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24/11/2011 | FRANCE | N°11BX00005

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2011, 11BX00005


Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2011 par télécopie, régularisée le 6 janvier 2011, présentée pour Monsieur Marcel A, demeurant ..., par Me Valière-Vialeix, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901109 du 4 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à lui verser la somme de 30.000 euros en réparation de préjudices qu'il a subis, consécutivement à une chute de bicyclette, du fait du défaut d'entretien normal

de la route communale n° 5 sur la commune de Veyrac ;

2°) de condamner la commun...

Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2011 par télécopie, régularisée le 6 janvier 2011, présentée pour Monsieur Marcel A, demeurant ..., par Me Valière-Vialeix, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901109 du 4 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à lui verser la somme de 30.000 euros en réparation de préjudices qu'il a subis, consécutivement à une chute de bicyclette, du fait du défaut d'entretien normal de la route communale n° 5 sur la commune de Veyrac ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération de Limoges à lui verser la somme globale de 38.601,50 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole la somme de 3.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 octobre 2011 :

- le rapport de M. de La Taille Lolainville, conseiller,

- les observations de Me Clerc, avocat de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole ;

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à de Me Clerc, avocat de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole ;

Considérant que le 29 juillet 2007, alors qu'il circulait à bicyclette à Veyrac, une commune de la Haute-Vienne membre de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole, M. A a fait une chute et s'est blessé ; qu'estimant son accident consécutif à l'entretien insuffisant de la voirie, M. A a saisi le tribunal administratif de Limoges de conclusions tendant à la condamnation de cette communauté d'agglomération à lui verser une indemnité de 38.601,50 euros au titre des préjudices qu'il avait subis ; qu'il relève appel du jugement n° 0901109 du 4 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier du directeur départemental des services d'incendie et de secours et du témoignage d'une personne arrivée sur les lieux quelques minutes après les faits, que M. A a chuté à Veyrac sur la voie communale qui relie le lieudit Le Theil au lieudit Peyruche , à proximité immédiate de ce dernier lieudit ; qu'un procès-verbal de constat, accompagné d'une photographie, établi par un huissier de justice à la diligence de M. A le 28 août 2007, atteste que la chaussée présentait à environ soixante mètres de l'arrêt de bus Veyrac - Peyruche dans la direction du Theil, un affaissement de quatre-vingt-dix centimètres de long sur quatre-vingt centimètres de large atteignant sept centimètres de profondeur ; que cette concordance géographique établie et le récit vraisemblable et constant de M. A suffisent, en l'absence de toute autre explication sérieuse à l'accident, et alors même qu'aucun témoin oculaire ne le certifie, à démontrer que cette défectuosité de la voie a constitué la cause directe de la chute dont l'intéressé a été victime ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, pour rejeter la demande de M. A, le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur la circonstance que le lien de causalité entre le défaut d'entretien normal allégué et les préjudices subis par l'intéressé n'était pas établi ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en demande par M. A qu'en défense par la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole, qui a déclaré dans sa défense de première instance qu'elle avait prévu la réalisation, au cours du mois de juillet 2007, de deux visites sur les lieux des services compétents afin notamment d'arrêter le coût prévisionnel d'une remise en état de la chaussée, avait connaissance de l'existence de l'ornière à l'origine de l'accident survenu à M. A ; qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole aurait manqué de temps pour remédier à cette défectuosité, dès lors qu'eu égard à son importance elle présentait nécessairement une certaine ancienneté, et alors que la communauté d'agglomération aurait pu à tout le moins, dans l'attente des travaux, signaler le danger ; que dans ces conditions, la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un entretien normal de la voie communale litigieuse ;

