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24/03/2011 | FRANCE | N°10BX01348

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 24 mars 2011, 10BX01348


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 juin 2010, présentée pour Mme Lilit A, demeurant au Centre d'accueil des demandeurs d'asile, 6 place Sainte Croix à Poitiers (86000), par Me Hay ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000378 en date du 5 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 18 janvier 2010 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire fran

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 juin 2010, présentée pour Mme Lilit A, demeurant au Centre d'accueil des demandeurs d'asile, 6 place Sainte Croix à Poitiers (86000), par Me Hay ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000378 en date du 5 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 18 janvier 2010 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté et de prononcer cette injonction ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 000 euros en application des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant le Président de la République à ratifier la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ensemble le décret n° 54-1055 du 14 octobre 1954 qui en porte publication ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2011 :

- le rapport de M. Braud, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, ressortissante arménienne, est entrée irrégulièrement en France avec son compagnon en octobre 2008 ; qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, elle a sollicité, le 17 novembre 2009, le réexamen de sa demande d'asile ; que le préfet de la Vienne lui a, le même jour, opposé un refus d'admission provisoire au séjour au motif que la demande de réexamen avait été présentée dans le seul but de faire échec à une mesure d'éloignement imminente ; qu'à la suite de la notification, le 3 décembre 2009, de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile, le préfet de la Vienne a, par un arrêté en date du 18 janvier 2010, rejeté la demande de titre de séjour de Mme A et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible ; que cette dernière relève appel du jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 5 mai 2010 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant, d'une part, que la décision litigieuse vise les textes dont elle fait application, et notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et expose la situation administrative et familiale de l'intéressée ; que si cette dernière reproche au préfet de la Vienne de ne pas mentionner le recours pendant devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande de réexamen, il n'est pas contesté que le préfet ignorait son existence ; qu'ainsi, cette omission ne peut être regardée comme un défaut de motivation ; qu'en outre, contrairement à ce qu'elle soutient, la décision en litige ne précise pas la nationalité de son compagnon ; que l'erreur de fait allégué à ce titre manque donc en fait ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de cette décision, que le préfet de la Vienne a examiné sa situation ; que, par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen de la situation de l'intéressée doivent être écartés ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne (...) ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 dudit code : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable ; que l'article L. 742-6 de ce code dispose toutefois que : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) ;

Considérant que Mme A soutient que, dans la décision en litige, le préfet de la Vienne n'indique pas que sa demande de réexamen de sa demande d'asile relèverait du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'en conséquence elle ne pouvait, en vertu de l'article L. 742-3 de ce code, faire l'objet d'un refus de titre de séjour avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile ; que, toutefois, le refus de titre de séjour litigieux vise l'arrêté du 17 novembre 2009 dans lequel le préfet de la Vienne indiquait que la demande de réexamen de la demande d'asile de Mme A avait été présentée dans le seul but de faire échec à une mesure d'éloignement imminente et qu'ainsi, cette dernière relevait de l'article L. 741-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 742-6 dudit code, qui dérogent aux dispositions aux dispositions de l'article L. 742-3 de ce code et qui sont visées par l'arrêté contesté, que dans cette hypothèse le demandeur d'asile ne bénéficie du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en l'espèce, le refus de titre de séjour litigieux a précisément été opposé postérieurement à la notification de cette décision ; qu'en outre, à supposer même qu'en invoquant la violation du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requérante ait entendu contester la qualification de sa demande d'asile, cette circonstance ne peut utilement être invoquée à l'encontre de la décision en litige qui ne se prononce nullement sur la nature de la demande d'asile présentée par Mme A ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des articles L. 741-4 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A réside en France en compagnie de sa mère, de son compagnon et de leur enfant né le 24 janvier 2009 ; que, toutefois, sa mère n'est admise au séjour en France qu'à titre provisoire dans le cadre de l'instruction d'une demande d'asile ; que son compagnon a fait l'objet le même jour d'un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il établit être légalement admissible ; qu'en outre, elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'enfin, eu égard à l'incertitude sur la nationalité de son compagnon, elle n'établit pas que cette décision aurait pour effet de les séparer ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions et de la durée de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté ;

Considérant que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'il en va de même pour le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision et de la violation du 1° de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que si Mme A a entendu soutenir que cette décision n'était pas suffisamment motivée, il ressort de l'arrêté litigieux qu'elle vise les textes dont elle fait application, et notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur ses demandes d'asile et précise qu'elle n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que les premiers juges ont relevé que si Mme A fait valoir que son compagnon fait l'objet d'un mandat de recherche et qu'il existe un risque pour sa vie et sa liberté en cas de retour en Arménie, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment probants, par la seule invocation d'un mandat de recherche dont son compagnon ferait l'objet pour avoir utilisé de faux papiers arméniens et une fausse identité, pour avoir manifesté contre le pouvoir en place et pour avoir déserté, tendant à établir qu'elle serait personnellement exposé à des risques pour sa vie en raison des origines azéries de son compagnon ; que Mme A, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et la demande de réexamen a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ne produit en appel aucun élément nouveau susceptible d'infirmer la motivation, qu'elle ne critique pas, retenue par le tribunal pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la requérante invoque une erreur de fait sur la nationalité de son compagnon, cette erreur manque en fait, l'arrêté litigieux ne précisant pas la nationalité de ce dernier ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...) ;

Considérant que Mme A soutient qu'elle ne pouvait être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité tant que la Cour nationale du droit d'asile n'aura pas statué sur son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus en application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le recours formé par Mme A devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente aucun caractère suspensif ; que, dès lors, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, alors même qu'elle n'est pas devenue définitive, est suffisante pour considérer qu'il a été statué sur la demande d'asile de Mme A au sens de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que l'application combinée des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au conseil de Mme A la somme qu'elle demande sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 10BX01348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01348
Date de la décision : 24/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-03-24;10bx01348 ?
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