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27/06/2011 | FRANCE | N°10BX02745

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 27 juin 2011, 10BX02745


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2010, présentée pour Mme Fatiha X, agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs Kahjine et Ahdem, et demeurant ... ;

Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901551 du tribunal administratif de Limoges en date du 1er avril 2010 en ce qu'il a limité à 3 500 euros le montant de l'indemnité qui lui a été allouée en réparation des préjudices causés par les refus illégaux opposés par le préfet de la Haute-Vienne à ses demandes de titre de séjour ;

2°) de condamner l'Etat à lui

verser la somme de 8 000 euros au titre du préjudice matériel et de 5 000 euros au titre ...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2010, présentée pour Mme Fatiha X, agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs Kahjine et Ahdem, et demeurant ... ;

Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901551 du tribunal administratif de Limoges en date du 1er avril 2010 en ce qu'il a limité à 3 500 euros le montant de l'indemnité qui lui a été allouée en réparation des préjudices causés par les refus illégaux opposés par le préfet de la Haute-Vienne à ses demandes de titre de séjour ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros au titre du préjudice matériel et de 5 000 euros au titre du préjudice moral, et à chacun de ses enfants, la somme de 2 000 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral, ces sommes devant porter intérêts à compter de la réception de la demande préalable, et les intérêts devant eux-mêmes être capitalisés ;

3°) de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil la somme de 1 794 euros, ce règlement valant renonciation à l'indemnité d'aide juridictionnelle ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, enregistrée le 1er juin 2011, la note en délibéré présentée pour Mme X ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2011 :

- le rapport de Mme F. Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les observations de Me Malabre, avocat de Mme X ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Malabre ;

Considérant que Mme X, née le 20 octobre 1986, de nationalité algérienne, a été confiée à sa grand-mère paternelle, par acte de kafala en date du 14 octobre 2000 ; qu'elle est entrée en France, accompagnée de celle-ci, le 16 avril 2001, alors qu'elle était âgée de quatorze ans ; que, peu de temps avant sa majorité, elle a sollicité auprès des services de la préfecture de la Haute-Vienne, par un courrier en date du 9 juillet 2004, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale ; qu'une décision implicite de rejet est née quatre mois après ; que, par une décision en date du 13 décembre 2006, le préfet de la Haute-Vienne a explicitement refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour ; que, par un arrêté en date du 7 mars 2007, le préfet de la Haute-Vienne a, de nouveau, refusé de faire droit à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel Mme X serait renvoyée à défaut de se conformer à ladite obligation ; que, par un jugement en date du 11 juillet 2007 devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 7 mars 2007 ainsi que la décision de refus de séjour en date du 13 décembre 2006 et la décision implicite de refus née en 2004, au motif que le préfet de la Haute-Vienne avait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que Mme X a introduit un recours indemnitaire afin d'obtenir réparation des préjudices résultant des décisions illégales qui lui avaient été opposées par le préfet ; qu'elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 1er avril 2010 en ce qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à 3 500 euros ;

Considérant que l'illégalité, fondée sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des refus de titre de séjour qui ont été successivement opposés à Mme X constitue une faute qui engage la responsabilité de l'Etat à l'égard de cette dernière ;

En ce qui concerne le préjudice matériel :

Considérant que si la requérante soutient que les refus illégaux de séjour l'ont mise dans l'impossibilité de percevoir le revenu minimum d'insertion, il résulte de l'instruction qu'elle n'aurait de toute façon pas rempli, pendant la période de responsabilité, la condition d'âge exigée pour percevoir ce revenu ; que si la requérante fait valoir que ces refus ont repoussé la date à laquelle elle serait susceptible de remplir la condition tenant à une résidence régulière sur le territoire français pendant au moins cinq ans, le préjudice qui en résulte présente un caractère purement éventuel et n'est donc pas indemnisable ;

Considérant que si la requérante fait valoir que le refus illégal de séjour a fait obstacle à ce qu'elle bénéficie de la couverture médicale universelle, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait eu à exposer des frais médicaux, de sorte que ces refus n'ont pas été, à cet égard, à l'origine d'un préjudice indemnisable ; qu'au demeurant, elle ne conteste pas qu'elle aurait pu, si nécessaire, bénéficier de l'aide médicale d'Etat ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme X, qui ne produit aucune promesse d'embauche valable pendant la période s'étendant du 9 novembre 2004, date du premier refus de séjour illégal, au 23 octobre 2007, date à laquelle un titre de séjour lui a été délivré, ait été privée, du fait des refus illégaux de séjour, de la possibilité d'occuper un emploi ;

Considérant, en revanche, qu'à compter de la naissance, le 24 mai 2007, de son second enfant, Mme X aurait eu droit au versement des allocations familiales si elle avait été titulaire de la carte de séjour temporaire dont elle a été illégalement privée du fait des refus illégaux qui lui ont été opposés par le préfet ; que les récépissés qui lui ont été délivrés ne sont pas au nombre des documents dont la production est exigée par l'article D 512-1 du code de la sécurité sociale pour qu'un étranger puisse bénéficier des prestations familiales ; que, par suite, et sans qu'il puisse lui être reproché, dans ces conditions, de ne pas avoir présenté une demande tendant au versement desdites allocations, Mme X a droit à l'indemnisation du préjudice résultant du défaut de ce versement, qui doit être évalué à la somme, non contestée, de 867,44 euros ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les enfants de la requérante aient subi à titre personnel un préjudice matériel dû aux refus illégaux de séjour ;

En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral :

Considérant que Mme X ne fournit en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'indemnité, d'un montant de 3 500 euros, que lui a allouée le tribunal administratif à raison des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ses deux enfants auraient également subi personnellement, du fait des refus illégaux de séjour, un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est seulement fondée à demander que l'indemnité allouée par le tribunal administratif soit portée à la somme de 4 367,44 euros ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que le tribunal administratif a alloué à juste titre les intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2009, date de réception par la préfecture de la demande préalable d'indemnisation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la requérante a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande enregistrée le 7 août 2009 au greffe du tribunal administratif et réitère cette demande dans ses écritures d'appel ; que cette demande prend effet à compter du 12 juin 2010, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat sur le fondement desdites dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme X par l'article 1er du jugement attaqué est portée à 4 367,44 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2009 et les intérêts échus le 12 juin 2010 étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de ladite date, puis, le cas échéant, à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 1er avril 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

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No 10BX02745


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX02745
Date de la décision : 27/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de police. Services de l'Etat.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-06-27;10bx02745 ?
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