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07/06/2011 | FRANCE | N°10BX03085

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 07 juin 2011, 10BX03085


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour par télécopie le 20 décembre 2010 et par courrier le 22 décembre 2010 présentée pour Mme Bilegen A, demeurant chez SOS Racisme 4, allée Fabre d'Eglantine à Limoges ( 87280), par Me Preguimbeau ;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 100941 du 30 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2010, par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une ob

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour par télécopie le 20 décembre 2010 et par courrier le 22 décembre 2010 présentée pour Mme Bilegen A, demeurant chez SOS Racisme 4, allée Fabre d'Eglantine à Limoges ( 87280), par Me Preguimbeau ;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 100941 du 30 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2010, par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant la Macédoine comme pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de Me Preguimbeau, la somme de 1 794 euros TTC, soit 1 500 HT, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, à charge pour elle de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi que la somme de 8,84 euros exposée par elle au titre des droits de plaidoirie ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la directive 2005/85 du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

La requête ayant été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative ;

Mme A ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2011 :

- le rapport de Mme Demurger, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, ressortissante macédonienne, est entrée irrégulièrement en France le 8 février 2010 ; que sa demande d'asile a été traitée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire, puis rejetée par une décision en date du 19 mars 2010 ; qu'un recours a été introduit devant la cour nationale du droit d'asile ; que, par arrêté du 12 avril 2010, le préfet de la Haute-Vienne a refusé d'admettre l'intéressée au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé la Macédoine comme pays de destination ; que Mme A interjette régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) / 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande (...) ; qu'aux termes de l'article L. 742-5 du même code : Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1 ; que l'article L. 723-1 du code dispose : (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 (...) ; que l'article L. 742-6 du même code dispose : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet (...) ; que l'article 33 de la convention de Genève stipule : 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. / Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne a, en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile au motif qu'originaire de l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), elle arrivait d'un pays d'origine sûr, classé comme tel par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que la demande d'asile de l'intéressée a donc, conformément aux dispositions de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, été examinée selon la procédure dite prioritaire, avant d'être rejetée par décision du 19 mars 2010, notifiée le 25 mars 2010 ;

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 30 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres : 1. Sans préjudice de l'article 29, les Etats membres peuvent maintenir ou adopter des dispositions législatives qui leur permettent, conformément à l'annexe II, de désigner comme pays d'origine sûrs, au niveau national, des pays tiers autres que ceux qui figurent sur la liste commune minimale à des fins d'examen de demandes d'asile. Ils peuvent également désigner comme sûre une portion du territoire d'un pays si les conditions prévues à l'annexe II sont remplies en ce qui concerne cette portion de territoire./ 2. Par dérogation au paragraphe 1, les Etats membres peuvent maintenir les dispositions législatives qui sont en vigueur le 1er décembre 2005, qui leur permettent de désigner comme pays d'origine sûrs, au niveau national, des pays tiers autres que ceux qui figurent sur la liste commune minimale à des fins d'examen de demandes d'asile lorsqu'ils se sont assurés que les personnes dans les pays tiers concernés ne sont généralement pas soumises : a) à des persécutions au sens de l'article 9 de la directive 2004/83/CE, ni b) à la torture ou à des traitements ou des peines inhumains ou dégradants ; que d'une part, la France a adopté par la loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile les dispositions codifiées à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant l'établissement d'une liste des pays d'origine sûrs et fixant les critères de leur inscription sur cette liste ; que ces dispositions n'ont pas été modifiées postérieurement à l'entrée en vigueur de la directive du 1er décembre 2005 ; que, par suite, les dispositions législatives permettant à la France de désigner des pays tiers comme étant des pays d'origine sûrs, sur le fondement desquelles la décision du 20 novembre 2009 du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été adoptée, étaient en vigueur le 1er décembre 2005, nonobstant la circonstance que les dispositions de l'article L. 722-1 du même code, attribuant au conseil d'administration de l'office français de protection des réfugiés et apatrides compétence pour fixer la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d'origine sûrs, aient été modifiées par la loi du 24 juillet 2006 ; qu'ainsi seules les dispositions précitées du 2 de l'article 30 étant applicables à la décision dont l'illégalité est invoquée par voie d'exception, Mme A ne peut utilement soutenir que l'OFPRA aurait dû appliquer les critères de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la lumière des stipulations de l'annexe II de la directive 2005/85/CE ; qu'ainsi, seules les dispositions précitées du 2 de l'article 30 de la directive du 1er décembre 2005 étant applicables à la délibération attaquée, Mme A ne peut utilement soutenir que l'office français de protection des réfugiés et apatrides ne pouvait procéder à l'établissement d'une liste nationale de pays d'origine sûrs que par référence au 1 de l'article 30 de cette directive ; que d'autre part, la requérante n'apporte aucun argument à l'appui de son allégation selon laquelle le maintien de l'ARYM sur cette liste serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 20 novembre 2009 doit être écarté ;

Considérant en deuxième lieu, que si Mme A soutient que l'arrêté refusant de l'admettre au séjour méconnaît les dispositions du quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, il est constant que, pour refuser l'admission au séjour de la requérante, le préfet de la Haute-Vienne a fondé sa décision sur les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors qu'un acte administratif trouve son fondement dans la loi, le juge administratif n'est pas compétent pour en apprécier la conformité à la Constitution ; que, par conséquent, le moyen tiré de ce que l'arrêté par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour serait contraire à la Constitution est inopérant ;

