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17/11/2011 | FRANCE | N°10BX00812

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 17 novembre 2011, 10BX00812


Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2010, présentée pour la SOCIETE SOGEDO, société anonyme dont le siège est 4 place des Jacobins à Lyon (69002), par Me Mescheriakoff ; la SOCIETE SOGEDO demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800830 du 21 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte départemental de l'équipement des communes des Landes (SYDEC) à lui verser la somme de 1 054 055 euros en réparation des préjudices causés par la résiliation, le 24 novembre 2006, des contrats d'affe

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Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2010, présentée pour la SOCIETE SOGEDO, société anonyme dont le siège est 4 place des Jacobins à Lyon (69002), par Me Mescheriakoff ; la SOCIETE SOGEDO demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800830 du 21 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte départemental de l'équipement des communes des Landes (SYDEC) à lui verser la somme de 1 054 055 euros en réparation des préjudices causés par la résiliation, le 24 novembre 2006, des contrats d'affermage des services publics de l'eau et de l'assainissement dont elle était titulaire pour les communes de Sabres, Linxe, Saint-Vincent-de-Paul, Thétieu et Saint-Cricq-en-Chalosse ;

2°) à titre principal, de condamner le SYDEC à lui verser la somme globale de 1 042 455 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation à compter du 1er juillet 2008 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge du SYDEC la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :

- le rapport de Mme Viard, président-assesseur ;

- les observations de Me Bosquet, pour la SOCIETE SOGEDO et de Me Krust, pour le SYDEC ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;