Considérant que l'ornière ayant causé la chute de M. A, ainsi qu'il a été dit, atteignait sept centimètres de profondeur, pour une superficie de près d'un mètre carré ; que contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole, il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'huissier dont elle a été l'objet ainsi que des photographies qui en ont été prises, que cette ornière ne présentait pas une pente douce ou dépourvue d'aspérités ; qu'il ne saurait être sérieusement allégué qu'elle se serait sensiblement creusée entre le 29 juillet 2007, date de l'accident, et le 28 août suivant, date à laquelle M. A a fait établir à son sujet ledit constat d'huissier ; qu'ainsi, elle excédait par son ampleur les obstacles auxquels les usagers de la voie publique doivent normalement s'attendre et à l'encontre desquels il leur appartient de se prémunir eux-mêmes en faisant preuve de l'attention et de la prudence appropriées ; qu'il résulte cependant de l'instruction, et notamment des photographies versées au dossier par M. A lui-même, que l'ornière, qui n'occupait pas l'intégralité de la largeur de la route, n'aurait pas constitué un obstacle pour un cycliste strictement respectueux de la règle de la circulation à droite ; qu'il résulte en outre des déclarations faites par l'intéressé à l'expert l'ayant examiné que M. A roulait à vive allure au moment de l'accident ; que dans ces circonstances, il sera tenu compte de l'imprudence ainsi commise par la victime en limitant la part de responsabilité imputable à la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à 75 % des conséquences dommageables de l'accident ;

Sur les préjudices :

Considérant en premier lieu, que M. A, qui demande au titre de ses dépenses de santé une indemnité de 442,50 euros correspondant aux frais de remplacement, qu'il aurait supportés, d'une couronne dentaire fracturée lors de l'accident, se borne à produire un devis de dentiste figurant pour l'opération un prix total de 550 euros et une base de remboursement de 107,50 euros ; qu'à défaut de produire la facture de ces soins, et alors que sont incertaines les conditions dans lesquelles ils ont été pris en charge par les assurances maladie dont bénéficie M. A, l'existence de ce préjudice n'est pas établie ; que les conclusions de M. A tendant à son indemnisation ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui pratiquait régulièrement le cyclisme, portait lors de sa chute un casque et s'est blessé notamment aux jambes ainsi qu'au visage ; qu'ainsi, la perte, en raison de cet accident, d'un cuissard, d'une paire de gants, d'un casque et de lunettes appropriés à la pratique de ce sport, est suffisamment démontrée ; que le devis établi pour le remplacement de ces équipements indique pour le cuissard une valeur de 94 euros, pour les gants une valeur de 25 euros, pour le casque une valeur de 105 euros et pour la paire de lunettes une valeur de 110 euros ; que la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole, qui s'est bornée en première instance à faire valoir que ce devis avait été établi après les faits, ne conteste pas la sincérité des indications qui y sont portées s'agissant de la valeur des équipements détruits ; qu'il s'ensuit que M. A est fondé à soutenir que sa chute lui a causé un préjudice matériel de 334 euros ; qu'à ce titre, et eu égard à sa propre part de responsabilité dans le dommage qu'il a subi, il y a lieu de condamner la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à lui verser la somme de 250,50 euros ;

Considérant en troisième lieu, que M. A prétend avoir subi un préjudice de 3.333 euros du fait de la destruction de sa bicyclette ; que toutefois, au soutien de cette affirmation, il se borne à produire un rapport d'information établi par un cabinet d'expertise à destination de son assureur évaluant la valeur de l'épave à 1.530 euros ; que ce faisant, et alors qu'il ne précise pas selon quelles modalités il a finalement été pris en charge par son assurance, il ne démontre pas l'existence du préjudice ; que M. A n'est dès lors pas fondé à en demander la réparation ;

Considérant en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations faites par l'intéressé à l'expert commis par le tribunal administratif, que M. A, s'il était le gérant non salarié d'une société, travaillait avec deux employés et ne s'occupait que de l'activité de vente ; que par suite, la circonstance qu'il se soit trouvé dans l'incapacité d'exercer son activité professionnelle tout au long du mois d'août 2007 ne saurait avoir eu pour conséquence, ainsi qu'il le soutient, la perte, pour cette société, d'un douzième de sa marge annuelle, ni, par conséquent et a fortiori, une diminution de la même ampleur de sa propre rémunération ; que dans ces conditions, à défaut de produire, notamment, un document comptable figurant la différence entre sa rémunération d'août 2007 et celle qu'il a perçue d'autres années à la même époque, M. A ne démontre pas que son arrêt de travail aurait engendré pour lui des pertes professionnelles ; que le préjudice allégué à ce titre ne peut par suite être indemnisé ;

