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28/04/2011 | FRANCE | N°10BX03042

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 avril 2011, 10BX03042


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 2010 par télécopie, régularisée le 21 décembre 2010, sous le n° 10BX03042, présentée pour Mlle Make A demeurant au MRAP 25 ter rue de la Madeleine à Albi (81000), par Me Dujardin, avocat ;

Mlle A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003230 en date du 6 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2010 par laquelle la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligat

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 2010 par télécopie, régularisée le 21 décembre 2010, sous le n° 10BX03042, présentée pour Mlle Make A demeurant au MRAP 25 ter rue de la Madeleine à Albi (81000), par Me Dujardin, avocat ;

Mlle A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003230 en date du 6 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2010 par laquelle la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Tarn de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète du Tarn de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui octroyer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1.500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-597 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :

- le rapport de Mme Girault, président ;

- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

Considérant que Mlle A, de nationalité congolaise, relève appel du jugement n° 1003230 du 6 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 juin 2010 par lequel la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté portant refus de titre de séjour mentionne que la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 juillet 2009, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 mai 2010, que l'intéressée est entrée irrégulièrement en France le 5 avril 2009 à l'âge de 24 ans munie d'un passeport d'emprunt, qu'elle s'est déclarée célibataire et sans enfant, qu'elle n'a pas apporté la preuve d'être dépourvue d'attaches familiales et de liens personnels forts en République démocratique du Congo, qu'elle ne remplit aucune des conditions fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un titre de séjour et qu'à défaut d'en avoir apporté la preuve contraire, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de l'autoriser à continuer à résider en France, et enfin qu'il y a lieu, en application de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de fixer la République démocratique du Congo comme pays de destination, pays dont l'intéressée n'établit pas que sa vie et sa liberté y seraient menacées ; que cette décision est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant en deuxième lieu, que les termes mêmes de l'arrêté révèlent que le préfet s'est livré, contrairement à ce que soutient la requérante, à un examen particulier de sa situation personnelle ;

Considérant, en troisième lieu, que Mlle A fait valoir qu'en vertu de son pouvoir d'appréciation, l'administration devait envisager la possibilité de lui délivrer un titre de séjour dans la mesure où, déboutée de sa demande d'asile, elle était suivie médicalement en France en raison du traumatisme psychologique qu'elle avait subi dans son pays d'origine ; qu'il est constant que l'intéressée n'a sollicité son admission au séjour ni au titre d'étranger malade ni à titre exceptionnel en raison de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office si la requérante pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif (...) Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et le pays à destination duquel il sera, le cas échéant, éloigné, et, par suite, exclure l' application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'égard de l'obligation de quitter le territoire français ;

Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'implique pas, par elle-même, le retour de la requérante dans son pays d'origine ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant à l'encontre de cette décision ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que la requérante fait valoir que son père était membre du mouvement de libération du Congo, qu'il a été assassiné en 2008, ainsi que sa mère, qu'elle a été arrêtée parce que le cybercafé qu'elle gérait était soupçonné de faciliter les communications entre opposants au régime, et conduite en prison, où elle est demeurée sans jugement pendant plus de trois mois, et où elle a subi des violences et sévices répétés ; qu'à l'appui de ces affirmations, elle produit des attestations de membres du MLC en France et trois certificats médicaux, établis avant la décision contestée, dont le premier affirme que la patiente décrit un syndrome de répétition et de réviviscence centré sur des viols subis pendant sa détention et sa garde à vue, ainsi que lors de l'assassinat de ses parents dont elle a été témoin ; que, selon le deuxième médecin, la patiente présente un syndrome de stress post-traumatique très invalidant, compliqué d'affects dépressifs sévères. (...) Son état justifie la poursuite d'une prise en charge psychiatrique. ; que le troisième médecin conclut que Mlle A fait état d' un stress post-traumatique profond, largement fixé, compliqué d'une dépression majeure, imposant des soins psychiatriques médicamenteux et psychologiques sur une longue période. Le mode d'expression des symptômes (en particulier la description des symptômes et les réticences de la patiente) et l'intensité des affects ne laissent aucun doute sur la réalité des souffrances endurées par Mlle Make A , et estime que Le niveau de dépression est élevé. Le risque suicidaire doit être pris en considération. ; que ce dernier médecin a constaté la présence de très nombreuses cicatrices sur le corps de Mlle A pouvant raisonnablement être attribuées aux sévices qu'elle dit avoir endurés lors de sa détention ; que, dans ces conditions, Mlle A a fourni des documents et des précisions suffisantes pour établir les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Tarn du 23 juin 2010 en tant qu'elle désigne la République démocratique du Congo comme pays de destination pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mlle A dirigées contre le refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français contenus dans l'arrêté du 23 juin 2010, et n'annule que la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination, implique seulement que la situation de Mlle A soit réexaminée et qu'une autorisation provisoire de séjour lui soit accordée dans cette attente ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mlle A d'une somme de 1.000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète du Tarn du 23 juin 2010 est annulé en tant qu'il désigne la République démocratique du Congo comme pays de destination. .

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Tarn de procéder au réexamen de la situation de Mlle A dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dujardin, avocat, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.

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N°10BX03042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10BX03042
Date de la décision : 28/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-04-28;10bx03042 ?
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