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24/03/2011 | FRANCE | N°10BX00618

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 24 mars 2011, 10BX00618


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 mars 2010, présentée pour la SOCIETE JASPESHIP LDA, dont le siège est Rua da Mouraria Edificio 900 Funchal, Ile de Madère (Portugal), par Me Bertozzi ; la SOCIETE JASPESHIP demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701052 du 5 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle, de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de formation continue auxquelles elle a ét

é assujettie au titre des années 2000 à 2004 ainsi que des rappels de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 mars 2010, présentée pour la SOCIETE JASPESHIP LDA, dont le siège est Rua da Mouraria Edificio 900 Funchal, Ile de Madère (Portugal), par Me Bertozzi ; la SOCIETE JASPESHIP demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701052 du 5 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle, de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de formation continue auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 à 2004 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2005 et de la taxe professionnelle qui lui a été réclamée au titre des années 2001 à 2006 ;

2°) de lui accorder la décharge desdites impositions ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention des Nations Unies signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 ;

Vu la convention fiscale franco-portugaise du 14 janvier 1971 ;

Vu la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2011 :

- le rapport de Mme Viard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant que la SOCIETE JASPESHIP LDA a demandé au Tribunal administratif de Pau la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle, de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de formation continue auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 à 2004 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2005 et de la taxe professionnelle qui lui a été réclamée au titre des années 2001 à 2006 ; qu'elle fait appel du jugement qui a rejeté sa demande ;

Sur la recevabilité des conclusions de la société portant sur la taxe professionnelle :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE JASPESHIP LDA n'a pas formé de réclamation à l'encontre des rappels de taxe professionnelle dont elle a fait l'objet au titre des années 2001 à 2006 conformément aux dispositions de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, ses conclusions tendant à la décharge de ces impositions doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les autres impositions en litige :

En ce qui concerne l'imposition en France :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ; que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, l'article 259 du même code dans sa rédaction applicable au litige dispose : Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-portugaise, laquelle n'est opérante, conformément à son article 1er qu'à l'égard de l'impôt sur les sociétés : 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ; qu'aux termes de l'article 5 de cette convention : 1. Au sens de la présente convention, l'expression établissement stable désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression établissement stable comprend notamment : a. Un siège de direction (...) c. Un bureau (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la même convention : 1. Les bénéfices provenant de l'exploitation, en trafic international, de navires ou d'aéronefs ne sont imposables que dans l'Etat contractant où le siège de la direction effective est situé (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des documents saisis par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure de droit de visite et de saisie prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, que la SOCIETE JASPESHIP LDA, de droit portugais, dont le siège social déclaré se trouve à Madère et qui a pour activité la location de bateaux de plaisance en Méditerranée, a pour associés et cogérants M. et Mme A, qui résident à Eauze dans le Gers ; que M. A, de son bureau situé dans le centre commercial qu'il dirige dans la même commune, est destinataire des documents intéressant l'exploitation du navire de commerce le Tursiops dont la société requérante est propriétaire et qui est attaché au port de Cannes dans les Alpes Maritimes ; que c'est de ce bureau qu'il émet les ordres de virement bancaire pour le financement de l'activité de la société, donne les ordres de paiement du personnel navigant et assure la transmission des documents comptables à la société Atlantico Madeira Yacht Management (AMYN), de droit portugais, située à Madère ; qu'ainsi, au regard des stipulations des articles 5 et 7 de la convention fiscale franco-portugaise, la SOCIETE JASPESHIP LDA doit être regardée comme disposant d'un établissement stable en France ; que, par suite, ces stipulations ne font pas échec à l'application des dispositions précitées de l'article 209-I du code général des impôts ;

Considérant que si le siège social de la SOCIETE JASPESHIP LDA se trouve à Madère, dans les locaux de la société AMYN, qui gère cette société sur le plan administratif et comptable en vertu d'un contrat de prestations de services qui la lie à M. A, il résulte de l'instruction que celui-ci, comme il vient d'être dit, émet les ordres de virement bancaire nécessaires au financement de la société, donne les ordres de paiement du personnel navigant et a conduit les négociations menées en 2005 en vue de la cession du navire exploité par la société ; qu'il s'ensuit que, nonobstant la procuration signée par M. et Mme A au profit de mandataires situés à Madère en vue de la gestion administrative et comptable de la société, laquelle précise d'ailleurs que tout paiement ne s'effectue qu'avec l'accord du mandant , les époux A n'étaient pas dessaisis du pouvoir de direction inhérent à leur statut de gérants de la société ; qu'ainsi, la direction effective de la SOCIETE JASPESHIP LDA était bien exercée en France au cours des années vérifiées ; que, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention fiscale franco-portugaise ne font pas, en tout état de cause, échec à l'application des dispositions précitées de l'article 209-I du code général des impôts ;