Considérant que, par deux délibérations en date du 24 novembre 2006, le syndicat départemental de l'équipement des Landes (SYDEC), en sa qualité d'autorité délégante, a résilié pour faute grave les conventions d'affermage du service de distribution d'eau potable concernant les communes de Linxe, Sabres, Saint-Vincent-de-Paul et Thétieu ainsi que les conventions relatives au service de l'assainissement concernant les mêmes communes et la commune de Saint-Cricq-en-Chalosse dont la SOCIETE SOGEDO était titulaire ; que celle-ci, estimant que ces décisions n'étaient pas fondées, a demandé au tribunal administratif de Pau la réparation des préjudices subis en résultant qu'elle a évalués à la somme de 1 054 055 euros ; que le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, la SOCIETE SOGEDO fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif de Pau, sans se prononcer sur le bien-fondé des décisions de résiliation, a rejeté la demande de la SOCIETE SOGEDO au motif qu'elle ne justifiait pas des préjudices dont elle demandait réparation du fait de la résiliation ; qu'il a ainsi constaté qu'une des conditions de l'engagement de la responsabilité de la puissance publique n'étant pas remplie, la SOCIETE SOGEDO ne pouvait obtenir réparation des préjudices allégués quand bien même la résiliation prononcée présenterait un caractère abusif ; que ce faisant, il n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les communes, qui avaient conclu les conventions d'affermage des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement en litige avec la SOCIETE SOGEDO, en 1993, pour six de ces conventions, et en 1974, pour l'une d'entre elles, ont successivement, à partir de 1998, transféré au SYDEC leurs compétences en matière d'eau et d'assainissement, lequel est ainsi devenu autorité délégante en lieu et place des communes ; que les conventions d'affermage prévoyaient la possibilité de contrôles par la collectivité délégante de l'activité du fermier et mettaient à la charge de celui-ci la fourniture des éléments nécessaires pour qu'il puisse y procéder ; que le SYDEC a décidé en 2006 d'entreprendre un contrôle sur l'ensemble des conventions de délégation en litige ; qu'il a, par télécopie adressée à la SOCIETE SOGEDO le 26 septembre 2006, demandé notamment la communication, pour chacun des contrats, des comptes rendus techniques et financiers que le délégataire est tenu d'adresser chaque année à l'autorité délégante, le solde des comptes rendus financiers, les comptes d'exploitation, les inventaires des biens confiés au fermier et également le nombre d'abonnés, le volume assujetti pour le calcul de la rémunération du fermier, la liste des travaux effectués au titre de la garantie de renouvellement, et joint à cette demande un questionnaire par contrat ; que si la SOCIETE SOGEDO n'a pas fourni dans le délai prévu fixé au 10 octobre 2006 l'ensemble de ces documents, elle a toutefois remis en mains propres au SYDEC plusieurs des documents demandés, le 27 octobre, soit un mois après ; qu'à la suite d'une mise en demeure qui lui a été adressée le 6 novembre 2006, aux fins de compléter les documents fournis par la production des comptes prévisionnels d'exploitation, l'état des patrimoines initiaux ainsi que l'évolution du nombre d'abonnés et des volumes assujettis, pour le 25 novembre prochain délai de rigueur , la SOCIETE SOGEDO s'est à nouveau efforcée de répondre positivement à la demande du syndicat dont elle a d'ailleurs rencontré, le 21 novembre 2006, le directeur technique à qui elle a remis plusieurs des documents manquants dont les comptes d'exploitation prévisionnels à l'exception d'un seul, l'inventaire des ouvrages et les comptes rendus techniques et financiers pour les années 1993 à 2000 ; qu'en outre, au cours de cette réunion, un accord est intervenu sur les pièces restant à fournir, la SOCIETE SOGEDO s'engageant à les produire au plus tard, le 15 décembre 2006 ; que, s'il est vrai que la SOCIETE SOGEDO a tardé dans la remise des documents demandés, le déroulement des faits ci-dessus décrits ne révèle pas de sa part la volonté de faire obstruction au contrôle en refusant de communiquer les documents et les renseignements qui lui étaient demandés ; qu'elle ne saurait dès lors être regardée comme ayant gravement manqué à ses obligations contractuelles ; que, dans ces conditions, la résiliation de l'ensemble des conventions prononcée le 24 novembre 2006, avant même l'expiration du délai fixé dans la mise en demeure du 6 novembre 2006, au motif tiré de la mauvaise foi dont le délégataire a pu faire preuve lors du contrôle de l'exécution de ces contrats et de son refus obstiné d'apporter les éléments nécessaires au suivi d'un bon déroulement des délégations , présente un caractère abusif et constitue une faute de nature à engager la responsabilité du SYDEC ; que la SOCIETE SOGEDO est ainsi fondée à demander réparation des préjudices résultant de la résiliation desdites conventions ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que les conventions en litige expiraient pour quatre d'entre elles, en 2008, pour l'une d'entre elles en 2009 et pour deux d'entre elles en 2013 ; que la SOCIETE SOGEDO demande réparation de son manque à gagner résultant de la fin anticipée desdites conventions qu'elle évalue à 132 988 euros ; que pour en justifier, elle produit en appel les trois derniers comptes rendus financiers de chaque délégation, lesquels permettent de déterminer contrat par contrat le bénéfice moyen sur les trois derniers exercices, puis multiplie ledit bénéfice par le nombre d'années restant à courir ; que ces documents sont assortis d'une attestation du commissaire aux comptes de la société qui affirme la concordance des informations fournies avec la comptabilité analytique de la société en lien avec la comptabilité générale ; que si le SYDEC soutient que compte tenu de la variation d'une année sur l'autre des résultats, la permanence d'un résultat bénéficiaire n'était pas certaine, il ne fait état d'aucun élément précis, tel des dépenses à la charge du délégataire, qui aurait été de nature à diminuer le bénéfice moyen attendu par la SOCIETE SOGEDO ; qu'il y a lieu par suite de faire droit à cette demande ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société concernant ses charges fixes de structure dont elle ne justifie pas et qu'il lui appartient d'ajuster en fonction de son activité ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante produit en appel les justificatifs des sommes qu'elle a versées en contrepartie de travaux réalisés dans le cadre des conventions d'assainissement concernant les communes de Saint-Cricq-en-Chalosse et de Sabres ; que la remise de ces biens à la collectivité délégante suppose le versement par cette dernière d'une indemnité correspondant à la valeur non amortie de ces travaux, laquelle, en l'espèce, s'élève globalement à la somme de 11 884 euros ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'il en est de même des emprunts contractés pour le préfinancement de travaux concernant les services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement sur la commune de Sabres, dont la quote-part non amortie s'élève à 54 306 euros, l'article 5 des conventions d'affermage conclues avec cette commune prévoyant à l'expiration de la convention, le versement par la commune d'une indemnité égale à la part non amortie de ces redevances ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE SOGEDO réclame au titre de la part non amortie du parc des compteurs d'eau des trois conventions d'affermage du service public de distribution d'eau potable la somme de 94 827,20 euros ; qu'il résulte de l'instruction qu'en vertu de l'article 24 de la convention, les compteurs sont fournis par le fermier en location à l'abonné ; que l'article 54 de ces contrats prévoit qu'en fin d'affermage, la collectivité pourra reprendre contre indemnité les biens nécessaires à l'exploitation financés par le fermier et que ces indemnités de reprise seront fonction de l'amortissement technique ; qu'il n'est pas contesté que le SYDEC a repris les compteurs d'eau ; que la société requérante fait état d'un coefficient d'amortissement des compteurs en fonction de leur ancienneté ; qu'il résulte des tableaux qu'elle produit que ce coefficient correspond à une durée d'amortissement de douze ans ; que le SYDEC ne fournit aucun élément de nature à établir que la durée d'amortissement retenue ne correspondrait pas aux conditions d'amortissement de ces biens ; qu'il s'ensuit que, compte tenu du nombre de compteurs recensés dans les documents produits en appel pour chacune des conventions d'affermage et de leur durée d'amortissement, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due à la SOCIETE SOGEDO du fait de ce chef de préjudice en la fixant à 93 000 euros ;