Considérant en troisième lieu que Mme A fait valoir que l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire à la Constitution ; que, toutefois, d'une part, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative n'est pas de nature à être discuté devant le juge administratif ; que, d'autre part, l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire à la Constitution doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme A n'apporte aucun élément de nature à permettre au juge d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de l'inconventionnalité de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en cinquième lieu, que, si Mme A soutient que le préfet de la Haute-Vienne a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de la liste des pays d'origine sûrs, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ce moyen ; que ce dernier sera par suite écarté ;

Considérant en sixième lieu, que dès lors que l'organisation d'une procédure d'examen prioritaire, associée à l'obligation, qui incombe à l'office de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, à la cour nationale du droit d'asile, de procéder, dans chaque cas, à un examen individuel de la demande, ne saurait s'analyser comme une procédure automatique de refoulement des réfugiés, au sens des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par l'arrêté de refus d'admission au séjour n'est pas fondé ;

Considérant, en septième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, que l'étranger dont la demande d'asile entre dans l'un des cas mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, d'autre part, qu'un recours formé par l'intéressé contre une éventuelle décision de rejet de l'office ne présente pas un caractère suspensif ; que le 2° de l'article L. 741-4 concerne les étrangers qui ont la nationalité d'un pays d'origine sûr ; que, par suite, Mme A, qui est originaire de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, pays qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a été inscrit par l'office français de protection des réfugiés et apatrides sur la liste des pays sûrs, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne aurait commis une erreur de droit ou méconnu l'étendue de sa compétence, en refusant de l'admettre au séjour alors que son recours était pendant devant la cour nationale du droit d'asile ;

Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 énonce : 1. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A est entrée en France le 8 février 2010, à l'âge de quarante ans ; qu'à la date de la décision contestée, elle ne séjournait dans ce pays que depuis quelques semaines ; que son mari, entré en France à cette même date, et dont elle soutient qu'il souffrirait de problèmes de santé, a également fait l'objet, le même jour, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que, si la requérante invoque la présence en France de sa fille Euguenija, il ressort des pièces du dossier que ses deux premiers enfants sont demeurés en ancienne République yougoslave de Macédoine, où elle n'est donc pas dépourvue de toute attache familiale ; que dans ces conditions, et eu égard notamment à la durée du séjour de l'intéressée en France, le préfet n'a pas porté au droit de Mme A à une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été opposée, et ainsi n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, en tout état de cause, le préambule de la Constitution ou l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Considérant, en neuvième lieu, qu'eu égard à l'ensemble des faits évoqués ci-dessus, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme A ;

Considérant, en dixième lieu, que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que lorsqu'il envisage de refuser de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger qui remplit effectivement les conditions énoncées par l'article L. 313-11 du même code, ou celles énoncées aux articles L. 314-11 et L. 341-12 et, le cas échéant, à l'article L. 431-3 de ce code ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme A n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été adoptée ; que l'intéressée n'établit pas, par ailleurs, qu'elle entrerait dans les autres cas obligeant le préfet à saisir la commission du titre de séjour ; que, dès lors, la requérante ne peut valablement soutenir que le préfet de la Haute-Vienne était tenu de soumettre son cas à cette commission ;

Considérant, en onzième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, si Mme A soutient que l'intérêt de sa fille Euguenija est de demeurer en France, il ressort des pièces du dossier que la petite fille, âgée de huit ans, ne vivait, à la date de la décision contestée, en France que depuis quelques semaines, alors que ses parents font tous les deux l'objet d'un refus de séjour et que les autres membres de la fratrie résident toujours dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine ; qu'aucune circonstance ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées n'est pas fondé et doit être écarté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision du préfet de la Haute-Vienne portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, Mme A ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne se serait estimé lié par le refus de séjour opposé à Mme A et n'aurait pas fait usage de son pouvoir d'appréciation pour assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, quel que soit le type de décision dont cette obligation de quitter le territoire français découle ;

Considérant, en quatrième lieu, que la décision fixant le pays de destination mentionne que Mme A, de nationalité macédonienne, n'établit pas être exposée, en cas de retour en Macédoine, à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que l'intéressée n'entre pas dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire ; que ladite décision doit, par suite, être regardée comme suffisamment motivée ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que l'article 3 de ladite convention stipule : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'en se bornant à invoquer, au demeurant sans la produire, une fiche pays établie par le ministère des affaires étrangères faisant état de troubles dans la région de Bitola, dont elle est originaire, Mme A n'apporte pas la preuve qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'en outre, il ressort de ladite fiche que les troubles résiduels dans la région de Bitola n'apparaissent pas de nature à créer un climat de violence mettant en danger la vie ou la sûreté de la requérante en cas de retour dans cette région ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2010, par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant la Macédoine comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme A la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme A est rejetée.

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N° 10BX03085


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAMARCHE
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : PREGUIMBEAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 07/06/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10BX03085
Numéro NOR : CETATEXT000024226675 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-06-07;10bx03085 ?
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