Considérant que si la SOCIETE JASPESHIP LDA se prévaut, d'une part, s'agissant de la notion d'établissement stable, d'une instruction du 15 février 1979 et de la documentation administrative de base 3 A-2141 n°3 du 20 octobre 1999 et, d'autre part, s'agissant de la notion de direction effective, du bulletin officiel des impôts 14 B-3-03 du 22 mai 2003 et de la documentation de base 4 H 1413 du 1er mars 1995, ces interprétations de la loi fiscale ne diffèrent pas de celle-ci ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : (...) Une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ;

Considérant que, comme il vient d'être dit, la SOCIETE JASPESHIP LDA dispose d'un établissement stable en France à Eauze dans le Gers ; qu'ainsi, d'une part, l'avis de vérification de la comptabilité a pu régulièrement être adressé au lieu d'exercice de cette activité au nom de M. A, gérant de la société ; que, d'autre part, et, en application des dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, l'agent vérificateur qui appartenait aux services de la direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées, dans le ressort territorial de laquelle se trouve le département du Gers, était compétent pour assurer la vérification de sa comptabilité et lui notifier une proposition de rectification ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE JASPESHIP LDA, qui ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, n'a pas déposé les déclarations fiscales qui lui incombaient tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur le chiffre d'affaires et de taxe sur les salaires ; que, par suite, elle a régulièrement fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en application des dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société JASPERSHIP a été régulièrement taxée d'office ; qu'il suit de là qu'elle ne peut obtenir, en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la décharge ou la réduction des impositions qu'elle conteste qu'en démontrant leur caractère exagéré ;

S'agissant de l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE JASPESHIP LDA n'ayant présenté lors du contrôle que des documents comptables annuels rédigés en langue portugaise, le vérificateur a dressé deux procès-verbaux de défaut de présentation de la comptabilité pour l'ensemble de la période vérifiée ; qu'à défaut de tout autre élément et en l'absence de présentation du livre de bord du navire, les recettes générées par l'exploitation commerciale de ce bateau ont été reconstituées, d'une part, à partir des documents saisis dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, lesquels ont permis de déterminer le nombre de jours annuels de location et les charges d'exploitation, et, d'autre part, à partir des éléments recueillis dans le cadre du droit de communication, qui ont notamment permis de fixer le tarif de location ; que si la SOCIETE JASPESHIP LDA soutient que le nombre annuel de jours de location retenu par le vérificateur, fixé à 90, est excessif en faisant valoir que le bateau ne serait loué qu'un mois par an, elle ne fournit aucun élément de nature à l'établir, alors qu'il résulte des documents saisis que pour 2001 la période réelle de location s'élevait à 94 jours et pour 2002 au moins à 72 jours ; qu'en outre, si elle se prévaut des déclarations fiscales qu'elle a déposées au Portugal, faisant état de résultats déficitaires, ces documents ne sont, en tout état de cause, pas de nature à établir que l'activité de location qu'elle a réalisée en France serait également déficitaire ; que, par suite, elle ne saurait être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions qui ont été mises à sa charge à raison des bénéfices tirés de la location du Tursiops ;

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 262 II 2° du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : (...) II. Sont également exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les opérations (...) de location portant sur : les navires de commerce maritime ; que ces dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 à la lumière de laquelle il convient de les interpréter ; qu'en vertu de l'article 15 de cette directive, doivent être notamment exonérées les opérations de location des bateaux de mer affectés à la navigation en haute mer et assurant un trafic rémunéré de voyageurs ou l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou de pêche ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vertu de l'autorisation de navigation délivrée par les autorités maritimes portugaises, le Tursiops , inscrit comme navire de commerce, peut naviguer à moins de 20 milles marins de la côte pour une durée n'excédant pas huit heures entre deux ports ; qu'il s'ensuit qu'il n'est dès lors pas habilité à naviguer en haute mer, celle-ci se situant au-delà de 200 milles marins des côtes, conformément aux stipulations de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 ; que, dès lors, la SOCIETE JASPESHIP LDA ne peut bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262 II 2° précité du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que si la société entend se prévaloir de l'instruction fiscale du 22 octobre 2003, publiée au Bulletin officiel des impôts 3 C-4-03, selon laquelle est considéré comme navire de commerce maritime tout navire de mer inscrit comme navire de commerce sur les registres officiels d'une autorité administrative française ou étrangère, doté d'un équipage permanent et affecté au besoin d'une activité commerciale , elle ne fournit pas le rôle d'équipage permettant d'établir qu'elle disposait, au cours de la période en litige, d'un équipage permanent au sens de cette instruction ; qu'elle ne peut dès lors utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE JASPESHIP LDA n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE JASPESHIP LDA est rejetée.

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N° 10BX00618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00618
Date de la décision : 24/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre VIARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BERTOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-03-24;10bx00618 ?
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