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05/04/2011 | FRANCE | N°09BX01003

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 05 avril 2011, 09BX01003


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2009, présentée pour la SOCIETE SEFITEC, dont le siège est au PAE du Dégrad des Cannes à Cayenne (97300), par Société d'avocats Lgh et associés ;

La SOCIETE SEFITEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Cayenne n° 0300309 en date du 12 mars 2009, en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes d'indemnisation des préjudices subis du fait de l'exécution d'un marché conclu avec l'Etat le 17 novembre 2000 pour le lot gros oeuvre d'une opération de construction de 51 logements

à Montabo ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 959 407 euros...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2009, présentée pour la SOCIETE SEFITEC, dont le siège est au PAE du Dégrad des Cannes à Cayenne (97300), par Société d'avocats Lgh et associés ;

La SOCIETE SEFITEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Cayenne n° 0300309 en date du 12 mars 2009, en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes d'indemnisation des préjudices subis du fait de l'exécution d'un marché conclu avec l'Etat le 17 novembre 2000 pour le lot gros oeuvre d'une opération de construction de 51 logements à Montabo ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 959 407 euros en réparation de ses préjudices, la somme de 1 438 320 euros, arrêtée au 31 mars 2007, au titre des frais financiers, lesquels continuent à courir à raison de 27 440 euros par mois, ainsi que les intérêts sur ces sommes à compter de la date d'enregistrement de la demande de première instance, avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'expertise ;

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Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du :

- le rapport de M. Katz, premier conseiller ;

- les observations de Me de Bengie, pour la SOCIETE SEFITEC ;

- les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à aux parties ;

Vu la note en délibéré, enregistrée au greffe de la Cour le 15 mars 2011, produite pour la SOCIETE SEFITEC ;

Considérant que par un marché en date du 17 novembre 2000, le ministère de la défense a confié à la SOCIETE SEFITEC la réalisation du lot n°1 fondations, gros oeuvre, charpente, couverture et second oeuvre pour la réalisation de 51 logements à Montabo, pour un montant de 7 090 470,56 euros hors taxe ; qu'en raison de la découverte de vestiges archéologiques, les travaux, qui devaient initialement débuter le 10 janvier 2002 pour se terminer le 10 mars 2003, ont fait l'objet d'un ajournement décidé par le maitre d'ouvrage ; que la SOCIETE SEFITEC s'estimant lésée par cette situation a adressé, en application de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales-Travaux, un mémoire en réclamation, en date du 30 novembre 2002, par lequel elle sollicitait la somme de 1 544 909,91 euros, en réparation de ses préjudices ; que le ministre de la défense lui a accordé la somme de 138 019,74 euros à titre de règlement provisoire du différend, en application des dispositions de l'article 50-23 du cahier des clauses administratives générales-Travaux ; que par jugement du 12 mars 2009, le Tribunal administratif de Cayenne a condamné l'Etat à verser à la SOCIETE SEFITEC la somme de 174 539,42 euros, déduction faite de la provision de 138 019,74 euros, soit 36 519,68 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 6 novembre 2003 ; que la SOCIETE SEFITEC forme appel de ce jugement en ce que les premiers juges n'ont pas fait droit à l'intégralité de ses demandes ;

Sur la responsabilité contractuelle de l'Etat à raison de l'ajournement des travaux :

Considérant qu'aux termes de l'article 48-1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : L'ajournement des travaux peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. L'entrepreneur qui conserve la garde du chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement (...) ; qu'en vertu de ces stipulations, la SOCIETE SEFITEC a droit à être indemnisée des frais que lui impose la garde du chantier ajourné, ainsi que de l'ensemble des préjudices subis du fait de l'ajournement, à condition toutefois d'établir la réalité de ses préjudices ainsi que leur lien avec l'ajournement ;

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE SEFITEC soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la période d'ajournement des travaux s'étalerait sur 148 jours, dès lors qu'il y aurait lieu de retenir le 7 juin 2002 comme date de début des travaux et non le 6 mai 2002 ; qu'il est toutefois constant que par un ordre de service notifié le 17 décembre 2001, la SOCIETE SEFITEC a été informée du report sine die du début des travaux en raison de fouilles archéologiques et par un ordre de service du 25 avril 2002, notifié le 3 mai suivant, elle a été informée que les travaux débuteraient le 6 mai 2002 ; qu'en outre, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les travaux ont été réalisés entre le 6 mai 2002 et le 6 janvier 2004 ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimés que les travaux ont été ajournés du 10 janvier au 5 mai 2002, soit pendant une période de 117 jours ;

Considérant, en deuxième lieu, que la requérante sollicite la somme de 63 462,15 euros au titre de l'immobilisation du personnel d'encadrement ; qu'il résulte de l'instruction que ce personnel est composé du directeur des travaux et du directeur des travaux adjoint, lesquels devaient consacrer 33% de leur temps sur ce chantier, ainsi que du conducteur des travaux et du chef de chantier, ces derniers étant employés à temps plein sur le chantier ; qu'il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise précité, que le préjudice mensuel supporté par la requérante à ce titre est de 12 951,46 euros ; que, compte tenu de la période d'ajournement du chantier, soit 117 jours, le préjudice subi par la SOCIETE SEFITEC au titre de l'immobilisation du personnel d'encadrement s'élève à la somme de 50 510,69 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE SEFITEC soutient qu'elle a subi un préjudice d'un montant de 835 939 euros, du fait de l'immobilisation de la main-d'oeuvre de production, soit 65 salariés ; qu'il résulte cependant de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que seul le personnel en usine a été immobilisé durant la période allant du 10 janvier 2002 au 5 mai 2002, ce qui correspond à un préjudice d'un montant de 22 211,90 euros ; que si la SOCIETE SEFITEC invoque une baisse de son chiffre d'affaire par personne entre l'année 2002 et l'année 2003, ainsi qu'une sous-activité de son personnel, la société requérante ne rapporte pas la preuve que cette baisse résulterait uniquement de l'ajournement du chantier pendant 117 jours ; qu'en conséquence, il y a lieu de fixer à la somme de 22 211,90 euros le préjudice subi par la SOCIETE SEFITEC au titre de l'immobilisation du personnel de production pendant l'ajournement du chantier ;

