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02/11/2011 | FRANCE | N°10BX02778

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 02 novembre 2011, 10BX02778


Vu l'ordonnance n° 337123 en date du 20 octobre 2010, enregistrée le 8 novembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 10BX02778, par laquelle le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat attribue le jugement de la requête de M. Victor A à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2010 et le mémoire complémentaire, enregistré le 1er juin 2010, présentés pour M. Victor A demeurant au ... ; M. A demande :

1°) l'annulation de l'ordonnance n° 0901798 en date du 30 décembre 2009

par laquelle le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa ...

Vu l'ordonnance n° 337123 en date du 20 octobre 2010, enregistrée le 8 novembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 10BX02778, par laquelle le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat attribue le jugement de la requête de M. Victor A à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2010 et le mémoire complémentaire, enregistré le 1er juin 2010, présentés pour M. Victor A demeurant au ... ; M. A demande :

1°) l'annulation de l'ordonnance n° 0901798 en date du 30 décembre 2009 par laquelle le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 260 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de harcèlement moral ;

2°) la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 260 000 euros ;

3°) la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- et les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. 421-2 du même code : Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa et aux termes de l'article R. 421-3 dudit code : Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux ;

Considérant que M. A, qui avait exercé des fonctions d'agent comptable dans des établissements de l'académie de la Martinique, a demandé, par lettre du 18 mai 2009 adressée au ministre de l'éducation nationale, à être indemnisé, à hauteur de 260 000 euros, du préjudice subi à raison du harcèlement moral dont il estimait avoir été victime ; que cette réclamation étant restée sans réponse, il a saisi le 29 septembre 2009 le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à l'annulation du rejet implicitement opposé à sa réclamation préalable et à la condamnation de l'Etat à lui payer l'indemnité réclamée pour le montant de 260 000 euros ; que cette demande présentait donc pour le tout le caractère d'une demande de plein contentieux ; que cette action de plein contentieux, née du silence gardé par l'administration sur la réclamation préalable, n'était enfermée, en vertu des dispositions précitées du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, dans aucun délai de recours ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, ces dispositions font obstacle à ce que la seule saisine du tribunal déclenche le délai de recours et le fasse expirer au bout de deux mois ; qu'en l'absence d'expiration du délai de recours, le président du tribunal administratif de Limoges ne pouvait user des pouvoirs que lui confère le 7° de l'article R. 222-1 pour rejeter la demande de M. A ; que celui-ci est donc fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner son autre moyen tenant à l'irrégularité de l'ordonnance qu'il attaque, à demander l'annulation de cette ordonnance ; qu'il convient de statuer, par voie d'évocation, sur la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif, reprise devant la cour ;

Sur le bien-fondé de la demande indemnitaire de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ;

Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

Considérant que le requérant se plaint d'un ensemble de faits trouvant leurs sources dans les fonctions exercées par lui depuis 1997 comme agent comptable d'établissements scolaires en Martinique, qu'il impute à diverses personnes et dont il soutient qu'ils sont constitutifs de harcèlement moral à son encontre ; que, toutefois, il ne résulte de l'instruction ni que ses conditions d'exercice d'agent comptable, malgré la lourdeur de sa tâche que l'administration a reconnue notamment au terme d'une mission de l'inspection générale, aient été révélatrices de faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral, ni que les modes de contrôle sur les comptes des établissements d'affectation exercés par sa hiérarchie ainsi que sa mise en cause à cet égard, notamment par édiction d'un arrêté de débet le 4 juillet 2005, aient été constitutifs de tels faits ; que ne saurait apporter la preuve contraire la circonstance que la plainte pénale pour détournement de fonds qu'il soutient avoir déposée en 1999 est restée sans suite ; que la teneur de l'arrêté précité du 4 juillet 2005 motivé par la rémunération d'un commis d'office pour la reddition du compte financier 1997 des établissements où avait été affecté le requérant ne procède pas davantage de harcèlement moral et les raisons d'ordre gracieux qui ont conduit, selon les précisions apportées par le ministre resté sans contredit sur ce point, à abandonner la procédure de recouvrement de la créance du Trésor dont le requérant avait été constitué débiteur, ne traduisent pas l'acharnement dont celui-ci se prétend victime de la part de sa hiérarchie ; que la mesure de suspension dont il a été l'objet en avril 1999, avec maintien du traitement, motivée selon les pièces versées aux débats par des carences comptables et des relations conflictuelles avec des enseignants, était justifiée par l'intérêt du service, alors même qu'elle n'a pas conduit à l'engagement d'une procédure disciplinaire ; que l'attestation datée du 7 juin 1999, dont M. A se prévaut en particulier devant la cour, cosignée par certains de ses collègues, suivant laquelle il aurait fait l'objet de harcèlement quotidien des divers créanciers de l'établissement dont il était l'agent comptable, n'est pas de nature à prouver la réalité du harcèlement qu'il reproche à sa hiérarchie ; que l'agression qu'il soutient avoir subie en février 1999 de la part d'un enseignant, au titre de laquelle il a déposé une plainte pénale, dont les pièces qu'il produit lui-même montrent qu'elle a conduit à un non-lieu en octobre 2001, ne révèle pas un harcèlement de la part de son administration qui, selon la lettre également versée aux débats, a accepté de lui accorder, au moins pour partie, le bénéfice de la protection juridique prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; que, ni les conditions de sa mutation en métropole, qu'il a lui-même sollicitée, ni l'évolution générale de sa carrière ne procèdent des agissements d'harcèlement moral dont le requérant se plaint ; que, par suite, la réalité du préjudice qu'il soutient avoir subi à raison de tels faits ne peut être regardée comme établie ; que, par conséquent, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées comme n'étant pas fondées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0901798 en date du 30 décembre 2009 du président du tribunal administratif de Limoges est annulée.

Article 2 : Le surplus de la requête et la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif sont rejetés.

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No 10BX02778


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : SCP CELICE BLANCPAIN SOLTNER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 02/11/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10BX02778
Numéro NOR : CETATEXT000024802577 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-11-02;10bx02778 ?
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