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24/03/2011 | FRANCE | N°10BX01049

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 24 mars 2011, 10BX01049


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 28 avril 2010, présentés pour M. Mehmet A, élisant domicile chez Me Tercero, 26 rue Matabiau à Toulouse (31000), par Me Tercero ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001818 du 26 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a, après avoir donné acte du désistement de ses conclusions dirigées contre la décision du préfet de la Haute-Garonne en date du 20 avril 2010 ordonnant son placement en rétention, rejet

sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garon...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 28 avril 2010, présentés pour M. Mehmet A, élisant domicile chez Me Tercero, 26 rue Matabiau à Toulouse (31000), par Me Tercero ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001818 du 26 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a, après avoir donné acte du désistement de ses conclusions dirigées contre la décision du préfet de la Haute-Garonne en date du 20 avril 2010 ordonnant son placement en rétention, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 20 avril 2010 décidant sa reconduite à la frontière, ainsi que la décision du même jour fixant la Turquie comme pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard un mois après la notification de la décision à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de la décision à intervenir et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2011 :

- le rapport de Mme Texier, président ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant que, par un arrêté en date du 20 avril 2010, le préfet de la Haute-Garonne a ordonné la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité turque, et fixé le pays à destination duquel il serait éloigné ; que, par un jugement en date du 26 avril 2010, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. A fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que pour écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de renvoi, le magistrat désigné ne s'est pas borné, contrairement à ce que soutient M. A, à faire référence aux explications orales apportées à l'audience par le préfet, mais a relevé que ladite décision mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et fait état des six rejets opposés par les instances d'asile entre le 15 avril 2004 et le 28 septembre 2006 à ses demandes tendant à l'obtention du titre de réfugié politique ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué n'est pas fondé et doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ;

Considérant que M. A, de nationalité turque, a été rendu destinataire, le 13 mars 2009, d'une décision du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 2 mars 2009 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; qu'à la date de la décision en litige, il relevait ainsi de la situation prévue par les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé et ne révèle pas un défaut d'examen particulier de la situation du requérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que M. A, qui est entré irrégulièrement sur le territoire national en 2003, fait valoir sa bonne intégration en France où réside l'un de ses frères, titulaire d'un titre de séjour ; que, toutefois, célibataire et sans enfant, il ne conteste pas que des membres de sa famille proche, notamment ses parents et certains de ses frères et soeurs, vivent dans son pays d'origine ; qu'en outre, il s'est systématiquement soustrait aux différentes décisions préfectorales l'invitant ou l'obligeant à quitter le territoire français ; que, par suite, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, il ne peut sérieusement soutenir que la décision qu'il conteste porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont pris, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut, et des craintes qu'il énonce, et l'appréciation portée sur eux, en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions susmentionnées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que pour estimer que M. A n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays , le préfet de la Haute-Garonne s'est borné à se référer au rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 15 avril 2004, puis de la Commission des recours des réfugiés le 2 mai 2005 et le rejet du réexamen auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Commission des recours des réfugiés le 23 août 2005, le 19 décembre 2005, le 1er mars 2006 et le 28 septembre 2006 ; qu'il doit ainsi être regardé comme s'étant estimé lié par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Commission de recours des réfugiés, que, dès lors, le préfet de la Haute-Garonne a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination en date du 20 avril 2010 doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne en date du 20 avril 2010 fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui n'annule pas la décision de reconduite elle-même, n'implique pas nécessairement la délivrance à M. A d'une autorisation provisoire de séjour ni le réexamen de sa situation ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au profit de M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 20 avril 2010 est annulé en tant qu'il fixe le pays à destination duquel M. A sera éloigné.

Article 2 : Le jugement n° 1001818 du 26 avril 2010 du Tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : L'État versera à M. A une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10BX01049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01049
Date de la décision : 24/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Jeanne TEXIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : TERCERO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-03-24;10bx01049 ?
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