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24/01/2011 | FRANCE | N°09BX01852

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 24 janvier 2011, 09BX01852


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 31 juillet 2009 sous le n° 09BX01852, présentée pour M. Patrick X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 14 mai 2009, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi par lui du fait du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en ré

paration de son préjudice, majorée des intérêts à compter de sa demande préal...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 31 juillet 2009 sous le n° 09BX01852, présentée pour M. Patrick X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 14 mai 2009, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi par lui du fait du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice, majorée des intérêts à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 décembre 2010, présentée pour le requérant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu les décrets n° 72-500 du 23 juin 1972 et n° 90-1235 du 31 décembre 1990 ;

Vu les décrets n° 57-1319 du 21 décembre 1957 et n° 90-1224 du 31 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2010 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- les observations de Me Menceur de la SELARL Horus avocats, avocat de M. X ;

- les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Menceur ;

Considérant que, par lettres en date du 1er septembre 2005, M. X, membre du corps de reclassement des préposés de La Poste, a vainement demandé au président de La Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi l'indemnisation de préjudices qu'il estime avoir subis à cause du blocage de sa carrière, faute en particulier qu'aient été établies des listes d'aptitude lui permettant d'accéder au corps des agents d'exploitation ou à celui des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement de La Poste ; que, saisi par M. X d'une demande indemnitaire dirigée à la fois contre La Poste et l'Etat, le tribunal administratif de Limoges a, par un jugement du 14 mai 2009, rejeté l'ensemble de sa demande ; que M. X fait appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la requête de M. X et de sa demande devant le tribunal administratif :

Considérant que les demandes préalables de M. X énoncent de manière suffisante, au regard notamment de sa situation personnelle, les moyens présentés à l'appui de ces demandes, lesquelles étaient de nature à faire naître des décisions de rejet ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par La Poste à la requête et tirée des prétendues carences des demandes préalables doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif, après avoir énoncé qu' en admettant même l'existence d'un comportement fautif, le requérant ne pouvait être indemnisé qu'à raison de préjudices dont était établi le caractère personnel, réel et certain , a écarté les conclusions indemnitaires présentées devant lui en relevant que les préjudices invoqués ne présentaient pas un tel caractère ; que, ce faisant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de l'intéressé et n'avaient pas à se prononcer davantage sur les fautes invoquées, dès lors qu'ils retenaient l'absence de préjudice, n'ont entaché leur jugement ni d'insuffisance de motivation, ni d'omission à statuer ; que, dans sa dévolution de la charge de la preuve, le tribunal n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les moyens tenant à une irrégularité du jugement doivent être écartés ;

Au fond :

En ce qui concerne l'exception de prescription :

Considérant que l'action en paiement d'indemnités, à raison des fautes commises notamment par La Poste qu'invoque le requérant, n'est pas au nombre de celles qui s'éteignent par la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil ; que, par suite et en tout état de cause, l'exception de prescription qu'oppose La Poste sur le fondement de cet article ne peut être accueillie ;

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours ( ...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par La Poste de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a, de même, commis une illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés , a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, pour s'exonérer de cette responsabilité, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que, de même, l'Etat a commis une faute de nature à entraîner sa responsabilité ; que, toutefois, les fautes de La Poste et de l'Etat n'ouvrent droit à réparation au profit du requérant qu'à la condition qu'elles soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant que M. X, recruté en 1977, nommé préposé en 1978, soutient qu'il remplissait depuis avril 2002 les conditions d'âge, d'ancienneté et de détention d'échelon pour accéder au corps des agents d'exploitation, puis, après l'ancienneté requise dans le grade d'agent d'exploitation, au corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement de La Poste ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le requérant aurait eu, alors même qu'il remplissait les conditions statutaires pour être promu et compte tenu des appréciations portées sur sa manière de servir versées aux débats, lesquelles sont seulement satisfaisantes, une chance sérieuse d'accéder aux corps supérieurs qu'il vise, eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux membres de ces corps, si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ; qu'en particulier, ni la circonstance qu'avant son reclassement la carrière de l'intéressé ait connu un déroulement normal, ni la nature des tâches qui lui étaient effectivement confiées ne révèlent la perte de chance qu'il invoque ;

Considérant, cependant, que les fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont la source d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant ; qu'il est en droit d'en obtenir réparation sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir emprunté les voies de promotion offertes par les corps de reclassification ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme globale de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ; que les fautes respectives de l'Etat et de La Poste ayant concouru à causer ce dommage dans son entier, M. X est fondé à demander leur condamnation solidaire au versement de l'indemnité destinée à le réparer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par La Poste au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge solidairement de La Poste et de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat et La Poste verseront solidairement à M. X une indemnité de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 14 mai 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat et La Poste verseront solidairement à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 09BX01852


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 24/01/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX01852
Numéro NOR : CETATEXT000023603838 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-01-24;09bx01852 ?
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