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14/06/2011 | FRANCE | N°10BX00425

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 14 juin 2011, 10BX00425


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2010 sous forme de télécopie, confirmée par courrier le 18 février 2010, présentée pour M. Benoît X, demeurant ..., par Me Thalamas, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604495 du 17 décembre 2009 du Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a condamné l'Etat qu'à lui verser la somme de 39 000 euros en réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser la somme de 346 629,18 euros augmentée des intérêts au taux légal à

compter du 5 mai 2003 ainsi que des intérêts des intérêts à compter du 30 août 2007 et pou...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2010 sous forme de télécopie, confirmée par courrier le 18 février 2010, présentée pour M. Benoît X, demeurant ..., par Me Thalamas, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604495 du 17 décembre 2009 du Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a condamné l'Etat qu'à lui verser la somme de 39 000 euros en réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser la somme de 346 629,18 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2003 ainsi que des intérêts des intérêts à compter du 30 août 2007 et pour chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date, d'autre part, à lui rembourser le montant des honoraires de l'expert dont il a fait l'avance, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande de première instance et de la capitalisation de ces intérêts à compter de la date d'enregistrement de la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du service national ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2011 :

- le rapport de M. Valeins, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

Considérant que M. X, alors appelé du contingent, a été victime, le 4 mai 1999, lors d'un exercice, d'un accident de saut en parachute et a été blessé à l'épaule droite ; que, rayé des contrôles de l'armée active le 1er avril 2000, il a perçu à compter du 7 mai 1999 une pension militaire d'invalidité ; que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 62 du code du service national, il a demandé au Tribunal administratif de Toulouse la condamnation de l'Etat à l'indemniser de l'ensemble des préjudices subis ; que par jugement du 17 décembre 2009, le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 39 000 euros sous déduction de la provision de 26 000 euros qui lui avait été déjà versée ; que M. X interjette appel de ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à cette somme ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 62 du code du service national : Nonobstant les dispositions régissant les régimes de couverture sociale qui leur sont propres, les jeunes gens accomplissant les obligations du service national, victimes de dommages corporels subis dans le service ou à l'occasion du service, peuvent, ainsi que leurs ayants droit, obtenir de l'Etat, lorsque sa responsabilité est engagée, une réparation complémentaire destinée à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi, calculée selon les règles du droit commun ; qu'il résulte des dispositions précitées que l'appelé, qui a enduré, du fait de l'accident imputable au service, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, peut réclamer une indemnité complémentaire de sa pension pour réparer ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'il peut, en outre, prétendre au versement d'une indemnité réparant ses autres chefs de préjudice dans la mesure où ils ne seraient pas entièrement réparés par le versement de la pension ; que ces indemnités complémentaires sont dues même en l'absence de faute de la puissance publique ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si M. X soutient que le jugement serait insuffisamment motivé pour avoir omis de préciser la nature et le quantum des préjudices déjà indemnisés par la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie, il ressort des termes mêmes du jugement que celui-ci a rappelé que le requérant avait perçu, tout d'abord, tant au titre de l'incapacité temporaire totale de soixante jours qu'au titre de l'incapacité permanente partielle évaluée à 20 %, outre sa solde, une pension militaire d'invalidité destinée à compenser le déficit fonctionnel permanent, concédée au taux de 20 % pour la période du 7 mai 1999 au 6 mai 2002 d'un montant de 4 205,81 euros, puis un renouvellement de cette pension à titre définitif au taux de 25 % pour un montant de 39 411 euros, soit un capital représentatif fixé à 43 616,81 euros ; que la circonstance que le tribunal administratif n'a pas exposé le motif pour lequel il retenait la somme de 43 616,81 euros comme étant celle du capital attribué par l'administration au requérant et justifiée par les pièces produites alors que celui-ci l'évaluait à 43 034,08 euros dans le dernier état de ses écritures, ne suffit pas à regarder le jugement comme insuffisamment motivé ;

Considérant qu'en première instance M. X demandait l'indemnisation des chefs de préjudice suivants : souffrances physiques, préjudice esthétique, préjudice d'agrément et troubles dans les conditions d'existence, préjudice économique et professionnel ; que le tribunal administratif s'est prononcé sur chacun de ces préjudices et a déterminé l'indemnisation du dommage selon les règles du droit commun ; qu'ainsi, il n'a pas omis d'indiquer le montant de l'indemnité à laquelle le requérant avait droit selon les règles du droit commun ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents émanant du ministère de l'économie et des finances ainsi que du trésorier-payeur général de la région Midi-Pyrénées produits par le ministre de la défense, que l'administration a concédé à M. X, dans un premier temps, à titre temporaire, une pension militaire d'invalidité au taux de 20 %, à compter du 7 mai 1999, dont le taux a été porté à 25 % à compter du 13 juin 2000 et pour un montant d'arrérages de 4 205,81 euros ; que cette pension a été renouvelée à titre définitif le 7 mai 2002 au taux de 25 % pour un montant annuel de 1 541,60 euros, le capital représentatif s'élevant à 39 411 euros ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le capital représentatif de ces deux pensions s'est donc élevé à la somme de 43 616,81 euros et non à la somme de 39 919,29 euros invoquée en appel par M. X ;

