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15/02/2011 | FRANCE | N°10BX01551

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 15 février 2011, 10BX01551


Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE domicilié à l'hôtel de la préfecture de région, 1 place Saint-Étienne à Toulouse (31 038 cedex 9) ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900471, 0900586 et 0900641 du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 20 janvier 2009 par lequel il a fixé les horaires d'ouverture et de fermeture pour tous les établissements ouverts au public dans lesquels sont servies des boissons à consommer sur place, titu

laires d'une licence de première, deuxième, troisième, ou quatrième catég...

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE domicilié à l'hôtel de la préfecture de région, 1 place Saint-Étienne à Toulouse (31 038 cedex 9) ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900471, 0900586 et 0900641 du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 20 janvier 2009 par lequel il a fixé les horaires d'ouverture et de fermeture pour tous les établissements ouverts au public dans lesquels sont servies des boissons à consommer sur place, titulaires d'une licence de première, deuxième, troisième, ou quatrième catégorie et ainsi que les restaurants et établissements assimilés ayant une petite licence de restaurant ou une licence restaurant, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros au profit de l'ensemble des sociétés requérantes ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2011:

- le rapport de M. Lamarche, président-assesseur,

- les observations de Me Debuisson pour la SARL Animae Bar et autres ;

- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour d'annuler le jugement du 4 mai 2010, rendu sous les n° 0900471, 0900586, et 0900641, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 20 janvier 2009 fixant les horaires d'ouverture et de fermeture pour tous les établissements ouverts au public dans lesquels sont servies des boissons à consommer sur place, titulaires d'une licence de première, deuxième, troisième, ou quatrième catégorie et ainsi que pour les restaurants et établissements assimilés et ayant une petite licence de restaurant ou une licence restaurant ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : La police municipale est assurée par le maire, toutefois : (...) 3°) Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune. ;

Considérant que par arrêté du 20 janvier 2009 le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a abrogé un précédent arrêté du 14 juin 1970 réglementant l'ouverture et la fermeture de l'ensemble des débits de boissons à consommer sur place de toutes catégories ainsi que les restaurants ou assimilés ayant une petite licence restaurant ou une licence restaurant du département ; qu'il a maintenu le principe d'une fermeture générale à 2 heures du matin en semaine et 3 heures les nuits du samedi au dimanche, mettant ainsi fin à l'autorisation d'ouverture pendant la nuit entière du samedi au dimanche ; que s'agissant des discothèques, cabarets artistiques, ou bowlings il a prévu la délivrance d' autorisations d'ouvertures tardives subordonnées au respect par ces établissements de règles précisées à l'arrêté, repoussant jusqu'à 6 heures du matin la fermeture le week-end ; que pour ces mêmes établissements des dérogations sont prévues à certaines occasions, notamment les jours de fête, expressément énumérées à l'article 4 de l'arrêté ouvrant ainsi la faculté à ces établissements de fonctionner jusqu'à 7 heures du matin ; que cet arrêté a maintenu le régime des dérogations municipales ne pouvant toutefois autoriser une ouverture au-delà de 3 heures du matin ;

