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03/02/2011 | FRANCE | N°10BX00813

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 03 février 2011, 10BX00813


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 2010 sous le n° 10BX00813, présentée pour la SOCIETE CANAUDIS dont le siège est 27 avenue de Bordeaux à Lacanau (33680), par la SCP d'avocats Coulombie - Gras - Cretin - Becquevort - Rosier - Soland ;

La SOCIETE CANAUDIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703892, 0703893 en date du 25 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions de la commission départementale d'équipement commercial de la Gironde du 12 juillet 2007 lui accordant les autorisations né

cessaires à l'ouverture à Lacanau d'un ensemble commercial à l'enseigne Sup...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 2010 sous le n° 10BX00813, présentée pour la SOCIETE CANAUDIS dont le siège est 27 avenue de Bordeaux à Lacanau (33680), par la SCP d'avocats Coulombie - Gras - Cretin - Becquevort - Rosier - Soland ;

La SOCIETE CANAUDIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703892, 0703893 en date du 25 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions de la commission départementale d'équipement commercial de la Gironde du 12 juillet 2007 lui accordant les autorisations nécessaires à l'ouverture à Lacanau d'un ensemble commercial à l'enseigne Super U , comprenant un supermarché et plusieurs boutiques d'une part, et d'autre part une station de distribution de carburant ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les sociétés PREDIS et COSTAL devant le Tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation des décisions de la commission départementale d'équipement commercial en date du 12 juillet 2007 ;

3°) de condamner les sociétés PREDIS et COSTAL à lui verser une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 6 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Girault, président,

- les observations de Me Achou-Lepage, avocat de la SOCIETE CANAUDIS ;

- les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Achou-Lepage pour la SOCIETE CANAUDIS ;

Considérant que la SOCIETE CANAUDIS interjette appel du jugement n° 0703892 en date du 25 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions de la commission départementale d'équipement commercial de la Gironde du 12 juillet 2007 qui l'avaient autorisée à ouvrir à Lacanau (Gironde) un ensemble commercial à l'enseigne Super U comprenant un supermarché et plusieurs boutiques ainsi qu'une station de distribution de carburant ;

Sur les moyens relatifs à l'incompatibilité de la législation applicable avec le droit communautaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, alors en vigueur : Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. / La liberté d'établissement comporte (...) la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres établissements (...) ; qu'il résulte de ces stipulations, telles que les a interprétées la Cour de justice de l'Union européenne, que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent s'appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; qu'à cet égard, il incombe au juge national de se prononcer au vu des modalités concrètes d'application de la réglementation contestée devant lui ;

Considérant que les dispositions de la loi du 27 décembre 1973 et de la loi du 5 juillet 1996, qui soumettent notamment l'implantation ou l'extension de certains commerces de détail d'une surface de plus de 300 m2 à une autorisation délivrée par la commission départementale d'équipement commercial et, sur recours, par la commission nationale d'équipement commercial, sous le contrôle du juge, si elles n'instaurent pas d'inégalité de traitement, directe ou indirecte, susceptible de défavoriser les entreprises ayant leur siège dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, dès lors qu'elles s'appliquent indistinctement à toutes les personnes susceptibles d'exploiter un équipement commercial de ce type quelle que soit leur nationalité, peuvent cependant être de nature à restreindre, pour les ressortissants d'un des Etats membres de l'Union européenne ou installés à l'intérieur de celle-ci, la liberté d'établissement ou la libre prestation des services ; que, toutefois, les limitations qui peuvent découler de la mise en oeuvre de ces dispositions répondent à des motifs d'intérêt général, liés notamment à la préservation des petites entreprises, à l'emploi et à l'aménagement du territoire ; que ces motifs constituent des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier une limitation à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services ;

Considérant que la requérante ne peut davantage se prévaloir de l'incompatibilité de la loi du 27 décembre 1973 avec les objectifs de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, à supposer même cette dernière applicable à une activité de vente de biens et non de services, dès lors qu'à la date des décisions litigieuses du 12 juillet 2007, le délai de transposition imparti aux Etat membres pour adapter leur législation, fixé au 28 décembre 2009 par cette directive, n'était pas expiré ; que, par suite, la SOCIETE CANAUDIS n'est pas fondée à se prévaloir de l'incompatibilité de la législation française avec les dispositions du droit communautaire ;