Considérant que si M. X soutient que le tribunal administratif n'aurait pas, à tort, considéré que l'indemnité qui lui était due en raison de l'atteinte à son intégrité physique devait être évaluée à la somme de 36 000 euros, il résulte de l'instruction et notamment des mémoires produits en première instance par les parties, que celles-ci étaient d'accord sur ce montant lequel était couvert et au-delà par la pension militaire d'invalidité versée à l'intéressé de 43 616,81 euros en réparation de ce chef de préjudice ; qu'en conséquence, en constatant que le capital représentatif de 43 616,81 euros avait été versé au requérant au titre de la pension militaire d'invalidité le tribunal administratif a nécessairement considéré que la somme de 36 000 euros y était incluse et due au requérant ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé à 25 000 euros le préjudice subi par le requérant au titre des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle ; que, pour contester cette évaluation, le requérant fait valoir qu'en raison de son invalidité il ne peut plus exercer le métier de maçon, qu'il a subi une forte différence de salaire entre le salaire de maçon qu'il percevait avant d'effectuer la période de service national actif et celui perçu à sa sortie de service, que le salaire d'un ouvrier maçon augmente rapidement, qu'il va subir une perte de retraite et qu'il a perdu une chance de devenir chef d'une entreprise de maçonnerie ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, si à la sortie du service, après une période de six mois de chômage, du 7 avril 2000 au 10 septembre 2000, le requérant a en effet perçu, dans le secteur de la vente, durant la période du 6 novembre 2000 au mois de mars 2002, un salaire sensiblement inférieur à celui qu'il percevait avant son entrée au service, il est constant que dès le mois d'avril 2002 il a retrouvé le même niveau de rémunération et a perçu dès 2003, fréquemment, un salaire très supérieur à celui qu'il percevait auparavant en qualité de maçon ; que la perte de retraite qui découlerait de la perte de salaire en qualité de maçon n'est donc pas établie ; qu'eu égard à son caractère éventuel, le requérant ne saurait prétendre à l'indemnisation du préjudice tenant à la perte de chance de créer une entreprise de maçonnerie ; que, dans ces conditions, en fixant, au titre des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle, à la somme de 25 000 euros la réparation du préjudice subi par M. X, le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation insuffisante dudit préjudice ; qu'il résulte de l'instruction que la pension militaire concédée au requérant n'indemnise que l'invalidité permanente dont il est atteint et qu'elle n'indemnise ni la perte de gains professionnels futurs ni l'incidence professionnelle de son traumatisme après consolidation ; qu'il n'y a donc pas lieu de déduire de la somme précitée de 25 000 euros la somme de 7 616,81 euros qui correspondrait selon le ministre à la réparation du préjudice professionnel couverte par la pension militaire d'invalidité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que pour la période allant de la date de son accident à la consolidation, la souffrance endurée par le requérant a été évaluée à 3/7, que son préjudice esthétique est de 0,5 / 7 et qu'il a subi un préjudice d'agrément puisqu'il ne peut plus reprendre certains des sports qu'il pratiquait avant l'accident ; qu'en fixant l'indemnisation de ces différents chefs de préjudice, respectivement à 5 000 euros, 1 000 euros et 8 000 euros, le tribunal administratif en a fait une juste évaluation ; que le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les autres troubles dans les conditions d'existence découlant de l'invalidité permanente dont le requérant est atteint sont indemnisés par la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée pour une invalidité de 25 % et dont il résulte de l'instruction qu'elle correspond selon les règles du droit commun à celle qu'un homme de 25 ans atteint d'une telle invalidité peut obtenir au titre du déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente partielle );

Considérant que le requérant ayant fait l'avance des frais d'expertise, qui ont été mis à la charge de l'Etat par le tribunal administratif, d'un montant de 400 euros, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X les intérêts de la somme correspondante à compter de la date invoquée par celui-ci d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif, le 14 novembre 2006 ; que le requérant a demandé la capitalisation de ces intérêts par sa requête enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2010 ; qu'à cette date il était due au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à sa demande de capitalisation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. X n'est fondé à demander la réformation du jugement attaqué qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser des intérêts sur le montant des frais d'expertise avancés, d'autre part, que les conclusions incidentes du ministre de la défense doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à payer à M. X les intérêts au taux légal sur la somme de 400 euros à compter du 14 novembre 2006, les intérêts échus le 16 février 2010 étant capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 17 décembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. X et l'appel incident du ministre de la défense sont rejetés.

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No 10BX00425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00425
Date de la décision : 14/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Armées et défense - Service national.

Pensions - Pensions civiles et militaires de retraite.


Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : THALAMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-06-14;10bx00425 ?
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