Considérant que le PREFET soutient que le maintien du régime issu de l'arrêté de 1970 qui permettait aux débits de boissons de fonctionner 72 heures sans interruption pendant les fins de semaines avait pour effet de générer, à des heures avancées de la nuit, des flux de véhicules en provenance des départements limitrophes dotés d'une réglementation plus sévère quant aux heures de fermeture, vers les établissements situés en Haute-Garonne ; que le PREFET fait valoir les résultats alarmants de la Haute-Garonne en matière d'alcoolisme et produit des documents émanant des services des hôpitaux attirant l'attention des pouvoirs publics sur une recrudescence des jeunes accueillis en coma éthylique d'une année sur l'autre ; que, si le nombre d'accidents a diminué à partir de 2005, en raison notamment des mesures prises au niveau national, en ce qui concerne les contrôles de vitesse et d'alcoolémie, le nombre d'accidents a de nouveau augmenté en 2008 ; qu'il s'évince de documents statistiques établis sur le plan local, qu'en 2008, 63 accidents mortels se sont produits dans le département, dont 21 étaient en relation avec la consommation d'alcool ; que le PREFET observe que 34% des conducteurs en état d'alcoolémie impliqués dans un accident de circulation avait consommé cet alcool dans un bar ou une discothèque, ce pourcentage étant porté à 44% pour les accidentés de la seule tranche d'âge de 18 à 24 ans ; qu'enfin il fait état d'atteintes à la tranquillité publique et de troubles engendrés par l'activité nocturne des débits de boissons ; qu'eu égard au caractère diffus de ces phénomènes dans le département de la Haute-Garonne et à l'objectif général de réduction du nombre d'accidents graves de la circulation concernant les jeunes et liés à la consommation d'alcool, le préfet justifie les restrictions apportées par l'arrêté attaqué aux horaires d'ouverture des débits de boissons ; que la circonstance, à la supposer établie, que certaines de ces tendances seraient également observées dans d'autres départements ne fait pas obstacle à ce que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE prenne des mesures spécifiques au département ; que, par suite, le PREFET est fondé à demander l'annulation du jugement du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 20 janvier 2009 ;

Considérant qu'il appartient à la cour, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des autres moyens présentés par les requérants ;

Au fond

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

Considérant que le PREFET, qui a visé les dispositions précitées de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, et réglementé pour tout le département de la Haute-Garonne, les horaires d'ouverture et de fermeture pour tous les établissements ouverts au public dans lesquels sont servies des boissons à consommer sur place ainsi que les restaurants et établissements assimilés, a entendu se placer dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés lorsque le champ d'application de la mesure de police en cause excède le territoire d'une commune ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux allégations des requérants, la décision attaquée n'est pas intervenue pour prévenir exclusivement des troubles nocturnes survenus dans des zones festives de la ville de Toulouse, mais également les incidents liés à la consommation d'alcool et notamment les accidents de la circulation qui surviennent sur tout le territoire du département de la Haute-Garonne lors des déplacements nocturnes de véhicules sur le réseau routier de la Haute-Garonne pendant les nuits de fin de semaine ; que, par suite, le PREFET était matériellement compétent pour édicter l'arrêté attaqué ;

En ce qui concerne les moyens tirés du défaut de motivation et la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 :

Considérant que l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE présente un caractère réglementaire ; que, par conséquent, il n'est pas au nombre des décisions prises en matière de police administrative qui doivent être motivées par application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 modifiée ; que ne faisant pas suite à une demande, le moyen tiré du défaut d'indication de la qualité de signataire en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de consultation préalable :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'adoption de la mesure de police dont s'agit doive être précédée d'une consultation préalable ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'arrêté instituerait un régime d'autorisation préalable et du caractère général et absolu des mesures de police attaquées qu'il édicte :

Considérant qu'en fixant uniformément pour tout le département les horaires de fermetures nocturnes des établissements délivrant des boissons alcoolisées tout en distinguant les jours de semaine et de fin de semaine, les jours de fêtes et en prévoyant des dérogations et autorisations d'ouverture tardives assorties de prescriptions quant aux conditions d'exploitation des établissements dont l'activité principale n'est pas la vente de boissons alcoolisées, l'arrêté attaqué n'emporte aucune interdiction générale et absolue et ne saurait être regardé comme instituant un régime d'autorisation préalable ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique :

Considérant que la circonstance qu'une réglementation serait restée en vigueur pendant plusieurs dizaines d'années ne saurait conférer aux administrés qui en sont l'objet un droit à son maintien dès lors que son évolution, au regard des objectifs généraux déterminés par l'autorité publique, est rendue nécessaire par les changements dans la situation à laquelle elle a vocation à s'appliquer ;