Considérant, en quatrième lieu, que les contrats d'affermage comportent une clause permettant au fermier de bénéficier du transfert du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les investissements financés par la collectivité et compris dans l'affermage, les sommes perçues étant reversées par le fermier à la collectivité ; que les contrats prévoient également que si, en fin de contrat, le fermier est amené à rembourser au Trésor public une partie de la taxe sur la valeur ajoutée effectivement récupérée sur les dépenses d'investissement du service au cours des dix années précédentes, la collectivité remboursera au fermier les sommes ainsi dues au Trésor ; que la SOCIETE SOGEDO soutient devoir au Trésor la somme de 18 544 euros ; que, faute cependant d'apporter la preuve du paiement de cette somme au Trésor public, elle ne saurait en obtenir l'indemnisation ;

Considérant, enfin, que si la SOCIETE SOGEDO réclame la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice commercial et moral né de l'atteinte à sa réputation qu'elle aurait subi du fait des décisions de résiliation en litige, elle n'apporte pas d'élément de nature à en établir la réalité ; que les conclusions tendant à l'octroi de cette somme doivent donc être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu de condamner le SYDEC à verser à la SOCIETE SOGEDO la somme de 292 178 euros ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la SOCIETE SOGEDO a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal sur la somme de 292 178 euros à compter du 1er juillet 2008 ; qu'elle en a demandé la capitalisation dans sa requête introductive d'instance enregistrée, le 24 mars 2010 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière ; que les intérêts échus au 24 mars 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

Considérant que, dans la mesure de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, la SOCIETE SOGEDO est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE SOGEDO, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande le SYDEC au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge du SYDEC une somme de 1 500 euros en remboursement des frais exposés par la SOCIETE SOGEDO non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le SYDEC est condamné à verser à la SOCIETE SOGEDO la somme de 292 178 euros.

Article 2 : La somme de 292 178 euros portera intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2008. Les intérêts échus à la date du 24 mars 2010 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 21 janvier 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le SYDEC versera à la SOCIETE SOGEDO la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la SOCIETE SOGEDO et le SYDEC est rejeté.

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N° 10BX00812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00812
Date de la décision : 17/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Motifs.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre VIARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MESCHERIAKOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-11-17;10bx00812 ?
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