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24/01/2011 | FRANCE | N°09BX02257

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 24 janvier 2011, 09BX02257


Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2009, sous le n° 09BX02257, présentée pour la société FRANCE TELECOM dont le siège est 6, place d'Alleray à Paris cedex 15 (75505) ; FRANCE TELECOM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 juillet 2009 du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a, sur la demande de M. Didier X, d'une part, annulé son rejet implicite de la demande de ce dernier en date du 9 janvier 2006 relative à l'établissement de listes d'aptitude au titre des années 2002 à 2004, d'autre part, mis à sa charge la somme de 6 000 euros tous int

érêts confondus au titre des préjudices subis par lui ;

2°) de rejet...

Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2009, sous le n° 09BX02257, présentée pour la société FRANCE TELECOM dont le siège est 6, place d'Alleray à Paris cedex 15 (75505) ; FRANCE TELECOM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 juillet 2009 du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a, sur la demande de M. Didier X, d'une part, annulé son rejet implicite de la demande de ce dernier en date du 9 janvier 2006 relative à l'établissement de listes d'aptitude au titre des années 2002 à 2004, d'autre part, mis à sa charge la somme de 6 000 euros tous intérêts confondus au titre des préjudices subis par lui ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu les décrets n° 72-503 du 23 juin 1972 et n° 90-1237 du 31 décembre 1990 ;

Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2010 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- les observations de Me Robette, collaboratrice de Me Laguillon, avocate de M. X ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Robette ;

Considérant que, par lettre du 9 janvier 2006 adressée au président de FRANCE TELECOM, M. X a demandé l'établissement de listes d'aptitude au titre des années 2002 à 2004 pour l'accès au corps des contrôleurs, son inscription sur ces listes, ainsi que l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi ; que cette demande est restée sans réponse ; que, par un unique mémoire, enregistré le 16 mars 2006, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de refus implicite née du silence gardé sur sa demande du 9 janvier 2006, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à FRANCE TELECOM de dresser les listes d'aptitude demandées au titre des années 2002 à 2004 et de procéder à son inscription sur ces listes, enfin à la condamnation de FRANCE TELECOM à lui verser une indemnité, majorée des intérêts légaux, d'un montant de 11 600 euros en réparation du préjudice subi ; que le tribunal administratif de Bordeaux a, par l'article 1er de son jugement du 23 juillet 2009, annulé le refus implicitement opposé à M. X, par l'article 2, condamné FRANCE TELECOM à verser une somme de 6 000 euros tous intérêts confondus et, par l'article 3, rejeté le surplus de sa demande, comprenant notamment ses conclusions aux fins d'injonction que le tribunal n'a pas accueillies au motif que l'annulation qu'il prononçait n'impliquait pas l'établissement de listes d'aptitude pour l'accès au corps des contrôleurs au titre des années 2002 à 2004 ; que FRANCE TELECOM fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable, c'est-à-dire en tant qu'il annule son refus implicite et qu'il fait droit aux prétentions indemnitaires de M. X ; que, par la voie de l'appel incident, M. X conteste ce même jugement en tant qu'il lui accorde une réparation qu'il estime insuffisante et demande à la cour de lui allouer la même somme que celle demandée en première instance, ainsi que la condamnation de FRANCE TELECOM au paiement d'une amende pour recours abusif ; que ces dernières conclusions tendant à l'infliction de l'amende prévue par l'article R. 741-12 du code de justice administrative, qui procède d'un pouvoir propre du juge, sont irrecevables ;

Sur la légalité du refus implicite de FRANCE TELECOM et l'engagement de sa responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de FRANCE TELECOM de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de FRANCE TELECOM, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de FRANCE TELECOM a, de même, commis une illégalité ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de FRANCE TELECOM, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de FRANCE TELECOM, dont celui des contrôleurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le refus implicite contesté, qui procède de l'application de dispositions statutaires devenues illégales, est lui-même illégal ; qu'il suit de là que FRANCE TELECOM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a annulé ; qu'en outre, l'illégalité fautive commise par FRANCE TELECOM, qui a refusé de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés, est de nature à entraîner sa responsabilité, sans qu'elle puisse utilement invoquer, pour s'exonérer de cette responsabilité, ni la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que, toutefois, le comportement fautif de FRANCE TELECOM n'ouvre droit à réparation au profit de M. X que, pour autant qu'il soit à l'origine d'un préjudice certain, personnel et direct subi par lui ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant que M. X, qui était membre du corps de reclassement des agents d'exploitation du service général de FRANCE TELECOM, titulaire du grade d'agent d'administration principal, soutient qu'il remplissait dès 1997 les conditions statutaires pour accéder, par inscription sur une liste d'aptitude, au corps des contrôleurs de FRANCE TELECOM, promotion qu'il n'a obtenue qu'à compter du 1er mai 2005 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des précisions apportées par M. X, restées sans contredit et corroborées par les documents qu'il verse aux débats, que les fonctions qui lui étaient antérieurement confiées étaient du niveau de celles susceptibles d'être occupées par des contrôleurs et que, dans l'exercice effectif de ces fonctions, il a fait l'objet d'appréciations élogieuses ; que, dans ces conditions, sa perte de chance d'accéder à ce corps supérieur avant sa promotion en mai 2005, doit être regardée comme établie pour la période de 2002 à 2004 qu'il invoque ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice de carrière subi au cours de cette période en l'évaluant à la somme de 5 000 euros tous intérêts confondus ;

Considérant, en outre, que la faute consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, est la source d'un préjudice moral subi par M. X ; qu'il est en droit d'en obtenir réparation sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir alors emprunté les voies de promotion offertes par les corps de reclassification ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme globale de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité globale de 6 000 euros au versement de laquelle le tribunal administratif de Bordeaux a condamné FRANCE TELECOM doit être portée à la somme de 10 000 euros tous intérêts confondus ; qu'il suit de là, d'une part, que M. X est fondé à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué, d'autre part, que l'appel de FRANCE TELECOM doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par FRANCE TELECOM au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de FRANCE TELECOM la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par M. X ;

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité au versement de laquelle le tribunal administratif de Bordeaux a condamné FRANCE TELECOM est portée à la somme de 10 000 euros tous intérêts confondus.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 juillet 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de FRANCE TELECOM et le surplus de l'appel incident de M. X ainsi que ses conclusions tendant à l'infliction d'une amende pour recours abusif sont rejetés.

Article 4 : FRANCE TELECOM versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 09BX02257


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : LAGUILLON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 24/01/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09BX02257
Numéro NOR : CETATEXT000023603841 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-01-24;09bx02257 ?
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