Sur la légalité des décisions de la commission départementale d'équipement commercial :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973, dans sa rédaction alors en vigueur : La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale. Le commerce et l'artisanat ont pour fonction de satisfaire les besoins des consommateurs, tant en ce qui concerne les prix que la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent participer au développement de l'emploi et contribuer à accroître la compétitivité de l'économie nationale, animer la vie urbaine et rurale et améliorer sa qualité. Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi (...) ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce : Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 752-6 du même code : Dans le cadre des principes définis à l'article L. 750-1, la commission statue en prenant en considération : 1° L'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ; - l'impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ; - la qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ; - les capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises ; 2° La densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; 3° L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce. Lorsque le projet concerne la création ou l'extension d'un ensemble commercial, majoritairement composé de magasins spécialisés dans la commercialisation d'articles de marques à prix réduit, l'effet potentiel dudit projet est également apprécié indépendamment de la spécificité de la politique commerciale de ce type de magasins ; 4° L'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ; 5° Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat ; 6° Les engagements des demandeurs de création de magasins de détail à prédominance alimentaire de créer dans les zones de dynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développement prioritaire des magasins de même type, d'une surface de vente inférieure à 300 mètres carrés, pour au moins 10 % des surfaces demandées ;

Considérant que pour l'application combinée des dispositions de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant que le projet présenté par la SOCIETE CANAUDIS consiste à créer une surface de vente nouvelle à l'enseigne Super U de 2120 mètres carrés, avec une station de distribution du carburant d'une surface de 345 mètres carrés présentant sept positions de ravitaillement, sur le territoire de la commune de Lacanau ; qu'il ressort des pièces du dossier que la surface commerciale ainsi créée porterait à 474 mètres carrés pour 1 000 habitants la densité des grandes et moyennes surfaces de vente dans la zone de chalandise considérée, alors que cette densité ne s'élève qu' à 361,7 mètres carrés pour 1 000 habitants dans le département de la Gironde et à 311 mètres carrés pour 1 000 habitants dans l'ensemble du territoire national ;

Considérant que, pour accorder les autorisations contestées, la commission départementale d'équipement commercial de la Gironde s'est fondée sur une forte croissance démographique dans une zone de chalandise qui bénéficie également de l'apport de la clientèle touristique, sur la circonstance que la réalisation des projets entraînerait la structuration de l'offre avec un élargissement qualitatif, la proposition d'une offre de proximité plus importante, la limitation de l'évasion commerciale hors de la zone de chalandise, et la création de 46 emplois à plein temps ; qu'en omettant de rechercher préalablement le nombre et la densité des équipements commerciaux permettant d'apprécier si les projets soumis à autorisation étaient de nature à compromettre, dans la zone d'influence, l'équilibre entre les différentes formes de commerces la commission a fait une inexacte application des dispositions analysées ci-dessus ;

Considérant que la densité des équipements commerciaux atteindrait avec le projet 30% de plus que la moyenne départementale et 50% de plus que la moyenne nationale ; que s'il convient de tenir compte de l'afflux de population supplémentaire dans les résidences secondaires et les installations de tourisme, cet apport reste concentré sur la seule période estivale et est, pour une part importante bien que non évaluée, absorbé par l'offre alimentaire des nombreux marchés de Lacanau et des communes limitrophes, alors que deux supermarchés situés au centre-ville et au bord de l'Océan présentent une offre adaptée aux besoins de la population locale ; que, dès lors, la réalisation du projet aurait pour effet de provoquer un déséquilibre entre les différentes formes de commerce, au détriment des équipements de dimension modeste ; que ni l'augmentation de 17% de la population entre les recensements de 1990 et de 1999 constatée dans l'ensemble de la zone de chalandise, laquelle comptait 9 035 habitants en 1999, ni l'intérêt que présente la possibilité d'accéder à un équipement offrant des services nouveaux et limiter ainsi l'évasion commerciale en dehors de la zone de chalandise, ne sont de nature à compenser un tel déséquilibre ; que par suite, c'est sans erreur d'appréciation que le tribunal administratif a constaté que le projet ne pouvait être regardé comme répondant aux principes définis par les dispositions précitées ;

Considérant enfin que par une seconde décision du 12 juillet 2007, la commission départementale d'équipement commercial de la Gironde a également autorisé la SOCIETE CANAUDIS à créer une station-service ; que cette autorisation a été annulée par le tribunal administratif par voie de conséquence de l'annulation de l'autorisation accordée pour la création du supermarché ; qu'aucun moyen propre n'est dirigé contre cette annulation ; que le rejet des conclusions dirigées contre l'annulation de la décision relative au supermarché ne peut qu'entraîner le rejet de celles dirigées contre l'autorisation relative à la station de distribution de carburants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CANAUDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions de la commission départementale d'équipement commercial de la Gironde lui accordant les autorisations litigieuses;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL PREDIS et de la SARL COSTAL, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement à la SOCIETE CANAUDIS de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE CANAUDIS le versement à la SARL PREDIS et à la SARL COSTAL de la somme globale de 1.500 euros sur ce même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE CANAUDIS est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE CANAUDIS versera à la SARL PREDIS et à la SARL COSTAL une somme globale de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 10BX00813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10BX00813
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : SCP CGCB et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-02-03;10bx00813 ?
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