lourde ne peut être retenue à l'encontre de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté les conclusions dirigées contre l'Etat et l'Office national des forêts ;

Sur les conclusions dirigées contre le centre hospitalier départemental Félix Guyon :

Considérant que les premiers juges ont fixé à 7.000 euros le montant de l'indemnité que le centre hospitalier départemental Félix Guyon a été condamné à verser à Mlle X en réparation du préjudice que lui a causé la carence fautive du médecin urgentiste du SAMU hélitreuillé sur le lieu de l'accident, qui n'a pas apporté à la requérante les soins adaptés à son état ; que si les conditions de cette intervention ont contribué à augmenter pendant une heure les souffrances alors endurées par Mlle X, qui était grièvement blessée et pouvait légitimement attendre du médecin présent des soins immédiats, il est toutefois constant que l'état de santé de Mlle X, qui souffrait de fractures qui ont nécessité plusieurs interventions ultérieures et une longue rééducation, n'a pas été aggravé par la carence des secours sur le lieu de son accident et au cours de son évacuation, par hélicoptère, vers l'établissement hospitalier ; que les premiers juges ont ainsi fait une juste évaluation du préjudice de Mlle X en lien avec le retard apporté à une véritable prise en charge, en l'évaluant à 7.000 euros ; que par suite, les conclusions de Mlle X tendant à ce que la cour condamne l'établissement à lui verser une somme de 20.000 euros doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Saint-Denis n'a fait droit à leurs demandes qu'à l'encontre du centre hospitalier départemental Félix Guyon au bénéfice de Mlle X pour la somme de 7.000 euros ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de Mlle X, lesquels sont sans lien avec les seules fautes retenues en l'espèce, commises par le médecin du SAMU ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de l'Office national des forêts et du centre hospitalier départemental Félix Guyon, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que demandent M. Jackie X, Mlle Isabelle X, M. Olivier X et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 10BX00079 de M. Jackie X, la requête n° 10BX00137 de Mlle X et de M.Olivier X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise sont rejetées.

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Nos 10BX00079, 10BX00137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10BX00079
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Frédéric DAVOUS
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : LABROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-12-23;10bx00079 ?
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