La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2011 | FRANCE | N°10BX01601

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 24 mai 2011, 10BX01601


Vu I, sous le n°10BX01601, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 juillet 2010, confirmée par courrier le 16 juillet 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905401 du 27 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 9 octobre 2009 refusant le séjour à M. A, ressortissant angolais, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant l'Angola comme pays à destination duquel il sera renvoyé ;

2°) de rejeter

la demande présentée par M. A ;

--------------------------------------------------...

Vu I, sous le n°10BX01601, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 juillet 2010, confirmée par courrier le 16 juillet 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905401 du 27 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 9 octobre 2009 refusant le séjour à M. A, ressortissant angolais, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant l'Angola comme pays à destination duquel il sera renvoyé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A ;

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2011 :

- le rapport de Mme Flecher-Bourjol, président-rapporteur,

- les observations de Me Tercero pour M. A,

- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que, par l'instance enregistrée sous le n°10BX01601, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE relève appel du jugement en date du 27 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 9 octobre 2009 refusant le séjour à M. A, ressortissant angolais, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé ; que, par l'instance enregistrée sous le n°10BX01602, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ; qu'il y a lieu de joindre ces deux instances dirigées contre un même jugement ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que si M. A, ressortissant angolais, a épousé le 30 septembre 2008 une ressortissante congolaise titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 16 août 2019 avec laquelle il a deux enfants, il ressort des pièces du dossier que son mariage est récent, que l'ancienneté et la réalité de la communauté de vie avec son épouse n'est pas établie par les pièces du dossier ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans et où résident ses quatre enfants mineurs ainsi que d'autres membres de sa famille ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté en date du 9 octobre 2009 rejetant la demande de M. A tendant à l'attribution d'un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire à destination du pays dont il a la nationalité ;

Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A en première instance et en appel ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie privée et familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

Considérant que si M. A, ressortissant angolais, a épousé le 30 septembre 2008 une ressortissante congolaise titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 16 août 2019 avec laquelle il a eu deux enfants nés en 2007 et 2010 et qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que son mariage est récent, que l'ancienneté et la réalité de la communauté de vie avec son épouse n'est pas établie et qu'après être entré en France irrégulièrement en mars 2004, il s'y est maintenu dans les mêmes conditions après avoir fait l'objet de deux décisions de refus de titre de séjour dans le courant de l'année 2005 ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans et où résident ses quatre enfants mineurs ainsi que d'autres membres de sa famille ; que la circonstance qu'il ait eu un second enfant avec son épouse le 20 juillet 2010 et qu'il ait adopté les deux enfants de son épouse issus d'une précédente union est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il s'agit d'éléments postérieurs à celle-ci et qu'ils ne révèlent pas par eux-mêmes l'ancienneté de la communauté de vie et de l'entretien des enfants par ses soins ; qu'enfin si le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a mentionné que la séparation de M. A avec son épouse ne serait que temporaire s'il quittait le territoire pour bénéficier de la procédure de regroupement familial, il ne s'est pas contenté de ce seul motif pour apprécier l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il a seulement entendu tirer les conséquences de ce que, ne justifiant pas de la gravité de l'atteinte portée à sa vie privée, le requérant ne pouvait prétendre séjourner en France qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté la procédure ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A, dont l'épouse est titulaire d'une carte de résident, ne peut prétendre à séjourner en France qu'au titre du regroupement familial ; qu'il ne saurait dans ces conditions utilement opposer que son épouse ne dispose pas de ressources suffisantes dès lors qu'il n'établit pouvoir légalement séjourner en France à un autre titre que le regroupement familial et dès lors que le préfet a la possibilité d'accorder le regroupement familial alors même que cette condition ne serait pas remplie ;

Considérant qu'il ne résulte pas de la motivation de l'arrêté contesté que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE se soit estimé en situation de compétence liée par rapport à la possibilité pour M. A de bénéficier de la procédure de regroupement familial ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : la commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-1 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (... ) ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. A n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que dès lors que M. A, qui a quatre enfants en Angola, qui ne démontre pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant qu'il a eu avec son épouse ni ne soutient que la poursuite de la vie commune et familiale serait impossible dans son pays d'origine, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement s inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A, dont la demande d'asile a été définitivement rejetée par la commission de recours des réfugiés le 11 février 2005, ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité et l'actualité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi la décision fixant son pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 9 octobre 2009 refusant le séjour à M. A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à la SELARL ATY de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de la requête n° 10BX01602 :

Considérant que la cour statuant sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE deviennent sans objet ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SELARL ATY de la somme qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°10BX01602 présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 27 avril 2010 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 présentées au titre des requêtes n°10BX01601 et n°10BX01602 sont rejetées.

''

''

''

''

5

Nos 10BX01601- 10BX01602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01601
Date de la décision : 24/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: Mme Dominique FLECHER-BOURJOL
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : TERCERO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-05-24;10bx01601 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award