La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2011 | FRANCE | N°10BX02872

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 06 septembre 2011, 10BX02872


Vu, I, le recours, enregistré au greffe de la cour le 22 novembre 2010 sous le n° 10BX02872, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603052 en date du 12 octobre 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de Mme Marilyne B, mis à la charge solidaire de l'Etat et de La Poste une somme de 10 000 euros au titre du préjudice matériel et moral subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement

;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le tri...

Vu, I, le recours, enregistré au greffe de la cour le 22 novembre 2010 sous le n° 10BX02872, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603052 en date du 12 octobre 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de Mme Marilyne B, mis à la charge solidaire de l'Etat et de La Poste une somme de 10 000 euros au titre du préjudice matériel et moral subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif ;

.....................................................................................................................

Vu, II, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 décembre 2010 sous le n° 10BX03032, présentée pour Mme Marilyne A, demeurant ... ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a limité à 10 000 euros le montant de la somme mise à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat au titre du préjudice subi par elle du fait du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, majorée des intérêts à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu, III, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 décembre 2010 sous le n° 10BX03033, présentée pour LA POSTE, dont le siège social est 44, boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) par Me Bellanger, de la SCP Granrut, avocats ; LA POSTE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé en date du 12 octobre 2010 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 4 juillet 2011, présentée pour Mme A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 58-777 du 25 août 1958 ;

Vu les décrets n° 64-953 du 11 septembre 1964 et n° 90-1238 du 31 décembre 1990 ;

Vu les décrets n° 72-503 du 23 juin 1972, n° 90-1237 du 31 décembre 1990 et n° 92-928 du 7 septembre 1992 ;

Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2011 :

- le rapport de M. H. Philip de Laborie, premier conseiller ;

- les observations de Me Perez se substituant à Me Bineteau, avocat de Mme A ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Perez ;

Considérant que, par lettres en date du 31 mars 2006, Mme A, membre du corps de reclassement des contrôleurs de LA POSTE, a vainement demandé au président de la POSTE et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE l'indemnisation de préjudices qu'elle estime avoir subis à cause du blocage de sa carrière, faute en particulier qu'aient été arrêtées des listes d'aptitude lui permettant d'accéder au corps des contrôleurs divisionnaires de LA POSTE puis au corps des inspecteurs ; que, saisi par Mme A d'une demande indemnitaire dirigée contre LA POSTE et l'Etat, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 12 octobre 2010, condamné solidairement LA POSTE et l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice matériel et moral subis par elle ; que, par l'instance enregistrée sous le numéro 10BX03032, Mme A fait appel de ce jugement en tant qu'il lui accorde une réparation qu'elle estime insuffisante ; que, par les instances enregistrées respectivement sous les numéros 10BX02872 et 10BX03033, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI et LA POSTE font appel de ce jugement en tant qu'il les condamne ; qu'il y a lieu de joindre ces trois instances dirigées contre un même jugement pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la recevabilité de la requête de Mme A et de sa demande devant le tribunal administratif :

Considérant que les demandes préalables de Mme A énoncent de manière suffisante, au regard notamment de sa situation personnelle, les moyens présentés à l'appui de ces demandes, lesquelles étaient de nature à faire naître des décisions de rejet ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par LA POSTE aux conclusions de Mme A et tirée de prétendues carences affectant ses demandes préalables doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le tribunal administratif de Toulouse a retenu la responsabilité de LA POSTE et de l'Etat en exposant de manière suffisante les raisons pour lesquelles il regardait leurs comportements comme fautifs ; que les premiers juges n'ont pas méconnu, dans leur dévolution de la charge de la preuve, les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en déterminant le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice qu'il définit et regarde comme indemnisable, le tribunal a suffisamment motivé son jugement ; que, par suite, les moyens tenant à une irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés ;

Au fond :

En ce qui concerne l'exception de prescription :

Considérant que l'action en paiement d'indemnités, à raison des fautes commises notamment par LA POSTE qu'invoque la requérante, n'est pas au nombre de celles qui s'éteignent par la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil ; que, par suite et en tout état de cause, l'exception de prescription qu'oppose LA POSTE sur le fondement de cet article ne peut être accueillie ;

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; que l'article 31 de la même loi a permis à LA POSTE d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ; qu'en vertu de l'article 58 de la même loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de LA POSTE de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de LA POSTE de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par LA POSTE de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à LA POSTE de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de LA POSTE a, de même, commis une illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LA POSTE, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés , a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, pour s'exonérer de cette responsabilité, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que, de même, l'Etat a commis une faute de nature à entraîner sa responsabilité ; que, toutefois, les fautes de LA POSTE et de l'Etat n'ouvrent droit à réparation au profit de Mme A qu'à la condition qu'elles soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par elle ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant que Mme A, fonctionnaire de la Poste recrutée en 1979, titulaire du grade de contrôleur, fait valoir qu'elle a perdu une chance sérieuse d'accéder aux corps des contrôleurs divisionnaires de La Poste ou à celui des inspecteurs ; que, toutefois, ses évaluations pour les années antérieures à l'année 2009, si elles sont favorables, ne font pas état d'une excellence particulière ou d'une aptitude à exercer des fonctions supérieures à celles relevant du corps de contrôleur ; que, dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A, alors même qu'elle remplissait les conditions statutaires pour être promue, ait eu une chance sérieuse d'accéder au corps supérieur des contrôleurs divisionnaires ou à celui des inspecteurs, eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux membres de ces corps, si des promotions par inscription sur listes d'aptitude pour l'accès à un corps supérieur avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ; que Mme A n'est donc pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice de carrière qu'elle estime avoir subi ;

Considérant, cependant, que les fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont la source d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence subis par Mme A ; qu'elle est en droit d'en obtenir réparation sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir emprunté les voies de promotion offertes par les corps de reclassification ; que cependant le tribunal administratif de Toulouse a fait une appréciation excessive de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme globale de 10 000 euros ; que le préjudice doit être estimé à la somme globale de 5 000 euros tous intérêts confondus ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI et LA POSTE sont fondés, dans cette mesure, à demander la réformation du jugement attaqué ;

Considérant que Mme A demande en appel que l'indemnité allouée soit majorée des intérêts moratoires décomptés à partir de sa demande préalable ; que, toutefois, il résulte de ce qui est dit ci-dessus que cette indemnité inclut tous les intérêts qui sont échus à la date du jugement attaqué ; que, par suite, ses conclusions relatives aux intérêts ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de LA POSTE et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A la somme que LA POSTE demande en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme à laquelle LA POSTE et l'Etat ont été condamnés solidairement à payer à Mme A par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 12 octobre 2010 est ramenée à 5 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de Mme A et le surplus des conclusions de LA POSTE et du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions formulées par Mme A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justices administratives, autres que celles présentées dans sa requête, sont rejetées.

''

''

''

''

2

Nos 10BX02872, 10BX03032, 10BX03033


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Henri de LABORIE
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 06/09/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10BX02872
Numéro NOR : CETATEXT000024566068 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-09-06;10bx02872 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award