La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2011 | FRANCE | N°10BX01839

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 08 juillet 2011, 10BX01839


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 juillet 2010 en télécopie, régularisée en original le 29 juillet 2010, présentée pour Mme Soraya épouse , demeurant ... ;

Mme épouse demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000684 du 21 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn en date du 21 janvier 2010 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et détermination du pays de renvoi, d'autre part, à ce qu'il so

it enjoint au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 juillet 2010 en télécopie, régularisée en original le 29 juillet 2010, présentée pour Mme Soraya épouse , demeurant ... ;

Mme épouse demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000684 du 21 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn en date du 21 janvier 2010 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et détermination du pays de renvoi, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans les 15 jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté du 21 janvier 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 500 euros ;

.....................................................................................................................

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2011 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- et les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

Considérant que Mme épouse , ressortissante algérienne née en 1964, a épousé en France, le 15 décembre 2008, un ressortissant français ; qu'elle a demandé un titre de séjour en faisant état de son mariage avec un Français et aussi de la présence en France de son propre fils, né à Amsterdam en 2001, de nationalité néerlandaise ; que, par un arrêté du 21 janvier 2010, le préfet du Tarn lui a refusé " la délivrance d'un titre de séjour à quelque titre que ce soit " ; que ce refus, essentiellement motivé par l'entrée irrégulière en France de l'intéressée, est assorti d'une obligation de quitter le territoire français et de la désignation de l'Algérie comme pays de destination ; que Mme épouse fait appel du jugement en date du 21 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté et ses conclusions à fin d'injonction jointes à ce recours ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article 18 du traité instituant la Communauté européenne, aujourd'hui repris à l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. " ; que l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres prévoit, au titre de ces limitations, que le droit d'un citoyen de l'Union de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois est subordonné à la possession de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'Etat membre d'accueil ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition de l'article 7 de la directive du 29 avril 2004 susmentionnée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° " ;

Considérant qu'en vertu des stipulations précitées de la directive européenne, à la lumière desquelles doivent être lues les dispositions législatives susmentionnées, le ressortissant mineur d'un Etat membre dispose d'un droit de séjour dans un Etat membre d'accueil, autre que celui dont il a la nationalité, à condition d'être couvert par une assurance maladie appropriée, et que le parent dont il est à la charge, lui-même ressortissant d'un Etat tiers, ait des ressources suffisantes pour que l'enfant ne devienne pas une charge pour les finances publiques de l'Etat membre d'accueil ; que, dans un tel cas, ces mêmes disposition ouvrent au parent qui a effectivement la garde de ce ressortissant le droit de séjourner avec celui-ci dans l'Etat membre d'accueil ; qu'un tel droit peut être invoqué par un ressortissant algérien ayant la charge d'un citoyen de l'Union européenne, dont la situation à cet égard n'est pas régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Considérant que les premiers juges ont écarté le moyen de Mme épouse tiré de ce que son fils Skander, citoyen de l'Union européenne, séjournait avec elle en France et qu'il y était scolarisé à la date de l'arrêté attaqué, au motif qu'elle n'établissait pas avoir la garde de cet enfant né de sa relation avec un ressortissant néerlandais ; que, cependant, la requérante produit en appel une décision juridictionnelle de la sixième chambre statuant en matière civile du tribunal d'Amsterdam en date du 19 mars 2003 condamnant le père de son fils à lui payer 200 euros par mois à titre de contribution aux frais d'entretien et d'éducation de cet enfant ; qu'une telle décision est de nature à révéler que Mme épouse avait la garde de Skander et il n'est pas allégué que des changements seraient intervenus depuis qui l'aurait privée de la garde de cet enfant ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que Skander demeurait effectivement avec sa mère et son époux dans leur maison individuelle de Lescure d'Albigeois à la date de l'arrêté attaqué et qu'il était effectivement scolarisé à cette date dans une école de cette commune, en classe de cours élémentaire 2 ; que, si le préfet soutient que Mme épouse , ne disposait d'aucun revenu personnel, il ne conteste pas que ceux provenant de l'activité salariée de son conjoint, dont les stipulations de la directive précitées n'excluent pas la prise en compte, permettaient, comme l'établit notamment l'avis d'imposition au titre de 2009 versé aux débats, de subvenir aux besoins de son épouse et de son beau-fils, indépendamment même de la contribution susvisée ; qu'en outre, il n'est pas contesté que Skander était couvert par une assurance maladie appropriée, comme en attestent les documents produits par la requérante ; que, contrairement à ce que soutient le préfet, Skander ne peut être regardé comme étant en situation irrégulière en France du fait que n'y séjourne pas ou n'y travaille pas son père, resté aux Pays-Bas ; que Skander, détenteur d'une carte d'identité délivrée par les autorités néerlandaises, en cours de validité lors de son séjour et lors de l'arrêté en litige, lui permettant d'exercer le droit dont il est, même mineur, titulaire en sa qualité de citoyen de l'Union, de circuler et de séjourner dans les autres Etats membres, ne peut pas davantage être regardé comme étant en situation irrégulière en France du fait que sa mère, détentrice d'un passeport algérien, y est entrée sans visa ; que l'absence de ce visa ne peut, dans les circonstances de l'espèce, justifier le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français pour retourner en Algérie opposés à Mme épouse sans porter une atteinte disproportionnée au droit que lui confèrent les stipulations précitées en sa qualité de mère d'un citoyen de l'Union dont elle a la garde ; qu'un tel refus de séjour est par suite illégal et rend illégales les autres mesures prises sur son fondement par l'arrêté en litige du 21 janvier 2010 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, que Mme épouse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn en date du 21 janvier 2010 ; que l'annulation de cet arrêté implique, eu égard à son motif et en l'absence de changements allégués par le préfet dans la situation de l'intéressée, la délivrance à Mme épouse d'une carte de séjour portant la mention " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " ; qu'il convient donc d'enjoindre au préfet du Tarn de délivrer à la requérante cette carte, dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la requérante de la somme de 1 300 euros en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Sont annulés le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 21 mai 2010 ainsi que l'arrêté du préfet du Tarn en date du 21 janvier 2010.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer à Mme épouse une carte de séjour portant la mention " membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 300 euros à Mme épouse , en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.

''

''

''

''

2

No 10BX01839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01839
Date de la décision : 08/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - PORTÉE DES RÈGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE ET DE L'UNION EUROPÉENNE - DROIT AU SÉJOUR EN FRANCE D'UNE ALGÉRIENNE MÈRE D'UN ENFANT NÉERLANDAIS MINEUR.

15-02 Les dispositions de l'article 7 de la directive de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, à la lumière desquelles doivent être lues les dispositions de la loi interne prises pour leur transposition, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre un droit de séjour dans un Etat membre d'accueil, autre que celui dont il a la nationalité, à condition d'être couvert par une assurance maladie appropriée, et que le parent dont il est à la charge, lui-même ressortissant d'un Etat tiers, ait des ressources suffisantes pour que l'enfant ne devienne pas une charge pour les finances publiques de l'Etat membre d'accueil. Dans un tel cas, ces mêmes dispositions ouvrent au parent qui a effectivement la garde de ce ressortissant le droit de séjourner avec celui-ci dans l'Etat membre d'accueil. Un tel droit peut être invoqué par un ressortissant algérien ayant la charge d'un citoyen de l'Union européenne, dont la situation à cet égard n'est pas régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Application positive en l'espèce à l'égard d'une Algérienne mère d'un enfant néerlandais dont elle a la charge.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS.

15-03

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES.

15-05

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS.

335-01


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-07-08;10bx01839 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award