Considérant, en quatrième lieu, que la SOCIETE SEFITEC réclame la somme de 364 133 euros au titre de l'immobilisation du matériel de chantier pendant la période d'ajournement des travaux ; que, toutefois, la requérante, en se bornant à produire une liste faisant état du matériel qui aurait été immobilisé durant la période d'ajournement, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la réalité de l'immobilisation de ces matériels durant 117 jours ;

Considérant, en cinquième lieu et enfin, que la société requérante soutient avoir subi un préjudice lié à la perte de frais fixes de structure , pour un montant de 1 318 134 euros, du fait d'avoir eu à supporter des frais fixes qui auraient été disproportionnés au regard du chiffre d'affaire des autres chantiers ; que, toutefois, la SOCIETE SEFITEC, qui se borne à faire valoir que son taux de marge défini contractuellement s'élève à 30 %, n'établit pas avoir subi du fait de l'ajournement des travaux d'autres frais que les frais fixes ci-dessus énoncés ; que, d'ailleurs, il résulte des écritures mêmes de la demande de première instance formée par la SOCIETE SEFITEC que les frais fixes de structure allégués correspondent au coût des équipements et collaborateurs affectés aux travaux et non mobilisés sur d'autres chantiers durant la période d'ajournement ; qu'ainsi, la société requérante n'a droit à aucune autre somme que celles de 50 510,69 euros et 22 211,90 euros retenues ci-dessus au titre des frais de personnels ; que, par suite, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la SEFITEC la somme de 72 722,59 euros au titre des préjudices liés à l'ajournement des travaux, et de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire ;

Sur la responsabilité de l'Etat à raison de la désorganisation du chantier :

Considérant qu'il est constant que les travaux ont été achevés le 6 janvier 2004, alors qu'ils auraient dû se terminer le 10 mars 2003 ; que le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à la SOCIETE SEFITEC la somme de 80 000 euros à raison de ce retard, imputable à une désorganisation du chantier ; que, d'une part, si le ministre de la défense fait valoir que la SOCIETE SEFITEC a payé des pénalités, dont elle ne conteste pas le bien-fondé, à raison du retard dans l'achèvement des travaux, il ne conteste pas en appel le principe de la responsabilité de l'Etat du fait de la désorganisation du chantier ; que, d'autre part, si la SOCIETE SEFITEC sollicite la somme de 328 638 euros au titre des préjudices résultant de la désorganisation du chantier, elle n'établit pas avoir subi d'autres préjudices que ceux retenus par les premiers juges ; que, dans ces conditions, la SOCIETE SEFITEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif à limité à 80 000 euros la somme due par l'Etat à raison des préjudices résultant de la désorganisation du chantier ;

Sur les frais financiers :

Considérant que la SOCIETE SEFITEC sollicite la somme de 1 356 000 euros, au titre des frais financiers, arrêtés au 31 décembre 2006, outre la somme de 27 440 euros par mois à compter du 1er janvier 2007 ; qu'à l'appui de sa demande indemnitaire présentée à ce titre, la société requérante se borne à renvoyer à une liste détaillée de ces frais figurant dans l'annexe 2 de son dire à expert en date du 17 novembre 2006 ; que, toutefois, la SOCIETE SEFITEC n'établit pas que ces frais allégués soient en lien direct avec les dépenses occasionnées par l'ajournement des travaux, seules préjudices auxquels elle peut prétendre ; que, dès lors, elle n'a droit à aucune indemnité au titre des frais financiers allégués ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE SEFITEC a droit à la somme totale de 152 722,59 euros ; qu'il y a lieu, cependant, de déduire de cette somme, la somme déjà perçue, par la société, à titre de règlement amiable accordé par l'Etat, soit 138 019,74 euros ; qu'il y a lieu, par suite de condamner l'Etat à verser la somme de 14 702,85 euros à la SOCIETE SEFITEC ;

Sur les intérêts et la capitalisation de ces intérêts :

Considérant, d'une part, que la SOCIETE SEFITEC a droit à ce que la somme de 14 702,85 euros soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2003 ;

Considérant, d'autre part, que la SOCIETE SEFITEC a demandé la capitalisation des intérêts par mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2007 ; qu'à cette date, il était du plus d'une année entière d'intérêts ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de capitalisation à la date du 16 janvier 2007 et à chaque échéance annuelle ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, qui ont été taxés et liquidés à la somme de 28 044,42 euros, à la charge l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la SOCIETE SEFITEC au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser la somme de 14 702,85 euros à la SOCIETE SEFITEC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2003. Ces intérêts seront capitalisés au 16 janvier 2007 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Cayenne n° 0300309 en date du 12 mars 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 28 044,42 euros, sont mis à la charge de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE SEFITEC est rejeté.

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N° 09BX01003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX01003
Date de la décision : 05/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS LGH ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-04-05;09bx01003 ?
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