Considérant en cinquième lieu, qu'au titre de l'incidence professionnelle de son accident, M. A prétend à la somme de 5.000 euros en se prévalant de ce qu'il souffrirait régulièrement en fin de journée de douleurs au genou droit ; que toutefois, M. A, né en 1946 et gérant non salarié de sa société, ne démontre pas en quoi ce handicap léger pourrait avoir eu une incidence sur ses perspectives professionnelles ; que cette demande doit par suite être rejetée ;

Considérant en sixième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A a souffert notamment d'un traumatisme facial, d'une plaie de l'arcade sourcilière gauche et de multiples abrasions aux bras, aux mains et aux jambes, ayant engendré une incapacité temporaire totale d'un mois et ayant nécessité une hospitalisation de quelques heures, des examens complémentaires, la suture de ses plaies sous anesthésie générale et des soins infirmiers et ostéopathiques ; qu'au titre du déficit fonctionnel temporaire dont il est resté atteint entre le 29 juillet 2007 et le 6 février 2009, date de la consolidation de ses blessures, il justifie par suite d'un préjudice dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à 1.100 euros ; qu'après partage de responsabilité, il y a lieu de condamner la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à lui verser à ce titre la somme de 825 euros ;

Considérant en septième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A a enduré des souffrances consécutives à ses blessures, aux soins qu'elles ont nécessités, et à la décompensation de l'arthrose discrète du genou droit dont il se trouvait antérieurement atteint ; que ces souffrances légères ont été estimées à 2 sur une échelle de 7 par l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. A à ce titre en l'évaluant à 1.400 euros ; qu'il y a lieu par suite de condamner la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à lui verser la somme de 1.050 euros après partage de responsabilité ;

Considérant en huitième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A a subi un préjudice esthétique temporaire du fait des ecchymoses qu'il a présentées et des bandages qu'il a été contraint de porter ; qu'il conserve des cicatrices minimes au visage et au genou, ainsi qu'une déformation de la cuisse droite en position debout, constitutives, chez cet homme de près de soixante-trois ans à la date de la consolidation des blessures, d'un préjudice esthétique permanent de 0,5 sur une échelle de 7 selon l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices ainsi subis par M. A en les évaluant à 400 euros, et en condamnant la communauté d'agglomération de Limoges Métropole, après partage de responsabilité, à lui verser la somme de 300 euros à ce titre ;

Considérant en neuvième et dernier lieu, que, d'une part, il résulte de l'instruction que M. A reste atteint d'une gêne au genou droit, liée à la décompensation et à l'aggravation du fait de l'accident, d'une discrète arthrose de cette articulation ; que cette gêne se traduit par un déficit fonctionnel permanent de 3 % ; que d'autre part, si M. A ne démontre pas avoir pratiqué antérieurement avec régularité la course à pied, il résulte en revanche également de l'instruction qu'il pratiquait le cyclisme, que cette pratique est définitivement compromise, et que l'intéressé justifie à ce titre d'un préjudice d'agrément ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en les fixant à 3.750 euros ; qu'après partage de responsabilité, il y a lieu de condamner la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à verser à M. A la somme de 2.812,50 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à demander la condamnation de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole à lui verser la somme de 5.238 euros en réparation des préjudices consécutifs à la chute de bicyclette dont il a été victime le 29 juillet 2007 ; que c'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Limoges-Métropole la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901109 du 4 novembre 2010 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération de Limoges-Métropole est condamnée à verser à M. A la somme de 5.238 euros.

Article 3 : La communauté d'agglomération de Limoges-Métropole versera à M. A la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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11BX00005


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité - Existence.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Défaut d'entretien normal - Chaussée.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Guillaume de la TAILLE LOLAINVILLE
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : VALIERE-CIALEIX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 24/11/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11BX00005
Numéro NOR : CETATEXT000024910445 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-11-24;11bx00005 ?
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