Considérant que si l'arrêté du 20 janvier 2009 attaqué prévoit en son article 12 que ses dispositions prendront effet à compter du 1er février 2009, il dispose également en son article 10 que les autorisations d'ouverture tardive accordées à certains établissements en application des dispositions de l'article 6 de l'arrêté préfectoral du 14 janvier 1970 modifié sont maintenues jusqu'à leur terme ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, en tant notamment que l'arrêté ne comporterait pas de dispositions transitoires doit par conséquent être rejeté ;

Sur le moyen tiré du caractère disproportionné des restrictions apportées au principe de la liberté de l'industrie et du commerce :

Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, de prendre de manière proportionnée et adaptée les mesures strictement nécessaires au maintien de l'ordre public, et notamment, en l'espèce, de la tranquillité et de la sécurité publiques, elle doit, dès lors qu'une telle mesure est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, prendre en compte la liberté du commerce et de l'industrie ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application ;

Considérant que le principe de la liberté du commerce et l'industrie, qui résulte du préambule de la Constitution, n'implique pas que les activités commerciales des lieux de restauration et des débits de boissons, puissent fonctionner sans interruption en fin de semaine ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit plus haut que la situation du département de la Haute-Garonne, telle que décrite au-dessus justifiait les restrictions apportées à l'activité nocturne des établissements festifs ayant une activité de vente de boissons alcoolisées ; qu'en limitant les heures d'ouvertures nocturnes, en distinguant les établissements selon qu'ils ont ou non pour activité principale la vente de boissons alcoolisées, en prévoyant des autorisations dérogatoires d'ouvertures plus tardives sous conditions, le PREFET a suffisamment tenu compte de la différence de situation de ces établissements nocturnes et proportionné ainsi les restrictions aux nécessités de protection de l'ordre et de la sécurité publics ;

Considérant que les documents produits par les requérants pour caractériser l' atteinte à la liberté de l'industrie et du commerce sont relatifs à l'interruption de contrats salariés, généralement à durée déterminée, tandis que les documents, faisant état de baisse du chiffre d'affaires de certains établissements, au demeurant peu nombreux, ne sont pas eu égard à leur consistance et dans les circonstances de l'espèce, de nature à établir cette atteinte excessive au regard des objectifs de sécurité et de tranquillité publiques poursuivis ;

Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir :

Considérant que si les requérants soutiennent que la décision serait intervenue à la suite de l'intervention de groupes de pressions ou pour des motifs de clientélisme électoral , ils ne produisent aucune pièce de nature à justifier ces allégations ; qu'ainsi le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 20 janvier 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SARL Animae Bar et autres de la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2010 est annulé.

Article 2 : Les demandes des sociétés Loupiottte, Animae bar, Bar le txus, Papayou le p'tit bouchon, breughel l'ancien, Pile ou face bar le champagne, Merlot 31, la couleur de la culotte , le grand cirque, le warm up, larsen lupin, Rosco cafe classico, saraphil cafe populaire, Puerto habana, à la Alamo texas cafe, Les sept deniers brasserie los pequillos, Bar le cactus, Sbg bar le tchin, Exorock le taxi brousse,la suite, société Lesther glou glou cafe, cuny, à la Maximo cafe et Wt devant le tribunal administratif sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés Loupiottte, Animae bar, Bar le txus, Papayou le p'tit bouchon, breughel l'ancien, Pile ou face bar le champagne, Merlot 31, la couleur de la culotte , le grand cirque, le warm up, larsen lupin, Rosco cafe classico, saraphil cafe populaire, Puerto habana, à la Alamo texas cafe, Les sept deniers brasserie los pequillos, Bar le cactus, Sbg bar le tchin, Exorock le taxi brousse,la suite, société Lesther glou glou cafe, cuny, à la Maximo cafe et Wt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10BX01551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01551
Date de la décision : 15/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Frantz LAMARCHE
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : DEBUISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-02-15;10bx01551 ?
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